La pollution microplastique qui touche les trois quarts des sols français est causée par “conditionnement”indique Roland Marion, directeur de l’économie circulaire à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), invité de franceinfo, jeudi 26 décembre. Dans une étude publiée jeudi, l’Ademe a souligné pour la première fois l’importance de cette pollution.
franceinfo : Trente-trois échantillons ont été prélevés dans des champs, vignes, vergers et forêts en France. Cela signifie-t-il que le plastique est présent presque partout ?
Roland Marion : Un peu partout. Dans 75 % des échantillons analysés, des microplastiques ont été trouvés. Donc 33 échantillons, ce n’est pas très gros en termes de volume d’échantillon, mais c’est quand même 75 % de ces échantillons qui montrent des microplastiques. Cela signifie que nous le trouvons en grande quantité dans nos sols agricoles et que nous le trouvons également en plus petites quantités dans les forêts, par exemple dans les prairies.
Quinze petites particules par kilo de sol, c’est ce que représente une grosse motte de terre. Connaît-on l’origine de ce plastique qui se réduit au fil du temps en petits flocons ?
On retrouve principalement du polystyrène, du polyéthylène, du polypropylène, du polyéthylène téréphtalate. Et derrière ces propos un peu savants se cache en fait tout ce qui est packaging. Et derrière ces propos un peu savants, on retrouve en réalité des plastiques qui proviennent essentiellement d’emballages : des emballages qui se fragmentent dans le sol pour passer de 1 centimètre à 5 millimètres puis à 2 millimètres.
Les terres agricoles sont-elles les plus contaminées par ces microplastiques ?
Dans notre échantillonnage, oui, car les sols qui ont été analysés sont des sols ayant fait l’objet de fertilisations organiques, donc qui proviennent de filières de collecte sélective des biodéchets notamment, destinés à retourner dans les champs. Ce sont les terres dans lesquelles, dans notre analyse, on trouve le plus de microplastiques.
Nous avons parlé de l’origine de ces plastiques. Quel est leur parcours ?
Il faut faire attention à ne pas mettre n’importe quoi avec nos biodéchets, surtout si on met du plastique au milieu des biodéchets car nous considérons que c’est plus facile à faire.
Il faut donc trier avec soin. Mais alors, une fois les plastiques mélangés à d’autres matériaux par exemple, comment se déplacent-ils ? Par l’eau, par les airs ?
Ils restent dans le substrat organique et se décomposent en fractions de plus en plus petites. Là, on parle de micro, mais on a aussi des nanoplastiques. En se décomposant, ils deviennent de plus en plus petits.
« Quand on trie, il faut faire attention à trier correctement pour envoyer le bon matériel au bon endroit. »
Roland Marionsur franceinfo
Qui a la clé, selon vous, entre les pouvoirs publics et les industriels ? ?
Un peu de tout le monde. Le consommateur d’abord. Il doit être prudent dans son geste de tri. Il doit comprendre que la matière qu’il va trier est la matière qui est destinée à avoir une seconde vie. Et donc, à ce titre, il doit faire les choses de la manière la plus efficace possible. Et puis derrière, il y a les industriels, ceux qui utilisent le plastique, mais dont beaucoup peuvent s’en passer, et les industriels de la gestion des déchets qui peuvent améliorer leur procédé de traitement pour séparer toujours plus de plastique de la fraction organique. qui reviendra au sol. C’est donc une question un peu collective et qui peut aussi toucher la réglementation.
Dans les hypothèses de cette contamination plastique des sols agricoles, il y a les résidus de paillis plastique, ces grandes bâches qui sont répandues sur les champs pour empêcher notamment les mauvaises herbes de pousser. Pouvons-nous améliorer les choses ?
Ces films agricoles peuvent être bien recyclés. Mais pour qu’ils soient correctement recyclés, ils doivent être correctement collectés. Quand on les retire du sol, il ne faut pas laisser de morceaux de plastique qui deviendront des microplastiques.
Ne peut-on pas imaginer, par exemple, des matériaux biodégradables, des bâches biodégradables ?
Oui bien sûr. L’équation est : un plastique qui vient de la biomasse et qui peut redevenir de la biomasse, c’est une question qui a de l’avenir, mais que nous ne maîtrisons pas encore complètement aujourd’hui. Nous ne disposons pas encore de plastiques issus de la biomasse qui soient 100 % biodégradables.