Pas moins de 867 jours. C’est le temps surprenant, près de 30 fois supérieur à celui prévu par la loi, qu’a récemment pris le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pour simplement accuser réception d’une demande d’accès à l’information déposée par La presse.
«C’est l’illustration parfaite d’un système sale», estime Kathleen Lévesque, professeure à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). La loi n’a pas changé depuis les années 1980 : nous sommes toujours dans une culture du secret. Ce n’est pas normal. »
Le 6 juillet 2022, le chercheur William Leclerc, du bureau d’Ottawa de La pressea demandé tous les documents du CRTC et les discussions internes sur l’utilisation du « mot N » par les radiodiffuseurs et les télédiffuseurs. Selon le Loi sur l’accès à l’informationentrée en vigueur en 1983, une institution fédérale dispose d’un délai de 30 jours pour répondre à une demande et fournir un avis écrit indiquant si l’accès au document demandé sera accordé ou non.
Le chercheur de La presse a reçu un premier courriel du CRTC le 19 novembre 2024, soit 28 mois plus tard. Il lui a été demandé des éclaircissements sur sa demande, à savoir si les documents en français et en anglais devaient être inclus. « Si nous n’avons pas reçu de réponse d’ici le 19 décembre 2024, nous considérerons votre demande abandonnée et nous clôturerons le dossier », ajoutons-nous laconiquement.
Manque de ressources ?
Informé le 20 novembre que La presse destiné à publier un article sur cet épisode, le CRTC a répondu en moins de 48 heures. « Certaines réponses aux demandes d’accès à l’information ont été retardées en raison de contraintes de ressources pendant une période de travail accru », explique la porte-parole Megan MacLean par courriel. Nous reconnaissons qu’il y a eu un retard important dans la réponse à la demande de M. Leclerc et nous tentons de traiter sa demande le plus rapidement possible. »
Au moment d’écrire ces lignes, aucun nouveau développement n’est survenu depuis cet échange.
Pour le professeur Étienne Charbonneau, de l’École nationale d’administration publique, l’excuse du manque de ressources résiste difficilement à l’épreuve des faits. Selon la base de données en ligne du gouvernement fédéral, le nombre d’employés du CRTC est passé de 454 à 531 en 2024. Les projections prévoient un effectif de 662 personnes en 2026. À noter que de nouvelles responsabilités, notamment celles de maintien de l’ordre en matière d’information et de diffusion en ligne, se sont ajoutées à les mandats de ce tribunal « quasi judiciaire indépendant », comme il se décrit lui-même.
« Si les délais de traitement inhabituels peuvent s’expliquer par une sélectivité consistant à ne pas répondre à des questions qui embarrasseraient un organisme public, les Canadiens devraient s’inquiéter des organisations et des ministères qui savent qu’ils sont peu responsables », a déclaré M. Charbonneau. . Si ces délais reflètent la performance générale de ces organisations dans l’exercice de leurs autres responsabilités, l’inquiétude n’en est que plus justifiée. »
Un délai « jamais respecté »
Selon le plus récent rapport annuel de la commissaire à l’information du Canada, Caroline Maynard, quelque 30 000 plaintes ont été déposées par des citoyens et des organisations à ce sujet entre avril 2023 et mars 2024. La commissaire a qualifié cette loi de « désuète » et a déploré le manque de ressources de son organisation, aux prises avec un arriéré de 2 670 plaintes non traitées au 31 mars 2024.
Grand utilisateur de Loi sur l’accès à l’informationcomme journaliste d’investigation puis comme professeure dans ses cours à l’UQAM, Kathleen Lévesque constate d’emblée que le délai fédéral de 30 jours « n’est presque jamais respecté ». Une des causes, selon elle : « Nous ne classons pas les documents. Ce n’est pas pour rien qu’il faut des mois, voire des années dans votre cas, avant de pouvoir obtenir les bons documents. Nous ne les classons pas. »
Avec la collaboration de William Leclerc, La presse