chronologie d’une relation mouvementée

Ces dernières années, la Suisse a contribué à hauteur de 20 millions de francs par an au budget ordinaire de l’UNRWA. Ce montant a été réduit de moitié en 2024 alors qu’au Parlement la question de mettre fin à cette contribution continue d’être débattue.

KEYSTONE/AFP/EYAD BABA

Alors que l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) fait face à une crise existentielle, la Suisse se demande si elle doit continuer à la financer. Il s’agit du dernier chapitre de l’histoire mouvementée du pays avec l’agence.

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27 décembre 2024 – 16h00

L’avenir de l’UNRWA, qui vient en aide à 5,9 millions de réfugiés palestiniens, est incertain. En octobre, le parlement israélien a approuvé une loi lui interdisant de fait d’opérer à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Auparavant, Israël avait affirmé que plusieurs employés de l’agence avaient participé aux attaques terroristes du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, qui ont fait 1 200 morts.

Après deux enquêtes – uneLien externe ayant trouvé des liens possibles avec l’attaque pour neuf membres du personnel et l’autre n’ayant pas réussi à obtenir des preuves pour étayer les affirmations israéliennes – la plupart des principaux donateurs, à l’exception des États-Unis, ont mis fin à leur suspension temporaire du financement de l’UNRWA. Certains, comme l’Espagne et le Qatar, ont même augmenté leurs dons à cette agence, qui opère également en Jordanie, en Syrie et au Liban, et qui s’efforce de répondre à des besoins humanitaires sans précédent dans la région.

La Suisse, douzième donateur de l’agence selon les chiffres de 2023, envisage désormais de mettre fin à ses contributions.

Le pays a progressivement intensifié son aide à l’UNRWA depuis sa création il y a 75 ans. Mais ses contributions restent modestes comparées à celles d’États comme l’Allemagne. Celles-ci ont suscité des éloges et des critiques à l’égard de l’agence, note un rapport gouvernemental.Lien externe datant de 2020. Ces dernières années, au Parlement, le niveau de ce soutien suisse a été de plus en plus remis en question, le ministre suisse des Affaires étrangères s’interrogeant même sur le rôle de l’agence.

Des débuts modestes

mai 1950 – L’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient, commence ses activités suite à une résolution de 1949 de l’Assemblée générale des Nations Unies. Celui-ci prévoit la création d’une agence chargée de fournir une aide humanitaire et des programmes d’emploi aux Palestiniens déplacés par la guerre israélo-arabe de 1948. Durant les premières années, la contribution suisse se limitait à soutenir des projets de santé au Liban et en Jordanie. Entre 1958 et 1960, les dépenses atteignent 600 000 francs.


Dans les années 1960, la Suisse a soutenu une école jordanienne gérée par l’UNRWA, où les élèves pouvaient également bénéficier de contrôles de santé.

KEYSTONE/Str

années 1960 – Le gouvernement suisse informe le Parlement que l’UNRWA, malgré ses ressources limitées, contribue de manière significative à l’aide apportée aux réfugiés palestiniens. En 1965, le gouvernement a commencé à soutenir des initiatives dans le domaine de l’éducation. L’objectif est d’aider les jeunes réfugiés à s’intégrer dans leur pays d’accueil ou à émigrer, compte tenu des faibles perspectives de solution politique.

années 1970 – La Suisse verse à l’UNRWA une contribution annuelle moyenne d’un million de francs, en plus de centaines de tonnes de farine et de lait en poudre. Mais les parlementaires critiquent et exigent une solution à la crise des réfugiés, en favorisant l’intégration dans les pays d’accueil.

Une aide « essentiellement politique »

années 1980 – L’analyse des autorités fédérales conclut que l’agence fait du bon travail malgré des conditions difficiles et un manque perpétuel de fonds. Mais elle note également que l’aide apportée par l’UNRWA est de nature essentiellement politique. Selon le rapport, seule une petite minorité de réfugiés a besoin d’une aide humanitaire en vertu du droit suisse, et nombre d’entre eux conservent leur carte d’enregistrement de l’UNRWA, principalement pour préserver leur identité palestinienne. Cependant, le rapport n’identifie pas de solution alternative au maintien du soutien suisse à l’agence.

années 1990 – La Suisse augmente à la fois sa contribution financière (à hauteur d’environ 10 millions de francs par an pour le budget ordinaire et les appels d’urgence) et son engagement politique envers l’UNRWA, en soutenant une plus grande coopération entre les États hôtes, les pays donateurs et l’agence.

années 2000 – La Suisse discute de réformes pour l’UNRWA, notamment pour améliorer l’efficacité de sa structure opérationnelle et sa capacité à répondre aux crises dans la région. Elle se joint à la commission consultative de l’agence pour assister le commissaire général dans son rôle. En 2015, la contribution de la Suisse au budget ordinaire de l’UNRWA a dépassé pour la première fois les 20 millions de francs.

Les responsables suisses suscitent la polémique

2018 – Après une visite en Jordanie, le ministre suisse des Affaires étrangères Ignazio Cassis déclare que tant que les Palestiniens resteront dans les camps de réfugiés, ils pourront rêver de rentrer chez eux. Selon lui, l’UNRWA « fait désormais partie du problème ». Il ajoute : « En soutenant l’UNRWA, nous maintenons le conflit en vie. C’est une logique perverse.

Ses propos ont suscité un tollé, notamment parmi les parlementaires de gauche, mais Ignazio Cassis affirme qu’ils ont ouvert un débat sur le rôle du pays dans le soutien à l’UNRWA. Le Tessinois a tenu ces propos alors que le principal donateur de l’UNRWA, les Etats-Unis, avait suspendu sa contribution. Cela a conduit plusieurs pays, dont la Suisse, à combler une partie du déficit. Un an plus tôt, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait déclaré que l’UNRWA « perpétue le problème des réfugiés palestiniens » et devrait être démantelé.

2019 – En juillet, la Suisse et d’autres pays donateurs suspendent temporairement le financement de l’UNRWA après que des allégations d’inconduite sexuelle inappropriée, de népotisme, de discrimination et d’autres abus de pouvoir aient émergé sous la direction de Pierre Krähenbühl, un ressortissant suisse nommé commissaire général de l’agence en 2014.


Alors que Pierre Krähenbühl faisait l’objet d’une enquête, le gouvernement suisse a suspendu sa contribution à l’UNRWA, tout en affirmant que l’agence restait « un acteur important de la stabilité et de la sécurité au Moyen-Orient ».

Clé de voûte / Martial Trezzini

Pierre Krähenbühl a démissionné le 6 novembre, invoquant des pressions politiques, notamment de la part des États-Unis, et ce qu’il appelle un effort concerté visant à saper l’agence. Une enquête interne l’écarte de toute fraude ou détournement des fonds de l’UNRWA, mais signale des problèmes de gestion qui doivent être résolus.

2020 – La Suisse demande au Suisse Philippe Lazzarini, ressortissant italo-suisse à la tête de l’UNRWA, de « mettre en œuvre rapidement » des réformes, notamment pour plus de transparence, de supervision et de contrôle des processus de l’agence.

Remettre en question le financement suisse

décembre 2023 – Deux mois après les attentats terroristes du Hamas contre Israël le 7 octobre, le Conseil national approuve la suppression du financement annuel de l’UNRWA du budget de l’aide au développement. Mais le Conseil des Etats est parvenu à un compromis, qui a réduit le budget global de l’aide humanitaire de 10 millions de francs suisses.

janvier 2024 – Suite aux allégations d’Israël selon lesquelles plusieurs membres du personnel de l’UNRWA auraient participé à des attaques terroristes du Hamas, la Suisse suspend sa contribution de 20 millions de francs suisses pour 2024 en attendant la conclusion d’une enquête.

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mai 2024 – Le gouvernement décide de débourser la moitié des 20 millions de francs, qui sera utilisée exclusivement pour les besoins humanitaires urgents à Gaza, où le bilan des morts s’élève à ce stade à environ 35 000 personnes. Cette décision fait suite à une enquête indépendante sur l’UNRWA menée par l’ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna. Une enquête interne avait alors révélé des liens possibles avec l’attentat du 7 octobre pour neuf salariés, qui ont tous été licenciés.

septembre 2024 – Le Conseil national approuve une proposition de David Zuberbühler, de l’Union du centre démocratique (droite conservatrice), visant à mettre fin au financement de l’UNRWA, par une majorité de 99 contre 88 (et sept abstentions). Le gouvernement annonce qu’il ne distribuera pas les 10 millions de francs restants prévus pour l’agence en 2024.

décembre 2024 – Le Conseil national approuve une autre proposition de David Zuberbühler visant à supprimer le financement de l’UNRWA du budget de l’aide au développement. Le Conseil des Etats, de son côté, a décidé d’attendre que la commission des Affaires étrangères termine ses auditions sur l’agence. Le gouvernement décidera du futur financement une fois les débats parlementaires terminés, probablement au printemps 2025.

Texte relu et vérifié par Lindsey Johnstone/livm/ts, traduit de l’anglais à l’aide de DeepL/dbu

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