« Un réflexe purement humain »

« Un réflexe purement humain »
« Un réflexe purement humain »

C’est la vingtième fois qu’Olivier Claesens, 63 ans, fait le trajet entre Anvers et Lviv. “Environ 73 000 kilomètres» jusqu’à présent, estime-t-il. La première mission a eu lieu en mars 2022, quelques semaines après l’invasion à grande échelle de la Russie le 24 février 2022.C’est une réaction à une situation hors de notre époque, en Europe d’ailleurs. L’histoire se répète malheureusement», estime le sexagénaire, qui affirme avoir été «révolté et ébranlé« par l’annonce de cet attentat, et par l’absence de réaction internationale.

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Désireux de s’impliquer, un message relayé par un ami d’enfance sur les réseaux sociaux de l’association Oberig au lendemain de l’invasion russe a retenu son attention. Une aide matérielle est demandée. Il n’a alors plus rien à offrir d’autre que sa présence et une place au volant. “Ça a commencé comme ça. C’est un réflexe purement humain», résume-t-il. Lors du deuxième voyage, l’association lui a demandé s’il pouvait se rendre à Borodyanka. “Les Russes venaient de se retirer. Nouson dit « Ok, allons-y ». » Dans cette ville située dans l’oblast (nom des divisions administratives en Ukraine) depuis Kiev, il découvre les cicatrices d’une ville dévastée, et d’une population toujours sous le choc, suite au départ des troupes russes. Mais il a aussi découvert cet important centre d’aide basé sur le même fonctionnement qu’à Lviv. “Les civils ont rapidement mis en place la logistique. Pour nous, c’était la preuve que tout avait été pensé et que tout était prêt.nous avons apporté a été bien livré. « Il se souvient de cette poussette partie un matin. »Le soir même, Marika a posté sur les réseaux sociaux une photo montrant une dame, mère de deux jeunes enfants, posant fièrement derrière la poussette. Son mari était au front. Ça y est, c’est concret. ”

“On fait le plein et le mois suivant il ne reste plus rien”

A peine garé, le van se vide avec l’aide des bénévoles de l’association. Il y a Stepan, Vadim, Nazar… Des visages devenus familiers. Qui est également devenue famille d’accueil pour Olivier Claesens à chacun de ses voyages. Au total, 850 kilos de matériel à décharger : nourriture, produits d’hygiène, médicaments, vêtements, lits de camp… De pièce en pièce, Olivier nous emmène dans les recoins du bâtiment où chaque espace est occupé. “On le remplit, et le mois suivant, il ne reste plus rien. « L’aide est redistribuée aux quatre coins du pays. “Sloviansk, Kharkiv, Kherson, Kramatorsk… énumère Marika, la directrice bénévole d’Oberig. Ici, il y a des médicaments, ici, des vêtements d’hiver qui sont désormais remplacés par des vêtements d’été. « Le matériel médical est réparti entre les différents hôpitaux de Lviv.

Pierre Liebaert et Olivier Claesens déchargent les colis et marchandises qu’ils ont transportés de Belgique vers le centre d’Oberig. ©Caroline Thirion

Au plafond, un drapeau belge côtoie le jaune et le bleu ukrainiens. Les couleurs de la Pologne étaient encore là il y a quelques mois. Mais à mesure que le conflit se prolonge, l’aide extérieure diminue. “A partir de mai juin 2022, nousréalisé que lel’aide est arrivée beaucoup moinsremarque Olivier Claesens. Il y a un effet deporter. » Il est l’un des rares à avoir maintenu le lien. “Il y a parfois des problèmes à la douane, mais Olivier a toujours été là», confirme Marika.

90 000 euros récoltés en deux ans

Le Belge détaille le mode opératoire bien rodé de ces convois humanitaires qu’il organise depuis deux ans déjà. Avec un voyage en Ukraine chaque mois. L’aller-retour doit s’effectuer le week-end : la semaine, Olivier Claesens gère son entreprise active dans l’événementiel. L’appel aux dons, qu’ils soient matériels ou financiers, auprès des particuliers ou des entreprises, se fait via les réseaux locaux, par l’intermédiaire de relais au sein de la presse régionale. Les marchandises sont ensuite réceptionnées et triées. Le transport, financé sur fonds propres et estimé à 1 800 euros pour chaque aller-retour, est ensuite effectué jusqu’à la livraison sur place, en Ukraine. Une volonté d’autonomie et de contrôle de A à Z de la chaîne, revendiquée par Claesens, dans un souci de transparence envers ses donateurs. Près de 90 000 euros auraient été récoltés en deux ans.

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En début de soirée à Lviv, une fois tout le matériel déchargé, l’équipe va prendre un verre en ville, emmenée par Stepan le patriarche, avec qui Olivier communique par gestes et quelques mots en ukrainien. Direction le Partizan Café, un bar niché dans une cave voûtée du centre historique de Lviv, consacré à la gloire des patriotes ukrainiens d’hier et d’aujourd’hui. Pierre et Olivier partagent leur émotion avec leurs hôtes, suite à leur visite dans un cimetière, “aussi grand que trois terrains de football», à l’entrée de Lviv le matin même. Principalement des jeunes, âgés de 20 à 40 ans, tombés au combat. “Cela me rappelle un peu les tombes de la Première et de la Seconde Guerre mondiale chez moi. Des jeunes qui avaient une famille, une vie toute tracée… Et soudain plus rien. Soudain, la mort a un visage. » Pierre, visiblement bouleversé, pense à son fils… Dans quelques heures, le duo belge reprendra la route. Avant de revenir le mois prochain. Car «nous avons une mission et nous allons (continuer à) y parvenir à tout prix ». Jusqu’à la fin de ça »putain de guerre».

Ce reportage réalisé avec le soutien du Fonds pour le journalisme.

 
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