Comment les entreprises peuvent redonner du sens au progrès

Comment les entreprises peuvent redonner du sens au progrès
Comment les entreprises peuvent redonner du sens au progrès

La notion de progrès et/ou d’avenir souhaitable est présente dans de nombreuses raisons d’entreprise. Le progrès nous amène à croire que l’histoire a un sens et nous donne de l’espoir pour l’avenir. L’homme qui, selon Descartes, est le maître et le possesseur de la nature peut-il encore imaginer le progrès même si les conditions de sa fragile existence le rattrapent et si la nature l’appelle avec insistance ? Comment envisager des progrès quand on crée une intelligence artificielle qui va imposer, En faitdes changements profonds ?

L’humanité possède aujourd’hui des pouvoirs qu’elle ne semble pas toujours en mesure de maîtriser et qui nous amènent à associer l’inquiétude à la notion de progrès. Nous n’avons jamais éprouvé un tel sentiment d’impuissance face à l’avenir vertigineux qui s’ouvre devant nous.

Seul l’optimisme de la volonté peut nous permettre de créer les conditions d’un avenir désirable. Le mentionner dans sa raison d’être est un acte fort d’engagement et de promesse envers l’avenir, au même titre que l’adjectif best

Le progrès : une imagination brisée

Le concept de progrès est l’une des pierres angulaires de la civilisation humaine depuis des siècles. Il a été à l’avant-garde de notre développement, en favorisant l’innovation et les avancées technologiques qui ont changé le cours de l’histoire.

L’idée de progrès est évoquée pour la première fois dans « Nouvel orgue » de la plume du philosophe du XVIIe siècle Francis Bacon avec le terme avancement qui a une signification temporelle en soulignant que « La vérité est la fille du temps et non de l’autorité ». On peut donc s’améliorer au fil du temps en prenant en compte notre patrimoine, un passé que l’on revoit et corrige pour se projeter dans l’avenir. Et c’est ainsi que l’homme peut accroître sa domination sur le monde.

Le mythe prométhéen s’essouffle du fait d’une perte de confiance dans l’avenir. Cette remise en cause de la confiance s’ajoute à une forme d’incompréhension des acquis. Nous sommes également préoccupés par le risque d’addiction et de dépendance aux nouvelles technologies et à la manière dont elles peuvent modifier notre rapport au monde, notre rapport aux autres.

Plus généralement, nos sociétés ont appris à procéder à une analyse lucide du progrès. Ils sont plus que jamais conscients que toute nouvelle technologie, même si elle apporte des progrès, peut aussi générer des problèmes. Selon une étude, les Français seraient systématiquement plus critiques à l’égard des progrès que les autres pays européens ((entre 17 et 31 points d’écart avec la moyenne des quatre autres voisins européens) (« Le rapport au progrès : perspective française et comparaison européenne », Medef, 2020).

L’analyse historique de l’usage du terme « progrès » permet de constater son déclin progressif dans le discours public, au profit du mot « innovation ». Même si l’on pourrait penser qu’il s’agit là du résultat d’une modernisation de notre façon d’envisager le progrès, il s’agit d’une idée préconçue. En effet, le progrès est différent de l’innovation car le facteur temporalité n’est pas le même. Si l’innovation est contrainte par l’état critique du présent et constitue une forme de protection, le progrès est une construction dans le temps, un mouvement collectif et non individuel et doit être perçu comme global.

L’innovation fait partie du progrès. Il faut l’arranger pour qu’il devienne un progrès. Mais le progrès est un travail en cours et non une réponse immédiate. Il ne faut donc pas abandonner le mot « progrès » mais le retravailler. Il est sans doute nécessaire de le redéfinir à la lumière des attentes actuelles.

Première étape essentielle : s’éloigner d’une conception obsolète du progrès, qui le présente comme immédiat et intrinsèquement positif. Il est impératif de garder à l’esprit l’ambiguïté et le double sens du progrès, qui peut être à la fois une évolution négative et une avancée positive. Être réaliste et examiner d’un œil critique les aspects négatifs des progrès est un moyen efficace d’initier des améliorations.

Focaliser le progrès sur la seule performance technique n’est plus accepté dans nos sociétés. Pour que le progrès soit réellement utile, il doit avoir une dimension éthique.

Mettre le progrès au service du bien-être

La question du bien-être humain est celle du progrès par excellence. Elle ne s’obtient pas uniquement par la satisfaction de besoins physiques ou instinctifs mais se vit à travers une relation d’échange, une relation de souci de l’autre et d’attention. Le progrès est l’idée que nous pouvons faire mieux. Le progrès est l’acte d’avancer vers un but, vers un idéal que la société se serait donnée ; il ne faut pas le confondre avec le bonheur mais il en crée les conditions. Le bien-être est donc au cœur des raisons d’exister des entreprises.

Aujourd’hui, les fruits du progrès ne sont plus visibles comme ils l’étaient autrefois, maintenant ils se traduisent en valeurs comptables en valeur marchande, PIB, ils ne prennent pas en compte le lien social qui reflète le niveau de satisfaction dans la vie. L’OCDE a établi un cadre d’évaluation du bien-être, ainsi qu’une plateforme d’échange de connaissances sur les indicateurs et les pratiques en matière de bien-être (« Mesurer le bien-être et le progrès : recherches et études en cours », OCDE, 2024).

Les entreprises doivent offrir du sens, c’est-à-dire une direction, qui s’articule avec l’idée de progrès et d’orientation. Pour eux, le progrès conserve une force symbolique très positive, c’est investir dans un nouveau champ qui leur était jusqu’ici étranger, notamment celui de la responsabilité sociale et sociétale. La prise de conscience et la mobilisation sont au rendez-vous.

L’intérêt pour les tâches à réaliser, l’autonomie, la reconnaissance hiérarchique, le degré de satisfaction, le sentiment d’utilité contribuent au bien-être psychologique. Selon le baromètre du Business Institute, publié en 2023, le bien-être est la première attente des Français envers l’entreprise, fondée sur des principes de reconnaissance et de respect, essentiels à leur productivité. Face aux crises, les Français s’appuient sur les entreprises », Institut d’affaires, 2023).

En matière de transition écologique, la grande majorité des participants (sur un total de 150) se sont prononcés en faveur d’une écologie des « petits gestes », c’est-à-dire une consommation modérée des ressources dans les bureaux, le recyclage ou encore le covoiturage. .

Parmi les pistes de développement que proposent certaines entreprises, le management participatif fait son apparition. Il s’agit d’accompagner les managers dans leur changement de posture afin de repenser leur rôle afin de faire la part belle au partage et à la délégation mais aussi au pouvoir (« Construire de bas en haut : ce que les entreprises peuvent faire pour renforcer leurs résultats en investissant dans les travailleurs de première ligne », de Joseph B. Fuller et Manjari Raman, Harvard Business School, 2022).

Attention en effet : Les entreprises qui contredisent les attentes de la société risquent de rencontrer des difficultés de recrutement et de perdre des clients. Ce phénomène a été particulièrement observé lors des mouvements de protestation des étudiants des grandes écoles, qui exprimaient leur réticence à rejoindre les rangs des grandes multinationales.

La vague de rébellion étudiante ne semble pas se limiter aux seuls futurs ingénieurs. Autre école, autre méthode : dans une chronique publiée en 2022 dans Le monde150 étudiants des Écoles normales supérieures (ENS) ont tour à tour posé la question suivante : « Que restera-t-il de la vie à étudier si nous n’avons rien fait pour éviter qu’elle ne s’effondre ? « Début mai, ces futurs chercheurs ont formé un collectif baptisé « » Effisciences » proposer de nouvelles méthodologies de recherche adaptées aux problématiques sociales et environnementales.

Depuis trois ans, ce type de mouvement est repris par les « salariés éveillés ». Il existe aujourd’hui 120 collectifs (contre 27 lancés par les cofondateurs) au sein d’organisations, d’administrations et d’entreprises, allant des PME aux grands groupes comme Michelin, Société Générale, Axa, BCG ou Alstom. La taille du groupe dépend souvent de celle des entreprises (et d’autres facteurs) : d’une dizaine à 1 400 comme chez EDF. Leur principal outil : l’« Atlas des actions », lancé en mars 2023, qui recense les actions mises en œuvre par les collectifs en France. Plus innovante encore, la page « Les entreprises nous répondent » compile les réponses aux questionnaires envoyés par l’association étudiante à une centaine de PDG de grandes entreprises, au premier rang desquelles Air Liquide, Atos, BCG, Hermès, Fnac et Michelin.

Mais les étudiants à l’origine du projet préviennent : c’est aussi une manière de renforcer son esprit critique et de « mettre en pratique le guide anti-greenwashing car ces éléments de réponses doivent être replacés dans leur contexte : des structures essayant de convaincre un public (nous) de leur engagement. »

Alors que la mise en œuvre de la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) permettra dès 2025 d’évaluer mais surtout de comparer les engagements ESG pris par les grandes entreprises et les ETI, il est nécessaire de réfléchir à l’histoire des progrès pour en définir les contours. et transformez-le en un véritable projet. Face à une société fragmentée, comment construire cette histoire ? Le philosophe Leibniz parle du principe de raison suffisante (« Leibniz et le principe de raison : enjeux théoriques et pratiques », by Jean-Matthias Fleury, Collège de France, 2014).

Nous ne vivons pas dans le meilleur des mondes, mais nous vivons dans le meilleur des mondes possibles. Alors, pour retrouver la confiance, quelle éthique commune du progrès ? La redéfinition du progrès est liée à l’universalité.

Collectivement, il est crucial de savoir où aller, car il est impossible de juger des progrès s’il n’y a pas d’horizon à viser. Comment alors imaginer la co-construction d’une nouvelle idée de progrès entre entreprises et citoyens ?

 
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