Ralentissez | Réapprendre à flâner avec André Carpentier

Flâneur expert, l’écrivain André Carpentier arpente les rues de Montréal sans autre objectif que de « répondre à ce qui est ». Reportage d’une promenade dans Villeray en compagnie de celui dont l’œuvre dresse une ode aux vertus poétiques du ralentissement.


Publié à 1h01

Mis à jour à 7h00

«Regardez les linteaux, comme ils sont bien décorés», me murmure André Carpentier alors que nous descendons lentement la rue Drolet, après nous être retrouvés à la succursale rue Jarry Est du Café Larue & Fils, dans le quartier Villeray.

Il y a quelques instants, le brouhaha de la ville nous chatouillait encore les oreilles, puis on tourne à droite dans la rue Gounod, le temps de rejoindre l’avenue Henri-Julien, une des préférées de l’écrivain, enfant de Rosemont.

« Vous entrez ici et après 25 pas, il y a un silence qui s’installe. On a spontanément envie de baisser le ton», se réjouit celui qui, contrairement à beaucoup de piétons qu’il croise, s’appuie rarement sur son smartphone, sauf pour identifier une espèce d’arbre, grâce à l’application Bifurquer.

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PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

André Carpentier

Romancier et nouvelliste, André Carpentier fait également partie des pionniers au Québec de ce qu’on appelle la géopoétique, une pratique dont les adeptes renouent avec l’art perdu de la flânerie. Objectif : (ré)apprendre à voir ce qui, dans notre environnement, nous échappe habituellement. Réenchantez votre rapport à l’espace et à la ville.

Il a publié en 2023 Rencontrez la rue (Leméac), son dernier titre Quatuor du flâneur montréalaisAprès Voies, jours ouvrables (2005), Extraits de café (2010) et Moments de parc (2016).

Grâce à une courtepointe de tendres croquis, d’impressions furtives mais pleines de sens et de réflexions empreintes d’humilité, ces livres tissent le portrait à hauteur humaine d’un Montréal où chacun tente de se tailler sa place au soleil. .

« Lorsque j’ai donné le premier cours de mon séminaire d’écrivains itinérants, raconte le professeur de littérature à la retraite de l’UQAM, j’ai demandé aux étudiants : qu’est-ce qu’il y a devant chez vous ? Une maison ? D’accord. Comment est le balcon de la maison ? Bois, PVC, fer forgé ? Et là, je venais de perdre la moitié du cours. »

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PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

A l’angle de la rue Gounod et de l’avenue Henri-Julien

Notre guide se penche pour nouer son lacet, mais son lacet n’est pas dénoué. “C’est un vieux truc, écouter, sans le montrer”, explique ce “fouineur discret” qui espionnera discrètement la conversation de deux dames de l’autre côté de la rue. « C’est la période de l’année où les gens se retrouvent après l’hiver. Et pour moi, c’est de la haute poésie. »

La méconnaissance du familier

Le promeneur urbain, dans sa propre ville, peut donc devenir une sorte de voyageur, à condition d’ouvrir suffisamment les yeux. « Lorsqu’on est dans un pays lointain, il peut y avoir quelque chose de familier dans l’inconnu, souligne André Carpentier, car une mère avec son enfant est toujours une mère avec son enfant. Mais il y a aussi quelque chose d’inconnu dans notre familier, parce que nous ne regardons pas ce familier, nous ne l’interprétons pas, nous n’y pensons pas. »

Que recherche-t-il exactement lors de ses promenades tranquilles ? En quête de rien de précis, sinon de « répondre à ce qui est », lit-on dans Rencontrez la rue, formule empruntée à Paul Valéry. C’est que la déambulation du géopoéticien est une déambulation alerte, mais non curieuse. Une balade prête à saisir au vol ces instants où il y a « un au-delà du sens ».

Ce qui m’intéresse, c’est le phénomène humain.

André Carpentier

Car si nous sommes ce que nous mangeons, nous sommes aussi là où nous vivons. Un jour, André Carpentier se rend à Verdun dans l’espoir de tenter de retrouver la maison d’enfance de ses cousins, où il allait jouer.

« La maison d’origine avait été remplacée par une maison d’architecte », se souvient-il. Et tout d’un coup, je vois le propriétaire sortir et il était comme sa maison. ” Nous rions. « La maison est entrée en conflit avec le quartier et le monsieur est en conflit avec le quartier. »

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PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Dans la verdure de Villeray

De la paroisse au métro

André Carpentier aimerait me montrer un arbre luxuriant dont il se souvient et qui se dresse derrière « une maison qui ne ressemble à rien », dans une ruelle, entre l’avenue Henri-Julien et la rue Drolet, à proximité du marché Jean-Talon. « Je vous parle d’un arbre si grand qu’on ne pourrait pas en faire le tour avec nos quatre bras. » Un arbre dont la magnificence justifiera en effet le détour et devant lequel les minutes s’étaleront.

Mais d’abord, une petite pause dans la rue Molière, le temps d’observer d’anciennes usines textiles, devenues immeubles de condos, une des nombreuses manifestations d’un quartier en transformation.

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PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Scène de ruelle

Nous sommes ici dans ce qu’on appelait autrefois la paroisse Sainte-Cécile. « Avant, quand on vous demandait où vous habitiez, vous indiquiez le nom de votre paroisse », se souvient l’auteur. C’est ce qui a structuré l’organisation sociale. Maintenant, vous donnez le nom du métro le plus proche. »

On se salue à l’approche de la station Beaubien et chacun poursuit son chemin, se sentant, selon les mots d’André Carpentier, « protégé de toute contrariété par le ciel azur ».

Rencontrez la rue

Rencontrez la rue

André Carpentier

Léméac

344 pages

 
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