«Je veux que mon troupeau soit le dernier à être abattu»

«Je veux que mon troupeau soit le dernier à être abattu»
«Je veux que mon troupeau soit le dernier à être abattu»

Tristesse, effondrement, colère, rage, révolte. Tous ces sentiments se succèdent et se mêlent, véritable tempête sous la tête de Bérénice Walton. Surtout, les larmes ne sont jamais loin et, parfois, elle ne peut les retenir. La jeune éleveuse de 33 ans basée à Arveyres (33) pleure son troupeau de Bazadaises qui partent en camion vers l’abattoir depuis plusieurs jours. Elle pleure les 35 veaux partis mardi dernier. Elle pleure Jupiter, son bœuf – « J’ai juré de ne jamais le laisser partir. C’était la mascotte du troupeau. Elle pleure pour tout le monde. Elle pleure les douze années passées à cultiver sa passion pour son métier, son amour pour ses animaux, tout le travail et les investissements réalisés.

En novembre dernier, lors d’un contrôle sanitaire, une de ses vaches a été testée positive à la tuberculose bovine. « Ils ont testé tous les animaux à partir de 24 mois. C’est la première fois qu’une de nos vaches est atteinte », raconte Bérénice Walton. Conformément au protocole, l’animal a été abattu et des examens des poumons et des ganglions lymphatiques ont été effectués pour rechercher une infection par un laboratoire de Périgueux, puis des seconds tests ont été effectués à Maisons-Alfort, qui ont confirmé le cas. . « Nous avons eu la confirmation avant Noël, souffle la jeune femme. Comment la maladie est-elle arrivée dans le troupeau ? Difficile à dire, mais les soupçons reposent sur un contact avec un blaireau, retrouvé mort sur une route voisine et dont l’examen a montré qu’il était porteur du gène. « Nous savons que la maladie se propage à travers la faune. Elle peut se transmettre de museau à museau, lors du partage de pots d’eau. Et puis les blaireaux aiment les céréales qu’on donne aux animaux. »


Embarquement pour le dernier voyage de ces pauvres animaux.

Thierry DAVID/SO

“La maltraitance des animaux”

Une fois la confirmation faite, le verdict n’a pas tardé à tomber. « Selon un protocole datant de 2001, tous les animaux ont dû être abattus pour endiguer la maladie, même s’il n’y avait aucun symptôme chez les autres animaux. » Interrogée, la préfecture affirme avoir proposé un abattage sélectif initialement accepté par l’éleveur avant qu’elle ne fasse un autre choix. Le 8 janvier, un arrêté préfectoral déclare l’exploitation zone épidémique de tuberculose et impose l’obligation de détenir des animaux dans le bâtiment. « Or, selon le protocole, l’Etat dispose alors de soixante jours pour évacuer les animaux, mais les délais ont été largement dépassés. Les animaux étaient entassés, ils étaient séquestrés dans le bâtiment. A partir du 15 avril, je n’avais plus le droit de sortir aucun animal, sous peine d’être menacé de 4 000 euros d’amende et de six mois de prison. Au bout d’un moment, je n’avais plus de quoi les nourrir, c’est un éleveur local qui m’a dépanné. En plus de la violence psychologique pour nous, j’appelle ça de la maltraitance animale», rage Bérénice Walton.


Bérénice Walton dans une écurie vide.

Thierry DAVID/SO

Un sentiment d’autant plus fort qu’au fil des semaines, elle s’est sentie abandonnée par les pouvoirs publics. « J’ai écrit au préfet fin janvier, pas de réponse. A Gabriel Attal, pas de réponse. Fin mars, j’ai rencontré le ministre Marc Fesneau, pas de réponse. Je lui ai envoyé une lettre recommandée, toujours rien. » Et le syndicat agricole majoritaire n’a pas bougé. De quoi renforcer un sentiment d’injustice. Le réconfort est venu des retours de la vidéo postée sur les réseaux sociaux il y a une semaine. “J’ai dû expliquer la situation, elle a eu 1,5 million de vues, même Nikos Aliagas l’a partagée et j’ai aussi reçu le soutien des végétariens”, sourit-elle faiblement.

Un combat

Déprimée mais pas sur le terrain, Bérénice Walton dénonce le fameux protocole. « Il n’y a qu’en France que l’ensemble du troupeau est abattu. Je n’accepte pas ce protocole médiéval. Nous devons le réformer. La zone de profilaxie date d’une vingtaine d’années et s’agrandit de 15 km chaque année. Cependant, de nombreux troupeaux sont encore abattus. La faune sera toujours là, tout comme les maladies. Pour l’honneur de mes vaches, je veux que mon troupeau soit le dernier à être abattu. » Et d’appeler à la création d’un vaccin – « il a donné de bons résultats contre la grippe aviaire ». Elle se bat pour elle mais aussi pour les autres éleveurs : « A ce rythme-là, il n’y aura plus d’éleveurs en Gironde. »

Et quand on lui parle du futur, son regard redevient flou, trouble. « Pfff… j’ai un an pour racheter des vaches, mais je ne pourrais pas revendre de viande [en circuit court, NDLR] avant trois ou quatre ans (1)», a-t-elle déclaré, en attendant une indemnisation de l’État. « L’expertise a eu lieu le 17 janvier, on ne sait toujours rien. » La préfecture affirme, de son côté, que cette indemnité a été fixée à 600 000 euros et que l’éleveur percevra une avance dans les prochains jours. Le traumatisme n’a pas de prix.

(1) Une cagnotte est en ligne sur leetchi.com pour aider l’éleveuse à payer ses factures : « Sauvez La Ferme de Bérénice ».

 
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