pourquoi la future loi sur la garde partagée divise la société

pourquoi la future loi sur la garde partagée divise la société
pourquoi la future loi sur la garde partagée divise la société

La joie de revoir enfin ses deux garçons a été suivie d’un choc pour Masaki Kubota, un père japonais de 43 ans, lorsque son plus jeune, âgé de deux ans, le regardait avec étonnement, semblant dire : « Qui es-tu ? « . Il s’agissait de leurs premières retrouvailles depuis que l’épouse de M. Kubota avait brusquement rompu ses liens avec lui un an plus tôt, emmenant leurs deux enfants. Très courant au Japon, ce type de retrait total des enfants lors de la séparation d’un couple devrait devenir plus rare avec l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi d’ici 2026.

Pas d’unanimité. Adopté en mai, ce texte permettra aux couples divorcés de choisir ou non la garde partagée, une option qui n’existait pas jusqu’à présent : après une séparation, l’autorité parentale est attribuée à une seule partie, la mère dans la plupart des cas. La pression internationale monte depuis des années sur le Japon pour qu’il réforme son droit de la famille. Les cas concernant des enfants binationaux ont été très médiatisés, notamment celui du Français Vincent Fichot. Lors des Jeux olympiques de Tokyo en 2021, M. Fichot a mené une grève de la faim dans la capitale japonaise pour tenter d’obtenir le droit de voir ses deux garçons emmenés par leur mère japonaise trois ans plus tôt. Mais tous ses efforts sont restés vains jusqu’ici.

M. Kubota a réussi à obtenir devant le tribunal le droit de revoir ses deux enfants, mais pas plus d’une ou deux heures tous les trois mois : « C’est dur. Je suis désolé de ne pas pouvoir faire partie de leur vie et les voir grandir. Même si son divorce n’est pas encore finalisé, il espère que la nouvelle loi lui permettra de participer à la prise de décisions « importantes » pour ses enfants à l’avenir. Mais cette réforme est loin de faire l’unanimité, notamment sur fond de profondes inégalités économiques entre hommes et femmes au Japon, où l’écart salarial entre hommes et femmes est le plus élevé des pays du G7 (21,3 % en 2022). .

Dans ce contexte, beaucoup craignent que les femmes restent sous l’emprise de leurs ex-maris, même si la loi exclut la garde partagée dans les cas de violences conjugales ou de maltraitance sur enfants reconnus par la justice. « Les mères et les enfants qui ont échappé à la violence risquent d’être entraînés à nouveau dans cette relation abusive à travers la garde partagée, car la dynamique du pouvoir ne change pas facilement, même après un divorce », estime Shiho Tanaka. Cette femme divorcée de 50 ans, mère de deux enfants, raconte que son ancien mari a utilisé sa puissance financière au sein de leur relation pour la traiter « comme une esclave ».

Inégalité. Tant que de profondes inégalités entre les sexes persisteront au Japon, « nous ne serons pas du tout prêts à envisager la garde partagée », déclare Mme Tanaka, qui dirige désormais un groupe de soutien pour les mères célibataires. “Au Japon, la plupart des femmes occupent des emplois non réguliers, comme une main-d’œuvre bon marché, surtout après le mariage et la maternité”, et il leur est donc “extrêmement difficile d’être financièrement indépendantes”, rappelle Yuki Senda, sociologue du genre à l’université Musashi de Tokyo. Tokyo.

Ce chercheur et d’autres experts soulignent également la faible propension de l’État japonais à intervenir dans les affaires familiales, ce qui peut exacerber les violences domestiques et aggraver la précarité des familles monoparentales. Ainsi, les mesures visant à imposer le paiement de la pension alimentaire sont limitées alors que la plupart des divorces sont réglés sans passage devant un juge. Il n’est pas surprenant qu’un parent privé du droit de voir ses enfants hésite à payer une pension alimentaire suffisante, estime M. Kubota : « Les parents se sentent moins responsables s’ils sont privés de leur autorité parentale. »

Et certains partisans de la garde partagée jugent la réforme trop tiède, notamment parce que les enlèvements parentaux, tolérés au Japon, resteront impunis.

Tomohiro OSAKI

© Agence France-Presse

 
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