« Pour moi, il était mort… » Après avoir découvert son compagnon pendu, elle poursuit son cours d’équitation et alerte les secours deux heures plus tard.

« Pour moi, il était mort… » Après avoir découvert son compagnon pendu, elle poursuit son cours d’équitation et alerte les secours deux heures plus tard.
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l’essentiel
Six ans après la mort de Faustin Tudella, directeur du centre équestre Ramierou à Montauban, sa compagne et son ex-mari étaient jugés pour non-assistance à personne en danger. Le procureur de la République a requis l’acquittement. Délibéré le 1er juillet 2024.

Six ans après le décès de Faustin Tudella, le tribunal judiciaire de Montauban a cherché à comprendre pourquoi Carole B., sa compagne, et Stéphane H., son ex-mari, ont attendu près de 2 heures avant d’alerter les secours. Le 27 mars 2018, l’ancien jockey a été découvert pendu par Carole B. dans un box de son centre équestre.

Nouvelle expertise

En mai 2023, le couple comparaissait dans cette affaire pour non-assistance à personne en danger. Le parquet avait requis pour chacun des peines de 8 et 3 mois de prison avec sursis. Mais fin août, au lieu de rendre son délibéré après trois mois de réflexion, le tribunal a ordonné un complément d’information.

Une décision d’autant plus surprenante que l’affaire faisait l’objet d’une longue information judiciaire. Le médecin légiste, informé de cette expertise complémentaire, confirme que la mort de la victime a été longue en raison d’une pendaison incomplète.

“Il n’est pas exclu que lorsque Faustin Tudella a été découvert, son cœur ait continué à battre”, indique l’expert. La mort ne serait ainsi survenue que 2 à 3 heures après la pendaison.

Avant de confronter les prévenus à cette passivité moralement révoltante, la présidente Audrey Trafi met en avant le climat explosif qui règne aux Écuries du Sagittaire. Après avoir dirigé un centre équestre à Albi (Tarn), les deux amis de 30 ans ont repris en 2014 le site du Ramierou, géré par la mairie de Montauban.

Mais deux ans plus tard, tout bascule. Outre les problèmes financiers de leur entreprise, leur relation se transforme en hostilité, ponctuée de disputes et d’échanges d’insultes.

“Vos relations se sont dégradées”, affirme le juge, faisant référence à une plainte déposée par Faustin Tudella contre son associé peu avant son décès, documentée par un certificat médical.

Il révèle avoir été frappé par Carole B. Cette dernière l’a même frappé avec une fourchette en plastique avant de le pousser dans un box avec un jeune cheval.

Le prévenu, qui nie les accusations en parlant de « violences mutuelles », est également poursuivi pour ces faits.

Le décor planté, le président revient sur cet après-midi du 27 mars 2018 où Carole découvre son compagnon inconscient. « D’où j’étais, je ne le voyais pas complètement », assure Carole en ramenant un cheval dans un box.

“Pourquoi tu l’approches alors?” lui demande le juge.

– Il ne bouge pas. J’ai vu qu’il avait une corde attachée au cou…

– Qu’avez-vous fait ?

— Je suis allée chercher des ciseaux pour le couper, explique-t-elle sans émotion.

—Et puis ?, insiste le juge.

– Il est mort. Il ne respire pas. Il n’a pas de pouls. Sans être médecin, pour moi, il est mort.

— Et alors ?, poursuit le juge.

— Je suis en état de choc, incapable d’appeler la police.

— Vous appelez toujours votre partenaire, lui rappelle A. Trafi.

— Oui, acquiesce Carole.

« Et vous donnez ensuite un cours d’équitation avant d’appeler les secours 1h40 plus tard », conclut le juge. Le magistrat revient sur le rapport médical du médecin urgentiste qui a tenté de réanimer la victime : « Il affirme qu’un arrêt cardiaque n’entraîne pas la mort de la victime. On ne pouvait pas dire s’il était mort. Pour lui, il y avait une chance de le sauver 1h30 à 2 heures après sa mort. »

«Aviez-vous une formation de premiers secours ?», poursuit Audrey Trafi son interrogatoire.

— Ça datait de 1996 et je n’ai jamais eu de mise à jour, se défend Carole.

— Auriez-vous pu lui faire un massage cardiaque ?

— Pour moi, il était mort. Je n’ai pas pu le toucher. Je ne pouvais pas. C’était impossible, répète le prévenu, évoquant une personnalité renfermée, proche de l’autisme.

— Ce qui vous est reproché, ce n’est pas votre incapacité à réaliser un massage cardiaque, mais le fait de ne pas avoir alerté les secours », objecte le président.

Le magistrat interroge l’ex-mari qui a préféré se rendre du Tarn au centre équestre à l’appel de Carole plutôt que de contacter les secours.

« Je n’y ai pas pensé, il a été pendu, donc mort », déclare-t-il, aussi inexpressif que son ex-femme. Elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas appeler la police, c’est pour ça que j’y suis allée. Je lui ai dit que ce n’était pas à moi de le faire. C’était son partenaire. Nous n’étions pas à 5 minutes de l’appel. Il était mort, je n’en ai pas douté un seul instant. »

Une position difficile à comprendre pour la famille Tudella et leur avocate Frédérique Turella-Bayol. « Elle a donné l’alerte à 17h37 quand elle l’a retrouvé à 16 heures. Un appel aux secours l’aurait sauvé », certifie l’avocat, rappelant que Carole a donné un cours d’équitation d’1h40 avant de décider de faire le « 17 ». ».

S’il y avait bien personne en danger pour l’avocat des parties civiles, ce qui qualifie l’infraction, la lecture du dossier pour le procureur de la République est désormais toute autre.

Plus de danger pour le remplaçant

«On ne peut pas nier qu’il avait une activité cardiaque», déclare Manon Noël, faisant référence à la dernière expertise du médecin légiste. Pour elle, le délit ne tient pas la route même si « moralement il est répréhensible, il n’est pas pénalement répréhensible. »

Le procureur adjoint demande la libération du couple et 3 mois de prison avec sursis à l’encontre de Carole pour les violences.

Ces réquisitions, qui suscitent l’émoi parmi les parties civiles, offrent une voie aux avocats de la défense.

« Le décès est survenu selon mes estimations entre 14h42 et 15h42, si elle appelle à 16h lorsqu’elle le découvre, il est déjà mort… Il n’y a plus aucun danger, ni aucune intention de ma cliente de s’abstenir apporter de l’aide car il y avait des tensions, des problèmes d’argent avec son compagnon”, enfonce le clou Me Nicolas Antonescoux plaide en liberté avec son associé Me Guyot.

L’affaire était réservée jusqu’au 1er juillet 2024.

 
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