l’incroyable histoire d’un Montréalais gracié par Joe Biden

Un Montréalais d’origine iranienne détenu aux États-Unis et accusé d’avoir exporté illégalement du matériel susceptible d’être utilisé pour l’énergie nucléaire est récemment revenu au Québec, quelques mois après avoir été gracié par le président américain Joe Biden dans le cadre d’un spectaculaire échange de prisonniers. .

L’histoire de Reza Sarhangpour Kafrani est digne d’un roman d’espionnage. L’homme d’affaires iranien, qui réside avec sa famille dans l’arrondissement montréalais de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, a été arrêté en juillet 2021 aux États-Unis.

Reza Sarhangpour Kafrani sur une photo prise alors qu’il cueillait des fraises, avant son arrestation par les autorités américaines.

Capture d’écran Facebook

Il a été accusé, avec un complice présumé, de blanchiment d’argent et de violation des sanctions américaines contre l’Iran.

En 2016, il a envoyé des spectromètres de masse aux Émirats arabes unis, selon le procès. Pour M. Kafrani, ces instruments servent à tester les concentrations de minéraux dans l’eau et les aliments.

Mais ces appareils, qui peuvent également être utilisés pour déterminer le niveau d’enrichissement de l’uranium, ont ensuite été envoyés en Iran, selon le procès.

Depuis plusieurs années, les pays occidentaux s’inquiètent des efforts de l’Iran pour se doter de l’arme nucléaire.

Une photo prise le 13 avril montre le président Joe Biden lors d’une réunion avec son équipe de sécurité nationale à Washington après l’attaque de drones iraniens contre Israël.

PhotoAFP

C’est la raison principale pour laquelle plusieurs sanctions ont été prises contre le régime islamique. Cette peur s’est également ravivée ces dernières semaines suite aux tirs de drones et de missiles entre Israël et l’Iran.

À Montréal depuis 2014

Selon les informations relayées par la justice américaine, M. Kafrani, né en 1975 dans un petit village à 500 km de Téhéran, est le fils d’une famille d’agriculteurs. Il a étudié les sciences alimentaires avant de fonder son laboratoire de recherche en Iran.

En 2014, il quitte tout pour s’installer à Montréal avec sa femme et ses deux filles avant de fonder une nouvelle entreprise, Avi-Life Lab.


Une capture d’écran du site Internet de l’entreprise montréalaise Avi-Life Lab qui appartenait à Kafrani avant son emprisonnement.

Capture d’écran WEB

Parallèlement, il entreprend un doctorat au département des sciences alimentaires de l’Université McGill.

Selon l’acte d’accusation, lui et un complice présumé en Iran se sont renseignés auprès des gouvernements canadien et américain sur les sanctions en vigueur, ont tenté en vain d’obtenir des permis d’exportation et auraient élaboré un stratagème pour contourner les règles.


Reza Sarhangpour Kafrani étudiait à l’Université McGill avant son arrestation. On le voit sur cette photo prise à la chute Montmorency publiée sur Facebook en juillet 2018.

Reza Sarhang / Facebook

” C’est dangereux “

Le complice présumé de M. Kafrani, Seyed Reza Mirnezami, lui a même envoyé un courriel contenant un lien vers un rapport rapportant que des Montréalais auraient été accusés d’exporter illégalement du matériel ferroviaire vers l’Iran.

Il commente, en persan : « C’est dangereux ! Il faut qu’on parle. »

Selon des documents judiciaires américains, M. Kafrani aurait alors voulu acquérir du matériel de laboratoire auprès d’une entreprise américaine et aurait demandé à ce qu’il soit installé au Moyen-Orient.

En 2016, il parvient finalement à le racheter à une autre entreprise américaine. Il a payé 110 000 $ US en utilisant des comptes bancaires au Canada, à Taiwan et en Chine.

C’est en juillet 2021 que l’homme d’affaires montréalais a été menotté à la frontière américaine alors qu’il accompagnait des amis aux États-Unis dans le cadre de leur procédure d’immigration.

Son complice présumé a également été accusé, mais jamais arrêté.

En 2022, M. Kafrani a clamé son innocence auprès de notre Bureau d’enquête alors qu’il était assigné à résidence en Virginie.

“Il n’y a aucune preuve… il n’y a aucun document [qui prouvent] que j’ai conclu un accord avec l’Iran », a-t-il alors plaidé.

Une grâce… conditionnelle

M. Kafrani a attendu son procès un peu plus de deux ans avant de bénéficier d’une grâce présidentielle en septembre dernier.

Ce rebondissement est aussi inattendu qu’historique. S’il avait été reconnu coupable, il aurait été condamné à 20 ans de prison.

Sa grâce nécessite toutefois de respecter une série de six conditions, notamment ne plus jamais remettre les pieds aux Etats-Unis. S’il y retourne, M. Kafrani pourrait donc être de nouveau arrêté et éventuellement jugé.


Le document de grâce signé par le président des États-Unis, Joe Biden, en septembre dernier.

Avec l’aimable autorisation du DÉPARTEMENT AMÉRICAIN DE LA JUSTICE

Ainsi, même s’il a été libéré, des accusations restent portées contre l’homme de 49 ans pour faire respecter ces conditions.

Cette situation avait été jugée inacceptable en décembre dernier par son avocat américain, qui écrivait, dans un document présenté au tribunal, qu’« il serait totalement contraire à l’esprit de la grâce présidentielle que le gouvernement menace de poursuites judiciaires contre M. Kafrani ». toute sa vie pour un crime pardonné. »

Un échange historique

En septembre dernier, les États-Unis et l’Iran ont conclu un rare échange de prisonniers et le dégel de 6 milliards de dollars d’avoirs iraniens. Cet argent provenant de la vente du pétrole iranien est censé être utilisé uniquement à des fins « humanitaires ».

Cet accord entre l’Iran et les États-Unis est « un coup de théâtre » que peu d’observateurs internationaux ont vu venir, selon Pierre Pahlavi, professeur au Collège des Forces canadiennes à Toronto et expert des relations irano-américaines.

« Le dialogue était au point mort », souligne-t-il, alors que les relations entre les deux pays sont tendues depuis la révolution iranienne il y a 45 ans.


Reza Sarhangpour Kafrani (à droite sur la photo) avec un autre homme d’origine iranienne libéré en même temps que lui, Mehrdad Moein Ansari, à l’aéroport de Doha au Qatar.

Photo REUTERS

Seuls deux des prisonniers détenus aux États-Unis sont retournés en Iran, dont M. Kafrani. Selon Al Jazeera, l’échange a eu lieu le 18 septembre sur le tarmac de l’aéroport international de Doha, au Qatar.

Dans une vidéo relayée par l’agence Reuters, on voit alors M. Kafrani descendre d’un avion à Téhéran, la capitale de l’Iran, avant d’être accueilli avec une gerbe de fleurs.


Dans une vidéo tournée à son retour en Iran l’automne dernier et diffusée par l’agence de presse Reuters, on voit l’homme accueilli avec une couronne de fleurs.

Capture d’écran de REUTERS

Ce n’est que quelques mois plus tard qu’il revient à Montréal. Au cours des derniers jours, notre Bureau d’enquête a tenté de lui parler à plusieurs reprises, mais il a refusé.

Son avocat, M.e Jean-Philippe Gervais a toutefois précisé par courriel que l’arrestation et la détention de M. Kafrani lui ont causé beaucoup de tort.

« Négociations politiques »

« Notre client a été arrêté par les autorités d’un Etat étranger, puis détenu contre son gré pendant une durée de plus de deux ans, sans comparution judiciaire et sans que son dossier n’avance, pour éventuellement servir de monnaie d’échange dans le cadre de négociations politiques. . »

Cependant, des documents du ministère américain de la Justice montrent que son cas a été renvoyé devant les tribunaux à plusieurs reprises.

Il a notamment pu sortir de prison pour poursuivre sa détention dans un appartement en Virginie en attendant son procès, prévu le 4 mars 2024.

En plus de ses déboires aux États-Unis, M. Kafrani et son épouse ont dû se défendre dans une autre affaire, cette fois devant un tribunal québécois.

La CNESST tentait de récupérer un peu plus de 31 000 $ de salaires impayés auprès de son ancienne entreprise Avi-Life Lab, qui a fait faillite il y a deux ans. La CNESST s’est retirée du dossier au cours des dernières semaines.

M.e Gervais, qui le représentait dans cette affaire, dénonce également la façon dont les autorités américaines ont traité son client.

« Ces agissements sans fondement et totalement inacceptables de la part d’un État qui se décrit comme un État de droit ont eu des conséquences désastreuses sur la vie personnelle et professionnelle de notre client. »

– Avec la collaboration de Pascal Dugas Bourdon et Ian Gemme

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