Les femmes dans l’Église, l’inspiration suisse du pape François – Portail catholique suisse – .

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Ordonner des femmes diacres ou prêtres ? Le pape François cherche notamment des réponses à cette question auprès de Hans Urs von Balthasar (1905-1988). Mais la vision du théologien suisse est contestée par nombre de spécialistes.

« Les femmes peuvent faire beaucoup de choses mieux que les hommes », assurait le pape François en 2016, dans l’avion qui le ramenait de Suède. Il répondait à une question sur la possibilité pour les femmes de devenir prêtres dans l’Église catholique.

Tout en louant les capacités des femmes, François a rappelé sa vision des choses, invoquant les dimensions « pétrinienne » et « mariale » de l’Église. Le premier étant apostolique, dirigé par des évêques, et le second caractérisant « la dimension féminine » de l’institution. Selon cette conception, la dimension pétrinienne est centrée sur l’autorité et l’initiative, tandis que la dimension mariale est davantage liée à la réceptivité et à la fécondité.

« Il n’y a pas d’Église sans cette dimension féminine »

Pape François

Une dimension « mariale » que François ne considère pas « inférieure », bien au contraire. Lors du vol de Stockholm à Rome, il se demandait : « Qu’y a-t-il de plus important dans la théologie et le mysticisme de l’Église : les apôtres ou Marie le jour de la Pentecôte ? “C’est Marie !”, a-t-il conclu. “Il n’y a pas d’Église sans cette dimension féminine, car elle est elle-même femme, mère et épouse”, a-t-il ajouté. « L’élément marial gouverne de manière cachée dans l’Église, comme la femme dans le foyer domestique », précise la bibliste Marinella Perroni dans le supplément Femmes, Église, monde de la’Osservatoire romain (2022). Pour François, il s’agissait de rappeler que cet ordre « naturel » des choses rendait inapproprié l’accès des femmes au ministère ordonné.

Une idée suisse

Ce concept « bidimensionnel » a deux sources principales, note Natalia Imperatori-Lee dans la revue jésuite américaine Amérique (2016). La notion de l’Église comme épouse du Christ a bien sûr ses racines dans les Écritures, note le professeur de sciences religieuses au Manhattan College de New York.

Mais l’Église pétrinienne et mariale a été principalement conceptualisée par le théologien suisse Hans Urs von Balthasar, décédé en 1988. Sa vision a connu un succès considérable, notamment auprès des papes. Ainsi, Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI s’en sont emparés, à l’appui de diverses thématiques. Et ainsi François à son tour, qui considère cette notion « comme un paradigme ecclésiologique utile, voire nécessaire », note Marinella Perroni.

La religieuse Linda Pocher est professeur de christologie et de mariologie à Rome | Capture d’écran YouTube

Que le prêtre lucernois ait été une Source d’inspiration pour François est bien connu. Cela a été mis en évidence récemment, lorsque le pontife a exprimé le souhait que l’enfer soit vide, une idée avancée notamment par von Balthasar.

La voix de Hans Urs von Balthasar murmure apparemment aussi à l’oreille du pontife sur la place des femmes dans l’Église. Un fait que rappelle Linda Pocher, l’une des principales « conseillères » de François sur la question. La religieuse espagnole a été invitée en décembre 2023 et février 2024 par le Conseil des cardinaux (C9) pour exprimer son avis sur l’accès des femmes au ministère. Elle est considérée comme l’une des plus grandes spécialistes catholiques en la matière. Elle a ainsi signé l’œuvre Démasculiniser l’Église ? Comparaisons critiques sur les « principes » de Hans Urs Von Balthasar (Editions Pauline, 2024).

Le pape surpris par les critiques

“La première rencontre a porté sur les réflexions de Hans Urs von Balthasar sur les principes mariaux et pétriniens et sur l’utilisation de cette pensée par le magistère”, a-t-elle assuré dans un entretien publié le 2 avril 2024 dans Amérique. « Notre intervention visait à mettre en lumière les points critiques de la réflexion [de Balthasar] et je me demande si [les principes marial et pétrinien] sont vraiment capables de soutenir la situation actuelle de l’Église, qui est très différente de celle d’il y a 50 ans [lorsque Balthasar écrivait]», révèle Linda Pocher.

«L’idée de Hans Urs von Balthasar sur la place des femmes était subordonnée au principe de complémentarité»

« Le Pape, comme il l’a lui-même écrit dans la préface du volume, a été surpris par nos critiques », poursuit-elle. Nous critiquons notamment la pensée de Balthasar pour une idéalisation excessive de la femme et une répartition trop rigide des rôles.

Les paroles du théologien suisse ne seraient donc pas un « évangile » pour tout le monde. D’autres spécialistes ont critiqué les arguments « balthasaro-bergogliens ». Dans une chronique de journal La Croix (2022), le théologien français Jean-François Chiron questionne « l’anthropologie culturellement marquée de Hans Urs von Balthasar ». Il se demande si cela « ne contamine pas la théologie ?

« Si, au nom d’un principe pétrinien essentiellement masculin, on doit exclure les femmes du ministère ordonné, on ne peut s’empêcher de se demander ce que doivent faire les hommes dans une Église gouvernée par le principe marial, essentiellement féminin : ont-ils leur place ? là ? », questionne le théologien français.

Une manière de « cajoler » les femmes ?

Hans Urs von Balthasar n’était pas considéré comme un théologien conservateur. Bien que profondément enraciné dans la tradition catholique, il n’avait pas peur d’aborder des questions théologiques modernes et délicates. En fait, sa conception de la place de la femme était subordonnée au principe de complémentarité au sein de l’Église, au cœur de sa vision théologique. Ce n’était certainement pas teinté de misogynie. Comme le pape François, au contraire, il tenait en très haute estime la « dimension féminine » de l’Église.

« François a du mal à se libérer de la vision patriarcale qui enferme le masculin et le féminin dans un schéma »

Marinella Perroni

Cette « idéalisation » apparaît encore suspecte chez certains observateurs contemporains, qui suggèrent une volonté sous-jacente de préserver ainsi l’ordre établi, en « cajolant » les femmes. Marinella Perroni stigmatise ce soupçon en affirmant : « (…) il est désormais parfaitement clair que les formes d’exaltation mystique du féminin sont directement proportionnelles au refus de reconnaissance publique de l’autorité des femmes. »

Reproduction de stéréotypes ?

Un autre problème relevé par Linda Pocher concerne la « rigidité » de la conception balthasarienne. Une critique déjà posée par d’autres spécialistes. Natalia Imperatori-Lee écrit notamment : « D’un point de vue sociopolitique, une complémentarité rigide prive les hommes et les femmes de leur pleine humanité. Supposer que les femmes compensent ce qui manque aux hommes, ou vice versa, réifie les stéréotypes de masculinité et de féminité en dictant les forces et les faiblesses relatives que les gens doivent avoir s’ils sont fidèles à leur genre.

« On sait combien il ne va pas de soi, aujourd’hui, du moins en Occident, de qualifier les hommes et les femmes, de les « essentialiser » »

Jean-François Chiron

Cette tendance à la « généralisation genrée » est-elle une question d’époque ? Les théologiens actuels considèrent que la vision doit évoluer en fonction des nouvelles conceptions sociales et des découvertes scientifiques. « On sait combien il ne va pas de soi, aujourd’hui, du moins en Occident, de qualifier les hommes et les femmes, de les “essentialiser”, note Jean-François Chiron.

Reliques du patriarcat

Pour Marinella Perroni, François « a du mal à se libérer de la vision patriarcale qui enferme le masculin et le féminin dans un schéma, qui devient d’autant plus dangereux lorsque l’on établit Pierre et Marie comme figures symboliques de référence et que l’on réserve à Pierre, c’est-à-dire à dire aux hommes, le ministère de l’autorité et à Marie, c’est-à-dire aux femmes, le charisme de l’amour. « Les bipolarismes séduisent toujours parce qu’ils créent des illusions », poursuit le bibliste italien. Ils font croire que les différences peuvent être résolues par une formule et que la complexité peut être présentée comme une simplification.

Perçue comme hypocrite, généralisatrice, dépassée… la vision « balthasaro-franciscaine » de la place de la femme est visiblement remise en cause dans le monde catholique. Lors du Synode sur la synodalité et suite à ses multiples rencontres avec des personnes de sensibilités très diverses, le Pape en est forcément conscient. Qu’on soit d’accord ou non avec cette pensée, il faut reconnaître que Jorge Bergoglio n’hésite pas à prendre conseil auprès de spécialistes qui peuvent, comme Linda Pocher, avoir une vision critique.

La religieuse a affirmé à la suite de réunions avec le C9 que le pape François était « très favorable » au diaconat féminin, sans toutefois discuter de l’ordination sacerdotale.

Compte tenu de l’ouverture d’esprit qui caractérise le pontife et de son attachement à l’évolution de l’Église, il serait cependant prématuré d’affirmer que sur le sacerdoce, « la messe est dite ». (cath.ch/arch/ag/rz)

© Centre Média Catholique Cath-Info, 04/07/2024

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