Des tas communs de terre et de pierres ? Non, de précieux « débarquements » issus des opérations d’entretien de l’Agly (et d’autres rivières d’ailleurs). Il est strictement interdit de les extraire, pour notre bien commun… Explications.
A l’autre bout du pays, dans le Pas-de-Calais noyé sous les eaux, les polémiques ne manquent pas : faut-il ou non nettoyer les lits des rivières pour les protéger des inondations ? Dans le même temps, les Pyrénées-Orientales, à l’inverse, continuent de manquer d’eau pour le deuxième hiver consécutif, alors qu’il n’y a pas si longtemps, l’Agly en crue submergeait une partie de la Salanque, brisant une digue en cours de route. Rien ne dit qu’un tel épisode ne pourrait pas se reproduire prochainement.
Alors comment s’entretient l’Agly ? Et pourquoi ces monticules sont-ils laissés au milieu du lit, comme l’ont constaté de nombreux riverains, parfois avec perplexité ?
Si on se rase proprement, l’eau devient dangereuse
Parce que’ ” il faut se méfier du bon sens», affirme d’emblée François Toulet-Blanquet, directeur du Syndicat Mixte du Bassin Versant de l’Agly (SMBVA).
En cette saison, nous sommes effectivement dans une phase où les travaux d’entretien des lits des rivières sont autorisés dans les Pyrénées-Orientales. Entre la période de nidification des oiseaux, celle de ponte des poissons, et celle d’hibernation de la lépreuse émyde, chère tortue d’eau endémique de nos régions du Roussillon.
Ainsi, depuis quelques semaines, des engins de chantier, bulldozers en tête, labourent le fond des rivières catalanes. Ou plutôt, ils « scarifient » la terre. Dix hectares sont ainsi traités sur l’Agly chaque année. Et oui, les buttes ainsi créées restent sur place. Car l’époque où l’on pensait que nettoyer le lit nous protégeait des excès est bel et bien révolue. “ Quand on se rase proprement décrypte Théophile Martinez, maire de Cases-de-Pène et président de la SMBVA, l’eau glisse, prend de la vitesse et devient un danger. Elle se renforce et pourrait créer des brèches dans les digues, ou éroder les berges fragiles. »
Au contraire, la présence de ces « paliers », nom technique de ces amas de terre et de graviers, a l’avantage de ralentir l’écoulement de l’eau. Du moins, quand il y a de l’eau, bien sûr…
Mais surtout, ces pierres ont une autre utilité : « En cas de petite inondation,explique Théophile Martinez,les plus petits éléments doivent aller dans la mer pour ensabler la plage.» Ils luttent également contre l’érosion qui peut entraîner le détachement des piles des ponts. “Retirer ces graviers, expliquent les responsables syndicaux, est désormais interdit, car cela contribue également au phénomène d’incision. Ainsi le Tech a coulé de 3 à 4 mètres depuis les années 1950 avec l’extraction. Le grattage, au contraire, permet un approvisionnement en matériaux. »
“Les recommandations aujourd’hui,est d’accord avec le directeur,sont d’encourager la revégétalisation, notamment sur ces terrains, pour ralentir l’écoulement de l’eau, dans les zones où nous pouvons nous le permettre.» On parle alors de «gestion différenciée« . En zone urbaine, l’objectif est de limiter au maximum la végétation pour permettre le drainage. Dans les espaces naturels et agricoles, au contraire, on laisse la végétation s’implanter, dans une certaine mesure, pour réduire la puissance de l’écoulement. Le tout pour la SMBVA, avec 400 km de voies navigables sur son territoire.