Bernard Minier nous donne sa (bonne) nouvelle

Bernard Minier nous donne sa (bonne) nouvelle
Bernard Minier nous donne sa (bonne) nouvelle

CRITIQUE – L’auteur à succès retrouve la fièvre de ses débuts avec quinze nouvelles, l’obligeant à être concis et d’une noirceur saisissante.

C’est un genre négligé. Les auteurs français ont-ils peur de l’actualité ? Peur de passer d’une intrigue à l’autre, d’un protagoniste différent à chaque fois, pour captiver ses lecteurs en quelques pages seulement ? Bernard Minier aurait pu hésiter : se lancer dans une telle aventure est un défi. Mais le plaisir qu’il y prend, et il est palpable, a dû mettre fin à ses doutes. Comme il avait raison !

Si l’on retrouve son univers dans ces quinze récits, leur brièveté l’oblige à la concision et leur noirceur n’en est que plus frappante. Dans sa préface, il explique son choix, le plaisir ressenti à l’idée de retrouver la fièvre des débuts où, avant de devenir auteur à succès, il écrivait des nouvelles, et celui, peut-être plus intense encore, d’imaginer son les lecteurs les savourant dans un laps de temps plus ou moins court. Car si certaines de ces histoires ne comportent que quelques pages, d’autres sont beaucoup plus longues.

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« L’actualité, ma chère, ne tolère pas l’approximation »» fait-il dire à l’un de ses personnages. Cette phrase, bien sûr, il l’a fait sienne. Aucune approximation, par exemple, dans la toute première histoire qui, s’il en était besoin, nous sort brusquement de notre torpeur. Deux couples ont une étrange obsession, faire « tourisme noir ». Autrement dit, visiter les pays où régnait la terreur : Tchernobyl, la ville fantôme, ou encore l’Argentine pour retracer les pas des 30 000 disparus sous la dictature, hanter les lieux de torture, rencontrer un bourreau repenti… Un sacré programme ! La nature humaine est surprenante, cruelle, assoiffée de morbide, Bernard Minier la contemple, parfois ironique et souvent navrée, dans cette aventure glaçante puis dans les suivantes.

Chaque histoire a son ton, tantôt sombre, tantôt drôle, tantôt précieux, ses protagonistes, victimes ou bourreaux, ses décors, d’abord apaisés et vite anxiogènes. On ne sait jamais où ni dans quoi le nouvelliste a prévu de nous emmener et c’est tant mieux. Qui sont ces adorables enfants maltraités par leurs familles d’accueil ? Pourquoi cette jeune Anglaise tout droit sortie d’un roman gothique se sent-elle de plus en plus anxieuse ? Et ce célèbre animateur devrait-il vraiment accepter de rencontrer l’Equinox Killer, un tueur en série sanguinaire ?

Chute mémorable

Entre thriller, science-fiction, fantastique, anticipation, l’horreur n’est jamais loin mais Bernard Minier a pitié de nous : il nous laisse respirer. Alors, parfois, cette jolie rêverie écrite pendant le confinement, quand des animaux sauvages (portant des noms de philosophes !) reprennent possession de leur territoire, retrouvant pour un temps le silence, les odeurs, “un printemps sans hommes” – enfin, plus un seul pollueur pour gâcher les plaisirs simples.

Mais pas de fait divers réussi sans une chute mémorable. Bernard Minier l’a bien compris. Nous sommes donc le plus souvent cueillis au tout dernier moment. Une efficacité à toute épreuve. Et la confirmation que l’écrivain a décidément de l’imagination à revendre.


Chats et quatorze histoires mystérieuses, cruelles, diaboliques, de Bernard Minier, 336p., 10 €.
Poche
 
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