Jacques Cantier, Dany Laferrière, Yasmina Reza, Julie Ruocco…

Jacques Cantier, Dany Laferrière, Yasmina Reza, Julie Ruocco…
Jacques Cantier, Dany Laferrière, Yasmina Reza, Julie Ruocco…

Anthologie. « On vient de loin », de Yasmina Reza

Au coeur de Babylone (Flammarion, 2016), l’un des plus beaux romans de Yasmina Reza, et le premier dont la narratrice est une narratrice, il y a une scène décisive. Tout commence par une fête organisée par Elisabeth dans un moment d’optimisme. Et puis il y a un meurtre. À un moment donné, comme si elle était heureuse, malgré tout, que quelque chose se passe, Elisabeth s’est mise à faire des petits pas de danse, seule dans son salon en désordre. A travers ces petits pas, Yasmina Reza incarne le personnage d’une femme qui prend les choses en main, et dont le rire obstiné et la gaieté d’être une fille assurent la permanence dans le monde.

On retrouve ce thriller métaphysique dans le magnifique volume « Quarto » qui rassemble des œuvres sélectionnées, des romans, des pièces de théâtre, des récits, de ” Art “ jusqu’à Serge En passant par Adam Haberberg Ou Anne-Marie la Belle. On retrouve aussi immédiatement cette gaieté féminine. Le volume s’ouvre sur des pages très personnelles où l’auteur mélange citations chères et photos légendées afin d’établir quelques jalons biographiques. “Elle saute du plongeoir, elle sort de l’eau et me regarde, elle rayonne, elle ne me questionne pas, elle brille de joie”note la dramaturge en marge d’une photo où l’on voit sa fille Alta, alors âgée de 13 ans, faire le poirier dans une piscine.

Observer le monde à l’envers, puis le remettre sur pied dans un éclat de rire, tel est l’art de Yasmina Reza. Texte après texte, qu’elle devienne dramaturge ou romancière, l’auteure met en scène les situations les plus ordinaires pour construire une enquête sur notre condition humaine, entre doute et désolation. Chez elle, comme nous le verrons en parcourant ce volume précieux et joyeux, le comble de la tragédie est aussi celui de la joie. Sous sa plume mouvante, c’est toujours le rire qui sauve. Et qui vient saluer, in extremis, la reconquête de la liberté. J.Bi.

« Nous venons de loin. Œuvres choisies », de Yasmina Reza, Gallimard, « Voix quarto contemporaines », 1 022 p., 29 €.

>>

Histoire. « Lire sous l’Occupation », de Jacques Cantier

Le livre était un enjeu symbolique majeur pendant l’Occupation. Comme le démontre Jacques Cantier, l’importance accordée par les occupants nazis à la censure et au pillage – à savoir l’aryanisation de certaines maisons d’édition et la spoliation de bibliothèques ou d’archives – ainsi qu’à l’influence politique menée par le groupe littéraire de Propagandastaffel, le département en charge pour la propagande allemande. Mais les Français sont pris d’une frénésie de lecture : les ventes s’envolent, et beaucoup trouvent dans les textes l’aliment du combat à mener. La lecture devient aussi un moyen de trouver les clés des événements. Ainsi se met en place un art clandestin de la lecture, élevé notamment par Aragon au rang d’art poétique : parmi les troubadours chanteurs « leurs Dames en présence même de leur Seigneur »le poète a trouvé un moyen de « faire naître des sentiments interdits avec des paroles autorisées ». J.-LJ

Il vous reste 58,26% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

NEXT Le « Ritz Barman » régale et Esther arrive – Libération