Fanny Britt : tendre coup de projecteur sur l’adolescence

Fanny Britt : tendre coup de projecteur sur l’adolescence
Fanny Britt : tendre coup de projecteur sur l’adolescence

Fanny Britt, Bonjour, mon coeur est votre tout premier roman destiné aux adolescents. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce nouveau travail ?

R. C’est vraiment une histoire qui m’est venue à une époque où j’avais un peu de mal à écrire. J’étais très pris par le genre d’anxiété mondiale liée à la pandémie.

Cela m’a vraiment fait revivre ma propre tendance à l’anxiété. Il semble que je me sente aussi impuissant et fiévreux que lorsque j’étais adolescent. […]

Puis j’ai aussi commencé à accompagner mon plus jeune fils dans une filière d’études artistiques, en musique. Cela m’a beaucoup rappelé à mes propres souvenirs, lorsque j’étudiais dans une école également plus orientée vers les arts.

Il me semble que j’avais envie de m’y replonger.

Q La protagoniste de votre roman, Bernadette, souffre d’anxiété. Était-ce un sentiment difficile à traduire sur papier ?

R. Je ne me suis pas dit : « Je vais écrire un livre sur l’anxiété ». Ce qui s’est passé, c’est que le personnage est apparu et c’était un personnage anxieux.

L’anxiété est un aspect de sa vie, mais elle est loin d’être la totalité de sa vie. Bernadette puise son inspiration à toutes sortes de sources : dans la musique, au cinéma – lorsqu’elle découvre La Société des poètes morts – dans les interactions sociales, dans ses réflexions sur les livres qu’elle lit. Tout cela fait partie de son portrait.

Pour moi, il était important de ne pas écrire quelque chose de didactique. Je ne voulais pas parler de la pathologie de l’anxiété. Je voulais créer un personnage vivant, tridimensionnel, défini par toutes sortes de choses, y compris l’anxiété.

Plus j’en parlais, plus je trouvais que les manifestations d’anxiété, comme les crises de panique ou les obsessions, étaient très proches de l’état adolescent. Il s’agissait même d’une sorte de véhicule métaphorique du personnage, de cette fameuse transition de l’adolescence qui peut arriver si brusquement dans nos corps et dans nos têtes. Un peu comme une crise de panique qui arrive, qui sort de nulle part et qu’on ne comprend pas. Je l’ai trouvé très fertile.

Entre musique et monde de la restauration, Fanny Britt nous plonge dans le grand monde de l’adolescence. (Josie Desmarais/La Presse)

Q Dans le livre, il est question de votre premier travail, de l’importance de l’amitié et des découvertes que vous faites à l’adolescence. Quel est votre rapport à cette période unique ?

A C’est une période pour laquelle j’ai beaucoup de tendresse et d’affection. Nous sommes tellement nerveux quand nous sommes adolescents. Je sens d’une certaine manière que nous ne serons jamais à la fois aussi proches et aussi loin de nous-mêmes.

Bien sûr, parce que nous ne nous comprenons pas, nous ne nous connaissons pas encore et nous avons toutes sortes de zones de notre cerveau qui n’ont pas encore compris les risques ou qui les comprennent trop.

Et, en même temps, les amours et les passions que nous développons à l’adolescence ne nous quittent souvent jamais. Des objets culturels aussi.

J’ai 47 ans maintenant. Les films, les livres, la musique que j’aimais étant adolescente occupent une place indélébile. […]

J’ai aussi le même meilleur ami depuis la fin de l’école primaire. J’ai vécu toute mon adolescence et ma vie adulte avec elle. Pour moi, l’adolescence est aussi la Source de cette amitié.

J’en garde un souvenir vraiment précieux et, en même temps, j’étais très malheureuse étant adolescente. J’avais une relation avec moi-même, avec mon image corporelle, avec mon estime de soi qui était vraiment terrible.

Une partie entière de moi ne voudrait jamais retourner à l’adolescence. Ensuite, il y en a un autre qui a beaucoup de gratitude envers ces années-là car les choses que j’ai découvertes et aimées, à cet âge-là, me nourrissent encore.

Q Avez-vous l’impression que, collectivement, on sous-estime nos adolescents au Québec ?

R Oui, je pense qu’il y a un bon nombre d’adultes qui méprisent la culture des adolescents, qui la considèrent comme inférieure, super anglicisée, sans intérêt, superficielle.

Mais je m’en méfie parce que je me souviens […] qu’il y avait toute une partie de mon monde qui avait échappé à mes parents. Comme le genre de langage que nous utilisions entre nous.

Je trouve ça bien. Lorsque mes fils se parlent, il arrive parfois que je ne comprenne pas tout ce qu’ils disent et que j’ai besoin d’être éduqué par eux. Je pense que c’est dans l’ordre des choses. Ce qui est ennuyeux, c’est quand on perd la curiosité pour leur monde. […] Ce qui ne veut pas dire que, parfois, je les surveille. Les jeunes doivent avoir leur propre code qui n’appartient qu’à leur génération, mais je crois aussi très fort à la polyvalence linguistique, à savoir quand parler de manière plus élevée à son professeur, à son futur patron, à ses grands-parents. , etc. […]

La population plus âgée a un rapport condescendant à la culture adolescente et je trouve cela dommage. Je trouve que j’apprends beaucoup de choses d’eux : leur façon de voir le monde, les relations entre les humains, la culture.

Bonjour, mon coeurFanny Britt, 288 pages.

Q On parle beaucoup de la parentalité dans le livre. Bernadette lit vraiment à travers ses parents. Comme tous les adolescents ?

R Bien sûr que non. [rires] Il y a des parents plus secrets, qui mettent davantage de mur entre eux et leurs adolescents. Et, forcément, il y a aussi des adolescents qui sont moins attentifs à ce qui se passe dans la vie de leurs parents.

Bernadette est un personnage très anxieux et cela va souvent de pair avec un caractère hypersensible. […] Ce que j’ai voulu établir avec Bernadette, c’est qu’elle capte les humeurs de sa mère, mais qu’elle ne les interprète pas de la bonne façon.

Elle les capture, les ressent et est capable de bien les décrire, mais elle peut se tromper complètement. C’était important pour moi qu’elle ait ce genre de côté un peu péremptoire qu’on a souvent à 14 ans… On se dit : « je sais c’est quoi le problème », « je suis sûr qu’il n’aime pas plus », etc.

Q Vous avez plusieurs ouvrages pour enfants à votre actif, comme les livres Louis parmi les fantômes, Escroqueries ou la pièce 176 étapes. En tant qu’écrivain, que souhaitez-vous offrir à ce public ?

Je pense que chaque fois que j’écris pour les jeunes, c’est toujours avec le désir de leur communiquer quelque chose. Pas un message, mais une petite fenêtre ouverte sur « c’est comme ça parfois d’être humain. Peut-être que vous vous reconnaîtrez là-dedans, peut-être que cela vous aidera à vous sentir moins bizarre ou moins seul dans votre situation. […]

Il peut être déroutant de ne pas comprendre le monde qui nous entoure. Je pense que j’essaie encore un peu de donner un sens. C’est la même chose dans mes livres pour adultes. C’est juste que, dans ces cas-là, j’irai souvent vers des thèmes éthiques ou le dilemme entre notre confort et nos valeurs ou m’élargirai vers les dynamiques de pouvoir entre les gens. […]

J’aime rester dans les zones grises de la vie ordinaire car cela me fascine. Je trouve la vie ordinaire épique.

Et peut-être encore plus quand j’écris de la littérature jeunesse. La vie des enfants peut nous paraître petite, mais mes journaux et les souvenirs que j’ai de mon enfance me le montrent clairement : tout est encore plus intense à cette époque.

Titre : Bonjour, mon coeur

Auteur : Fanny Britt

Nombre de pages : 288 pages

 
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