« Jean-Pierre, c’était un grand homme, il prenait beaucoup de place dans ma vie » – Julie Anne Saumur

« Jean-Pierre, c’était un grand homme, il prenait beaucoup de place dans ma vie » – Julie Anne Saumur
« Jean-Pierre, c’était un grand homme, il prenait beaucoup de place dans ma vie » – Julie Anne Saumur

Julie Anne Saumur est en deuil. Après 16 ans de vie commune, elle a perdu son amant, Jean-Pierre Ferland, le 27 avril dernier.

Elle est fragile, épuisée, prise par les mille et une tâches à accomplir pour organiser aussi bien les obsèques nationales que les obsèques privées de son grand amour, qui avait 35 ans de plus qu’elle.

Mais elle a gentiment pris le temps de s’adresser exclusivement à Journal. Nous avons discuté à cœur ouvert pendant une trentaine de minutes. Une interview entrecoupée de silences, de rires… et de larmes

Sophie : Julie Anne, cela fait maintenant trois semaines que Jean-Pierre est parti. Comment gérez-vous votre deuil ?

Julie Anne : Je ne vais pas plus mal, mais il y a des jours où c’est plus difficile que d’autres. Je ne crois pas qu’il soit encore parti. Je n’ai pas eu le temps de faire mon deuil. Il y a beaucoup de choses à faire. Il y a des petits moments où je ne vais pas très bien, où je me sens toute seule. Les amis peuvent combler une certaine partie de ma douleur, de ma solitude, mais… c’est mon cœur qui semble vide en ce moment.

Il me manque une grosse partie… [Elle ne finit pas sa phrase.]

Jean-Pierre était un grand homme, il prenait beaucoup de place dans ma vie. Je me sens seul depuis son départ. J’ai réalisé quand il a été placé [au CHSLD] combien j’ai aimé cet homme. Je savais que je l’aimais avant, bien sûr, mais la vie avance vite, nous avons beaucoup de choses à faire. Mais quand je me suis retrouvé seul ici, même si j’allais le voir tous les jours, c’est là que j’ai réalisé à quel point il comptait pour moi et combien je l’aimais. On appelle ça le deuil blanc. Chaque jour, chaque fois que Jean-Pierre perdait un peu, on avait envie de faire son deuil. Cela veut dire que je suis en deuil depuis un moment maintenant. Avant, je le voyais encore, sa belle voix me parlait, il était présent même si parfois à la fin il n’était pas totalement présent. Il me regardait tout le temps avec ses beaux yeux brillants et son sourire. C’est juste son beau sourire que je vois tout le temps dans ma tête. Il m’a toujours dit “Tu es belle!” C’est très difficile de vivre sans lui.

Après 16 ans de vie commune, qu’est-ce qui vous manque le plus chez lui ?

Son sourire. Sa voix. Ses caresses. Ses baisers. Et sa présence.

Les gens ne savent pas à quel point vous avez été l’aidant de Jean-Pierre, qui souffrait de pertes de mémoire. Comment êtes-vous passé du statut d’amant à celui de « soignant » ?

C’est arrivé progressivement. De jour en jour, j’en faisais un peu plus, je prenais un peu plus soin de lui.

S’occuper d’un adulte est difficile car il avait un sacré caractère ! Un enfant, vous pouvez lui dire « Va dans ta chambre ! ». Tu ne peux pas dire ça à Jean-Pierre, tu te feras virer [rires]! Ce n’est pas facile de s’occuper de quelqu’un, c’est 24 heures sur 24.

Quand il dormait, j’avais peur qu’il tombe, je n’ai pas bien dormi. Être soignant vient petit à petit, on s’y habitue, on ne se rend pas compte à quel point on est fatigué. Vous avez quelque chose à faire et vous devez le faire.

Prendre soin de quelqu’un est une vocation. Depuis la pandémie [c’est là que ça a commencé à se dégrader], nous étions tous les deux à la maison, nous n’avions plus de spectacles, c’était ma nouvelle vocation. Il y avait des jours où ça ne me plaisait plus, je voulais juste avoir la liberté, mais quand on aime quelqu’un, on va jusqu’au bout.

Le 3 mai, sur Facebook, vous avez écrit un message émouvant. « Merci pour votre humour, vos visages exceptionnels, votre sourire à un million de dollars, ton amour, ta tendresse et ton rire. Merci pour ces 16 années de bonheur ! Cela n’a pas toujours été facile, mais je ne regrette rien de ces merveilleuses années à vos côtés et j’en prendrais davantage. Je ne t’oublierai jamais, tu resteras uni dans mon cœur pour l’éternité. Qu’entendez-vous par « pas toujours facile » ?

Il y a des hauts et des bas, comme dans tous les couples. Parfois, comme tout le monde, nous n’étions pas d’accord sur certaines choses. Jean-Pierre avait un caractère assez fort [rires]. Mais quand il était gentil et bon, c’était extraordinaire. J’ai passé tellement de moments merveilleux avec lui. Nous nous parlions de toutes sortes de choses. On riait tout le temps, on chantait, c’était un amour vraiment fort, vraiment merveilleux.

Sous votre publication Facebook du 3 mai, Diane Tell a écrit « De tout mon cœur à toi, ma Julie Anne. Ta présence était sa chance, son amour veillera toujours sur toi. Est-ce que ça vous a touché ?

Tout le monde m’appelait, Diane Tell m’appelait. C’est comme si moi aussi j’avais reçu une grande vague d’amour, tout le monde m’a remercié d’avoir si bien pris soin de Jean-Pierre. Ça me touche de se dire que j’ai bien fait ça, que j’étais là pour lui. Tout le monde me remercie d’être là, de ne pas lâcher prise. Cela me dérange! Parce que quand on fait ça [être proche aidante], nous nous sentons coupables de ne pas être parfaits. À plusieurs reprises, je me suis dit que je n’en faisais pas assez. Alors quand les gens me disaient ça, je me disais : « Finalement, ils étaient de l’autre côté, ils ont vu que je jouais bien mon rôle ». J’ai donné tout ce que j’avais à donner.

Comment c’était de partager Jean-Pierre avec toutes les femmes du Québec ?

[Rires] Cela ne m’a pas dérangé. Je pensais qu’il était mignon! Cela m’a fait rire que toutes les femmes du Québec l’aimaient. Je ne suis pas jaloux, je savais dans quoi je m’embarquais au début. Je savais qu’il aimait les femmes.

Je suis aussi chanteur, donc je comprends la relation entre un artiste et son public. J’ai fait des spectacles, je comprends ça. Jean-Pierre avait du charisme. Dès qu’il souriait, il illuminait toute la place. Lorsque je l’ai vu pour la première fois au Centre Bell, il souriait et il a illuminé tout le Centre Bell.

Je pensais que c’était fantastique quand nous avons fait l’album Toutes les femmes de ma vie [avec Céline Dion, Isabelle Boulay, Diane Tell, etc.]. C’était merveilleux, mais il n’en reste pas moins que c’est MOI, sa femme [rires]!

Quel genre d’amant était Jean-Pierre ?

Oh mon Dieu! [Elle est émue.] Très doux. Très amoureux. Écoute. Quand il me tenait dans ses bras, c’était merveilleux, d’une grande chaleur. On aurait dit qu’il m’aimait. Je sais que Jean-Pierre était très charmant mais quand il me regardait, on voyait dans ses yeux que j’étais la femme de sa vie. Je me sentais tellement bien dans ses bras. Il embrassait bien, c’est la chose la plus importante [rires]! Je lui ai dit au début : « Si tu n’embrassais pas bien, je serais parti. » J’aurais raté quelque chose d’extraordinaire s’il n’avait pas bien embrassé.

J’ai tout aimé dans cette partie. Il était romantique. Très doux. Il me touchait simplement le bras et je frémissais. [Elle bafouille, cherche ses mots.] C’est difficile de parler de ça. Je rentre dans mes émotions et c’est très difficile. [Elle pleure.]

Racontez-nous encore comment vous vous êtes rencontrés.

C’était à 400e du Québec, lorsqu’il chantait avec Céline Dion et Ginette Reno, sur les Plaines. Un ami claviériste m’a invité à rencontrer Jean-Pierre dans sa loge. Il m’a donné son numéro de téléphone. Un mois plus tard, Jean-Pierre m’a invité à déjeuner à Saint-Norbert un après-midi. Quand je suis arrivé, il m’a dit : « Ma Mme Simpson ! Il m’a raconté l’histoire de sa comédie musicale [sur Wallis Simpson et le duc de Windsor]. Ça a tellement cliqué ! Jean-Pierre flirtait avec moi. Il m’a fait de l’osso buco. Le même jour, il m’a demandé d’aller voir Maman Mia avec lui à New York. J’ai dit oui. Nous sommes partis trois semaines plus tard. On a passé deux jours et demi ensemble, on a cliqué, c’était merveilleux. On s’est bien amusé mais… il ne s’est rien passé ! A notre retour de New York, j’allais à Saint-Norbert toutes les deux semaines, puis toutes les semaines, puis tous les jours. Depuis, nous sommes ensemble.

Quand il chantait Tu es belle en spectacle [qu’il a écrit pour son ex, Dyane Lessard]étais-tu jaloux ?

Non, parce que j’ai toujours eu l’impression qu’il le chantait pour moi. Il me regardait du coin de l’œil, il faisait toujours un petit quelque chose, un signe, pour me dire qu’il le chantait pour moi. Il l’a chanté pour toutes les femmes, pour ne pas blesser les autres femmes [rires].

Jean-Pierre, de son vivant, savait-il ce qu’il représentait dans le cœur des Québécois ?

Je ne pense pas qu’il se serait attendu à un tel élan d’amour. Jean-Pierre a toujours eu des doutes sur son talent. Un peu moins à la fin. Mais il manquait un peu d’assurance, je ne comprends pas pourquoi. Il ne s’attendait pas à ce que ce soit tout le Québec…

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Soirées cinéma sur la Piazza Vittorio, trois mois d’événements
NEXT Valady. Jean Couet-Guichot et Gaya Wisniewski, deux artistes en résidence dans la région