pour survivre à son absence

pour survivre à son absence
pour survivre à son absence

Les pères au cinéma sont généralement soit silencieux, soit carrément absents. Cependant, dans Journal d’un père, Paul-Claude Demers affirme d’emblée sa volonté de rester le plus présent possible pour sa fille de six ans partie à l’étranger, évoquant son propre père adoptif décédé, qui l’a longtemps fait souffrir par son silence. Dans un alliage tantôt évocateur, tantôt maladroit de reconstitutions et d’archives cinématographiques, il relie sa propre histoire en parallèle à celle de tous les cinéphiles.

Le réalisateur termine ainsi, après D’où je viens (2014) et Une femme, ma mère (2019), une trilogie de documentaires personnels racontés à la première personne et constitués d’images d’archives étalées sur dix ans. Journal d’un père Cela devient cependant son premier véritable journal intime filmé, puisque Paul-Claude Demers se montre également dans son appartement montréalais, alors que sa fille est à Berlin et qu’il aimerait veiller sur elle. En voix off, il s’adresse simultanément à sa fille et à son père décédé, comme pour guérir des deux absences à la fois.

Le projet est né suite à la rupture du cinéaste avec la mère de la petite fille, une Allemande, revenue dans son pays avec la petite pour se rapprocher de sa famille, a-t-il déclaré aux médias. La séparation s’est avérée d’autant plus éprouvante qu’elle a eu lieu, tout comme le tournage du film, pendant la pandémie de COVID-19 – Paul-Claude Demers n’ayant pas pu rendre visite à sa fille aussi souvent que lui. il aurait aimé.

Beauté nostalgique

C’est pourquoi, énumérant des activités qu’il aurait voulu faire avec elle si la vie ne les avait pas séparés, il nous montre d’autres enfants dans un parc montréalais, un dispositif à la beauté nostalgique auquel s’ajoute la délicatesse de ses compositions en noir et blanc. La couleur (ou en l’occurrence leur absence) lui permet aussi de mieux juxtaposer ses propres images avec celles des cinéastes qu’il admire, notamment Ingmar Bergman et Wim Wenders. Demers aime en détourner le sens, y projetant ses désirs et ses angoisses, associant par exemple son histoire à celle de Philip Winter deAlice dans les villes.

D’autres associations, notamment dans le texte de la narration, s’avèrent cependant peu convaincantes, comme son invocation de Primo Levi ou le lien douteux qu’il fait entre la peinture rupestre et les dessins de sa fille. Idem pour l’étrange première scène du film, où une vue sous-marine abstraite suggère du liquide amniotique, tandis que Demers lit une lettre imaginaire adressée à son enfant quelques mois avant sa naissance. Mais le cinéaste assume clairement l’éclectisme de son montage, dont on apprécie le côté rêveur et la lenteur, hormis quelques longueurs.

C’est même dans le montage que réside la force du travail de Paul-Claude Demers, qui donne ici une dimension historique à son récit en intégrant des reconstitutions, réelles ou imaginées, d’archives familiales. Dans le regard paradoxalement tendre et sévère de l’acteur David Portelance incarnant son père adoptif, très distant, on reconnaît trop de pères de sa génération. Et on comprend le narrateur qui dit : « Enfant, je me sentais seule quand j’étais avec mon père. Comme lui, peut-être, avec son propre père. » Heureusement, Demers fait plus que se libérer de cette transmission douloureuse de la solitude, il s’en émancipe.

Journal d’un père

★★★

Documentaire de Paul-Claude Demers. Avec David Portelance, Jean-Guy Turbide et Brandon Grasso. Québec, 2023, 75 minutes. À l’intérieur.

A voir en vidéo

 
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