« L’Exorcisme » : le fils de l’exorciste

« L’Exorcisme » : le fils de l’exorciste
« L’Exorcisme » : le fils de l’exorciste

L’année dernière, L’Exorciste : croyant (L’Exorciste. Le croyant), une suite peu judicieuse qui tentait de reprendre là où L’Exorciste (L’Exorciste) abandonné en 1973, fut un échec coûteux. Oh surprise, voici L’exorcisme, un film indépendant faisant implicitement référence au chef-d’œuvre de William Friedkin sans jamais le nommer, entre autres pour des raisons de droits, se révèle être la suite ingénieuse qu’on n’espérait plus, aussi officieuse soit-elle. En créant une œuvre de métafiction, le cinéaste Joshua John Miller rend hommage à son père, acteur et dramaturge Jason Miller, star de L’Exorciste. Nous lui avons parlé exclusivement.

“Je n’avais pas mesuré l’ampleur du vortex qui allait m’engloutir, sur le plan psychologique, par rapport à mon père”, avoue d’emblée celui dont le précédent film, tout aussi “méta”, Les filles finalesest un hommage à sa mère, l’actrice Susan Bernard.

Pour mémoire, Jason Miller a reçu successivement le prix Pulitzer pour sa pièce Cette saison de championnatet une nomination aux Oscars pour sa composition dans L’Exorciste. Une composition qui, à certains égards, n’en était pas une… En effet, au réalisateur William Friedkin, qui lui avait proposé le rôle de Damian Karras, un jésuite ayant perdu la foi, Miller avouait avoir lui-même étudié pour devenir jésuite, avant une crise spirituelle semblable à celle du personnage l’en dissuade.

Bref, il y avait déjà une « méta » à l’œuvre entre l’acteur et le rôle dans L’ExorcisteEt L’exorcisme continue dans cette veine subliminale.

Situé dans l’univers du cinéma, le film de Joshua John Miller raconte la tentative de rédemption d’Anthony Miller, un acteur alcoolique qui vient de décrocher le rôle d’un prêtre chargé d’exorciser une jeune fille possédée. Cependant, Anthony lui-même commence à montrer des signes de possession, au grand désarroi de sa fille, Lee, qui est en désaccord avec lui.

Le film dans le film a le titre provisoire Le projet Georgetown. Note : L’Exorciste a lieu à Georgetown. « Allez-vous jouer dans un remake de… » demande Lee incrédule. « Oui », acquiesce Anthony, sans citer davantage l’œuvre originale en question. Dans ce cas, cela aurait été inutile : du début à la fin, L’exorcisme est bordé de références directes et indirectes à L’Exorciste.

La raison d’être du film de Joshua John Miller, qui l’a co-écrit avec son partenaire professionnel et de vie, MA Fortin, originaire de Montréal, est néanmoins très personnelle.

« Le film regorge d’éléments historiques précis, mais aussi d’une mythologie très intime… Mais si vous n’êtes pas prêt à investir une partie de vous-même dans vos films, à quoi bon créer ? »

Comme le dit le personnage du réalisateur dans L’exorcisme (Adam Goldberg) : « Ce n’est pas un film d’horreur, c’est un drame psychologique déguisé en film d’horreur. »

Des démons tout autour

Les composants « méta » dans L’exorcisme sont, dans l’ensemble, innombrables. Outre le protagoniste Anthony Miller, en partie basé sur Jason Miller (né John Anthony Miller), et le film dans le film, qui fait référence à L’Exorciste avec des clins d’œil et des références fortes, L’exorcisme consiste en une série vertigineuse de mises en abyme.

La possession est littérale et métaphorique. La fameuse « méthode » de jeu préconisée par de nombreux comédiens est aussi comparée, en plaisantant, à une forme de possession. Oh, et c’est Russell Crowe, star du récent L’exorciste du pape (L’exorciste du pape), soi-disant basé sur les exploits d’un véritable prêtre exorciste, qui incarne Anthony. Crowe qui, au début de sa carrière, était connu pour son approche « méthodique » du jeu… C’est sans fin.

«Ça donne le tournis», confesse Joshua John Miller. Mais quel plaisir d’en parler, hein ! Au fond, je ne pense pas qu’on choisisse les films qu’on fait. Ce sont ces histoires qui nous trouvent, et il nous suffit alors de nous y abandonner et de les suivre partout où elles nous mènent. »

Pourtant, les allusions biographiques, liées à son père, sont nombreuses, et leur inclusion a nécessité un immense lâcher prise de la part de Joshua John Miller. A ce sujet, citons ici l’acteur Jason Patric (Les garçons perdus/Génération perdue), son demi-frère, qui s’est confié à Los Angeles Times en 2011 : « Mon père avait plusieurs démons en lui, bien avant la pièce et le film, et la célébrité n’a fait que les intensifier… »

Et en effet, dans L’exorcismele protagoniste est aux prises avec des démons au propre comme au figuré, comme en témoignent ces bribes de souvenirs datant de l’époque où il était enfant de chœur…

« Le film traite aussi des traumatismes sexuels, oui. MA et moi voulions aborder ce sujet. En fait, nous voulions donner un énorme majeur, un énorme «va te faire foutre“, à l’église. C’était vraiment notre intention, car nous ne sommes pas du tout satisfaits de la manière dont l’Église a géré toutes les attaques qui ont eu lieu en son sein. Et nous ne sommes pas non plus contents que l’Église et certains hommes politiques vilipendent les gens de notre communauté. »

Un supplément queer

Ce qui nous amène à un autre aspect personnel du film, celui-ci concernant non pas Jason Miller, mais Joshua John Miller et MA Fortin.

« Le film de possession, en tant que sous-genre, est très patriarcal et hétérosexuel. C’est pourquoi, à part L’Exorciste, qui est un summum cinématographique de tous les genres, les films de possession ne m’ont jamais vraiment intéressé. Raconter une énième fois l’histoire d’un homme qui sauve une femme hystérique ne m’a jamais tenté. C’est pourquoi MA et moi voulions rendre le film de possession plus queer. »

Ceci à travers le personnage de Lee, la fille d’Anthony, qui est gay (interprété par l’interprète non binaire Ryan Simpkins, de la trilogie Rue de la peur). Aspirante dramaturge, Lee, aidée par sa nouvelle amie actrice, Blake (Chloe Bailey), est finalement celle qui sauvera son père, faux prêtre et véritable acteur tourmenté, dans une subversion du schéma traditionnel.

“C’est l’histoire d’un hétéro sauvé par deux lesbiennes, et vous pouvez me citer là-dessus”, dit Joshua John Miller en riant.

« Mais sérieusement, nous voulions canaliser notre colère de manière réfléchie. Et toute la dimension « méta » s’y prêtait, tant ce mouvement a des racines queer. »

Ici, Joshua John Miller fait référence au producteur de L’exorcismeKevin Williamson, designer en 1996 de Crier (Des frissons), un « méta » film d’horreur par excellence, qui déconstruit les codes du cinéma d’horreur et dont l’héritage se poursuit encore aujourd’hui.

« Kevin est un homme queer et il a été une grande source d’inspiration pour nous. Vous savez, MA et moi avons été confrontés à une situation très “frère» dans le système des studios hollywoodiens. Les hommes gays ont un peu plus de liberté d’action et il y a plus de diversité qu’avant, mais cette culture frère vit à Hollywood. Je ne veux pas jouer à la victime, mais il y a une marginalisation et une phobie qui persistent. En tant qu’hommes queer, nous devons travailler plus dur et parler plus fort tout le temps… MA et moi avons eu une expérience particulièrement pénible sur un projet précédent… En fait, pendant tout le temps où nous concevions L’exorcisme en hommage à mon père, je ne savais pas à quel point, sur un autre plan, je cherchais à exorciser ce traumatisme professionnel. Et c’est une bonne chose, car le problème avec le traumatisme, c’est que si vous l’ignorez, il revient vous hanter. C’est ce qui arrive à Anthony dans le film. »

Rêves et cauchemars

En ce moment, Joshua John Miller réfléchit à ce qui sera le troisième et dernier volet d’une trilogie métahorrifique réunissant Les filles finales Et L’exorcisme.

«Je pense qu’après ça, j’en aurai fini avec le métacinéma. Il faut comprendre que l’approche « méta » est très ancrée dans le passé et la nostalgie. À un moment donné, il faut faire son deuil… L’exorcisme, c’est moi qui manque le Hollywood des années 70 que je ne connaissais pas, c’est moi qui manque à mon père. »

Fin du cycle du métacinéma donc, mais pas la fin du cinéma d’horreur. Car force est de constater que Joshua John Miller est, depuis sa plus tendre jeunesse, étroitement associé au genre, en tant qu’enfant acteur, notamment dans Halloween III : La saison de la sorcière (Le sang du sorcier), Tommy Lee Wallace, et Presque sombre (Aux frontières de l’aube), le magnifique premier long solo de Kathryn Bigelow.

À cet égard, et compte tenu du contenu de L’exorcismeLorsqu’on lui demande pourquoi l’horreur se prête, mieux que tout autre genre, au jeu de la métaphore et du sous-texte, Joshua John Miller cite le regretté Mike Nichols (Le diplômé/Le gagnant ; Couleurs primaires/Couleurs primaires) : « Nichols avait autrefois cette formule que j’adore. Selon lui, les films sont des rêves que l’on n’a pas encore réalisés. Je crois que, quant à eux, les films d’horreur permettent d’exorciser les cauchemars que nous avons faits. »

Le film L’exorcisme sort en salles le 21 juin.

A voir en vidéo

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