Convainquez-moi | Northvolt sera-t-il un catalyseur d’innovation au Québec ? – .

Échangez avec le porteur d’une idée disruptive. Notre chroniqueur sera-t-il convaincu ?


Publié à 1h41

Mis à jour à 9h00

Les employés de la future usine québécoise de cellules de batteries de Northvolt se contenteront-ils de serrer des boulons pendant que la recherche et l’innovation se déroulent en Suède ?

Je caricature, bien sûr. Mais certains observateurs craignent que les milliards que nos gouvernements déploient dans le secteur des batteries ne servent principalement à soutenir les activités manufacturières. Et ils ne font pas grand-chose pour résoudre le gros problème de l’économie québécoise : son manque d’innovation.

J’ai abordé cette question dans une chronique récente1.

J’en ai depuis discuté avec Julie Beauchemin, directrice, efficacité opérationnelle, chez Northvolt. j’attrape Mmoi Beauchemin sur Équipes dans un train alors qu’elle venait de quitter la ville suédoise de Västerås, où se trouve le laboratoire Northvolt.

La coïncidence est intéressante puisque ce laboratoire est exactement le genre d’infrastructure de recherche industrielle que je rêve de voir au Québec. C’est ici que nous testons des idées, inventons des processus et générons de la propriété intellectuelle.

Non, le laboratoire suédois Northvolt ne déménagera pas au Québec. Maismoi Beauchemin m’assure que l’entreprise fera plus que du simple assemblage dans la province.

PHOTO FOURNIE PAR JULIE BEAUCHEMIN

Directrice, efficacité opérationnelle chez Northvolt, Julie Beauchemin

Nous voulons devenir un catalyseur dans la société québécoise. Nous voulons développer l’innovation, nous voulons vraiment jouer ce rôle.

Julie Beauchemin, directrice, efficacité opérationnelle, Northvolt

L’entreprise cite pour preuve un partenariat avec le programme Volt-Age de l’Université Concordia annoncé mardi. L’accord implique des échanges de chercheurs et de professionnels et des activités de recherche conjointes. L’objectif : concevoir des batteries plus vertes, plus denses en énergie et plus rapides à recharger.

«Moins d’un an après notre présence au Québec, je trouve que notre collaboration avec le programme Volt-Age est une manifestation concrète de cette volonté de pousser la recherche et de créer un vivier de talents», fait valoir M.moi Beau chemin.

J’ai appelé le chercheur qui dirige Volt-Age, le professeur Karim Zaghib. Il fait des recherches sur les batteries depuis quatre décennies. Qu’apportera ce partenariat avec Northvolt ?

«Je veux faire des recherches qui génèrent des bénéfices significatifs et utiles pour la société», répond-il. Nous voulons passer de l’idée à l’innovation, puis de l’innovation à la commercialisation et à l’industrialisation. Mais quand on est seul dans le laboratoire, on peut se tromper, on n’est pas guidé. Un grand acteur comme Northvolt peut dire : voici mes objectifs, voici mes besoins. Et nous pouvons nous y attacher. »

Le partenariat avec Northvolt offrira également des financements de recherche et des opportunités d’expérience industrielle à ses étudiants. Le chercheur prévoit également que son équipe passera de 12 étudiants actuellement à 35, voire 50. Toutefois, aucun montant n’a été annoncé dans le cadre du partenariat.

Mmoi Beauchemin indique que d’autres ententes seront conclues avec des cégeps et des universités pour former une partie des 3 000 employés qui travailleront à l’usine de cellules de batteries de McMasterville.

Au début, j’avais l’impression qu’on était un peu hors sujet ici. Si l’entreprise Northvolt souhaite contribuer à la formation des personnes qui travailleront pour elle ou ailleurs dans le secteur des batteries, tant mieux pour elle. Mais comment cela va-t-il propulser l’innovation au Québec ?

Mmoi Beauchemin fait pour moi un parallèle avec l’industrie du jeu vidéo et l’arrivée d’Ubisoft à Montréal en 1997.

« À l’époque, il n’existait quasiment aucun programme pour les gens qui voulaient y travailler », se souvient-elle. Plus de 25 ans plus tard, il existe des programmes de formation à tous les niveaux. Et ce que l’on constate, c’est que ces personnes n’ont pas travaillé uniquement chez Ubisoft. Des dizaines de studios ont été créés. Il y a l’intelligence artificielle, les technologies numériques. Cela a créé un écosystème d’innovation beaucoup plus large que ce que nous aurions pu penser au départ, et c’est grâce au fait que nous avons formé des personnes possédant ces connaissances. »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE

Locaux d’Ubisoft, à Québec

C’est un point intéressant. Il reste à voir si la formation des opérateurs et des techniciens aura un effet similaire à celle des programmeurs.

Julie Beauchemin affirme que les batteries sont une technologie en plein développement et qu’on aura besoin de gens en recherche et développement à l’usine de McMasterville, et pas seulement en Suède.

« Ce que nous avons appris en Suède, c’est que nous avons besoin de proximité entre les chercheurs et la production. […] Est-ce que ce seront des chercheurs suédois qui viendront ici ? Est-ce que des Québécois iront se former en Suède et reviendront au lancement du produit ? Nous ne le savons pas encore », a-t-elle déclaré.

Northvolt a également réitéré sa volonté de s’approvisionner auprès de fournisseurs locaux, tant en matières premières qu’en équipements. “Mais il y a des normes qui seront exigées”, prévient M.moi Beau chemin. Cela rejoint le message qu’Investissement Québec transmet aux entrepreneurs québécois et dont j’ai fait état dans ma chronique précédente. Un message qui disait : préparez-vous !

Verdict?

Il y a quelques éléments intéressants dans ce que rapporte Mmoi Beauchemin et moi sommes les premiers à espérer que Northvolt et les autres multinationales du secteur des batteries sauront tisser des liens avec les chercheurs d’ici et propulser l’innovation au Québec. Cependant, je sais qu’entre les intentions avancées par les entreprises étrangères et la réalité, il y a souvent un écart. Dans les années 1980, le gouvernement canadien a adopté des règles en matière de brevets favorables aux sociétés pharmaceutiques en échange de la promesse qu’elles investiraient ici 10 % de leurs revenus en recherche et développement. Cependant, l’industrie n’a jamais respecté sa part de l’engagement. Dans le secteur des batteries, il n’y a pas d’exigences ni même d’objectifs similaires à atteindre. C’est donc une profession de foi complète que nous faisons à l’égard de Northvolt et compagnie. Il me semble qu’avec les milliards publics accordés en aide financière, nous aurions pu parvenir à des accords solides au lieu de ce saut dans le vide.

1. Lisez la chronique « L’industrie des batteries sera-t-elle un moteur de l’innovation ? »

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