La Presse en France | Ciel orageux pour des élections incertaines – .

Alors que les Français votent ce dimanche au premier tour de législatives sous haute tension, notre chroniqueuse Laura-Julie Perreault sillonne la France, de la Côte d’Azur à la Bretagne, pour s’entretenir avec des électeurs et des politiques portés par les extrêmes. Ou pas. Aujourd’hui, les craintes des Marseillais d’horizons divers.


Publié à 1h32

Mis à jour à 5h00



(Marseille) Des rubans de vent soulèvent la poussière sur la place Jean-Jaurès, rappelant qu’un avis de tempête est en vigueur. Mais c’est une autre tempête, politique celle-là, que redoute Carla Tavares alors qu’elle fait ses courses pour le mariage de sa fille, qui aura lieu en août.

«J’ai peur que si Marine [Le Pen] et sa victoire au Rassemblement national, elle voudra se débarrasser des noirs et des arabes dont elle parle tout le temps. Elle va tous nous jeter dehors», déclare cette mère de quatre enfants, originaire d’Angola, citoyenne portugaise, mais résidente de Marseille depuis plus de 25 ans.

Elle estime que le sujet mérite plus qu’une conversation au coin d’une table et, chargée de ses nouveaux rideaux, elle m’invite à prendre un verre dans un café-bar attenant à la place.

A la veille du premier tour des élections législatives, elle a beaucoup de choses en tête.

PHOTO LAURA-JULIE PERREAULT, LA PRESSE

Carla Tavares vit en France depuis plus de 25 ans, mais n’a pas le droit de voter. Elle craint que le Rassemblement national ne remporte les élections législatives.

Le plus dur, c’est que je n’ai pas mon mot à dire. J’ai toujours travaillé, je paie des impôts et je n’ai pas le droit de vote, donc je suis à la merci du choix des Français.

Carla Tavares, habitante de Marseille

Ils sont nombreux dans son cas à Marseille. Les statistiques officielles estiment que 10 % de la population de la grande ville provençale est d’origine immigrée, mais il suffit d’y passer quelques heures pour constater que la diversité est bien plus grande dans le centre-ville. Et cela se vérifie sur le marché de la place Jean-Jaurès où les commerçants venus du Maghreb se bousculent avec les vendeurs venus d’Afrique subsaharienne. Parmi eux, on retrouve bon nombre de citoyens français, mais aussi des travailleurs avec permis de travail et des immigrés sans papiers.

L’image déformée des immigrés

Carla Tavares, qui a également vécu à Lisbonne, a élevé ses enfants dans cette « ville d’immigrés », comme elle appelle affectueusement Marseille. Elle travaille depuis un quart de siècle comme cuisinière dans une maison de retraite, un métier qu’elle adore. Aujourd’hui, elle craint de tout perdre si le Rassemblement national prend le contrôle de l’Assemblée nationale après le second tour, qui aura lieu le 7 juillet.

PHOTO LAURA-JULIE PERREAULT, LA PRESSE

L’histoire et le graffiti cohabitent à Marseille. Ici, près de la place Jean-Jaurès.

Quand elle écoute les politiques de ce parti parler des étrangers qui vivent en France, elle ne se reconnaît pas. « Je n’ai jamais eu accès au logement social. Je ne reçois pas un centime d’aide publique », dit-elle. Notre voisine de table s’en mêle. « Même chose pour moi », constate Linda Charni, qui ne supporte plus qu’on parle des immigrés comme de sangsues asséchant le système social français. « Si nous n’étions pas là, qui s’occuperait des personnes âgées ? Des malades ? La France a besoin de ses immigrés », affirme la Franco-Tunisienne, qui travaille avec de jeunes enfants.

Cette dernière, qui possède la double nationalité, compte utiliser son droit de vote pour soutenir le Nouveau Front populaire, la coalition de gauche qui regroupe socialistes, écologistes et candidats de La France insoumise. Dans les derniers sondages publiés à la veille du premier tour, cette coalition arrive en deuxième position derrière le Rassemblement national.

PHOTO LAURA-JULIE PERREAULT, LA PRESSE

Les affiches du Front populaire, la coalition faîtière de la gauche, prennent des allures festives à Marseille.

Une confrontation féroce entre la droite radicale et la gauche est attendue au second tour. Les appels à un retrait des politiques proches d’Emmanuel Macron au profit de la gauche au second tour ont déjà été entendus avant même que les Français ne se rendent aux urnes pour la première fois. Jusqu’à présent, ils sont restés sans réponse.

« Ce sera la guerre »

Ancien camionneur reconverti en chauffeur Uber – « pour voir grandir mon petit dernier » – Mohammed Macchi estime que, quoi qu’il arrive, un Rassemblement national au pouvoir, avec le jeune Jordan Bardella au poste de premier ministre, n’aurait pas les coudées franches.

PHOTO LAURA-JULIE PERREAULT, LA PRESSE

Mohamed Macchi

« S’ils sont élus, ils se rendront vite compte qu’ils ne peuvent pas mettre en œuvre une bonne partie de leurs idées », estime le Français d’origine algérienne. Pour des raisons budgétaires, par inexpérience politique, mais aussi parce que la société civile ne courbera pas l’échine, surtout si le Rassemblement national remet en cause le droit du sol, qui permet aux enfants d’immigrés d’obtenir la nationalité française, ou s’il adopte des lois discriminatoires à l’encontre des binationaux, comme le prévoit le programme du parti.

« Ici à Marseille, s’il y a une provocation venant de Paris, il y aura des émeutes. Nous l’avons vu dans le passé», prédit-il.

“Ce sera la guerre”, assure Carla Tavares, espérant que la France qu’elle aime, le Marseille qu’elle aime, n’y ira pas.

Marseille

  • Population : 1,6 millions d’habitants
  • Parti élu aux élections législatives de 2022 (1concernant circonscription) : La République en marche (Macron)
  • Parti dominant aux élections européennes de 2024 (1concernant circonscription) : Liste de Jordan Bardella et Marine Le Pen (RN)
  • Pourquoi sommes nous ici? Avec de fortes communautés immigrées, Marseille est très divisée politiquement. Dans l’ensemble, la ville penche plutôt à gauche.
 
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