Too Good To Go se confie

En Suisse, l’application Too Good To Go est utilisée par deux millions de personnes. Image : imago

Mette Lykke dirige Too Good To Go, l’entreprise danoise qui lutte contre le gaspillage alimentaire. Elle nous explique ce qui fonctionne le mieux en Suisse et comment elle compte développer son activité.

Benjamin Weinmann et Pascal Michel / ch média

En Suisse, le gaspillage alimentaire atteint des sommets alarmants. Chaque jour, des sandwichs, des pommes et des yaourts, encore comestibles ou légèrement périmés, sont jetés. Selon l’association Foodwaste.ch, un tiers de la nourriture est perdue tout au long de la chaîne alimentaire, reliant les champs à notre réfrigérateur. Cette situation soulève des questions cruciales sur notre gestion des ressources alimentaires et les mesures nécessaires pour réduire ce gaspillage.

Fondée en 2015, la société danoise Too Good To Go a pour mission de lutter contre le gaspillage alimentaire. Son concept innovant repose sur une application permettant aux consommateurs de localiser les commerces à proximité qui revendent leurs invendus à prix réduit. La particularité réside dans le fait que le contenu du sac reste une surprise, ajoutant une touche d’enthousiasme à cette démarche écologique et économique.

Mette Lykke, PDG de Too Good To GoImage : docteur

A la tête de Too Good To Go depuis 2018, Mette Lykke, 42 ans, dirige une entreprise en pleine expansion, présente en 17 pays européens et les États-Unis. Avec 95 millions de membres inscrits et 160 000 entreprises partenaires, l’entreprise continue de croître. Dans une interview exclusive, la PDG dévoile sa stratégie et les ambitions futures de cette initiative innovante contre le gaspillage alimentaire.

Quel a été votre dernier achat via l’application ?
Mette Lykke : La semaine dernière, j’ai acheté un sac de pâtisseries dans une boulangerie biologique locale ici à Copenhague. Je fais aussi souvent mes courses au supermarché avec notre application, où je reçois un panier rempli de fruits et légumes.

Et vous avez mangé toutes les pâtisseries ou est-ce que certaines ont quand même fini à la poubelle ?
J’ai tout mangé. Et si je ne veux pas en finir, c’est très simple de conserver les pâtisseries au congélateur.

C’est peut-être possible avec des pâtisseries. Mais vos clients ne savent pas toujours ce qu’ils recevront dans leur panier. C’est probablement l’un des inconvénients du concept Too Good To Go.
Personne ne peut prédire les excédents avec précision. En tant que commerçant, vous ne savez pas ce qui restera à six heures du soir, s’il s’agira d’un sandwich au saumon ou d’une portion de pâtes. C’est pourquoi une certaine flexibilité reste indispensable lors de la composition des packages.

Mais alors, votre application ne fait-elle pas simplement déplacer le problème du gaspillage ?
Nous nous sommes bien sûr déjà posé cette question et avons chargé une université de l’analyser pour y répondre.

« L’étude conclut que moins de 10 % du contenu des paniers Too-Good-To-Go finit à la poubelle »

Un panier surprise Too Good To GoImage : imago

Vos clients ne cherchent-ils pas simplement à faire de bonnes affaires plutôt que d’atteindre des objectifs durables ?
C’est probablement un mélange des deux. Pour de nombreuses personnes, la durabilité est une motivation clé. Cela n’a aucun sens de jeter des aliments frais. Mais vous avez raison, faire une bonne affaire est toujours apprécié. Cela s’est encore confirmé récemment avec l’inflation.

Cela signifie-t-il que vous profitez de cette inflation ?
La demande pour nos paniers a certainement augmenté avec l’inflation.

« Le contenu de nos paniers surprises est en moyenne 70% moins cher que le prix initial »

En quoi la Suisse se distingue-t-elle des autres marchés sur lesquels vous êtes présent ?
Ce qui ressort, ce sont les prix élevés. Dans le domaine alimentaire, la Suisse a des prix plus élevés que nos autres marchés. Malgré cela, nous n’observons pas de grandes variations dans le comportement d’achat des consommateurs.

Combien gagne-t-on sur un panier à dix francs, par exemple ?
Cela reste confidentiel. Mais nous ne réalisons un bénéfice que lorsque les paniers sont effectivement vendus.

Le fait est que vous réalisez des bénéfices en vendant ces invendus. Vous pouvez simplement les donner à des associations caritatives qui les distribueraient aux personnes dans le besoin.
La plupart de nos partenaires ne disposent que de l’équivalent de deux ou trois repas supplémentaires en fin de journée.

«D’un point de vue purement logistique, il ne serait pas judicieux de traverser toute la Suisse pour récupérer les marchandises de 7’500 magasins.»

Les œuvres caritatives ne sont donc pas une option dans la majorité des cas car les quantités sont trop faibles.

Les supermarchés pourraient être une exception.
De nombreux supermarchés avec lesquels nous travaillons vendent des produits sur Too Good To Go qui ne peuvent pas être donnés. Par exemple, des plats chauds. Il serait difficile de garantir la sécurité alimentaire lors du transport de tels produits.

Mette Lykke utilisant l'application Too Good To Go

Mette Lykke utilisant l’application Too Good To GoImage : imago

Alors comment contribuer concrètement à réduire le gaspillage alimentaire ?
Chaque seconde, 80 000 kilos de nourriture encore intacte finissent à la poubelle. Nous économisons quatre kilos par seconde. Quatre kilos sur 80 000 ! On continue donc à gaspiller beaucoup.

« Notre système alimentaire est extrêmement inefficace. C’est pourquoi d’autres solutions sont nécessaires »

Les supermarchés et les fabricants de produits alimentaires ont tendance à pointer du doigt les consommateurs en matière de gaspillage alimentaire. Selon vous, où se situe la responsabilité de l’industrie ?
Tout le monde doit s’améliorer, des fabricants aux détaillants en passant par les restaurateurs. L’objectif des Nations Unies est de réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici 2030. De nombreuses entreprises se sont engagées à atteindre cet objectif. Cependant, la prévision des ventes reste un défi majeur. L’intelligence artificielle peut certes aider, mais elle ne pourra jamais dire à une boulangerie suisse combien elle vendra un mardi pluvieux.

Où votre application est-elle la plus utilisée ? Dans les supermarchés, les restaurants ou les petits magasins ?
Il est assez bien réparti, avec un tiers pour chacune de ces catégories.

L'application Too Good To Go

L’application Too Good To GoImage : imago

Et qui sont vos partenaires les plus populaires en Suisse ?
Les paniers les plus appréciés sont ceux que l’on peut réserver dans les grandes surfaces, notamment les produits raffinés de Manor et Globus, mais aussi ceux des boulangeries et des sushis. En Suisse, nous travaillons avec des chaînes renommées telles que Starbucks, Pret A Manger, Coop, Migros, Alnatura et plus récemment Denner. Mais aussi avec des hôtels comme Marriott et des restaurants comme Hitl et Tibits.

Et combien de membres avez-vous gagné en Suisse au cours des deux dernières années ?
En Suisse, nous comptons deux millions d’utilisateurs d’applications. Il y a deux ans, ils étaient encore 1,5 million. Le nombre de partenaires est passé de 6 200 à 7 500. Ce sont des chiffres plutôt bons compte tenu de la taille du pays et de sa population. Mais bien sûr, nous aimerions faire plus.

Où voyez-vous encore un potentiel de croissance en Suisse ?
Il y a quelques mois, nous avons lancé une nouvelle plateforme, spécialement conçue pour les commerçants, afin qu’ils puissent mieux vérifier les produits frais approchant de leur date de péremption. Nous envisageons également de proposer ce service en Suisse. Grâce à l’intelligence artificielle, nous pouvons également leur recommander la remise optimale.

Et envisagez-vous également des opportunités de croissance à l’international ?
Actuellement, nos principaux marchés sont la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. À l’avenir, les États-Unis devraient devenir un marché crucial, simplement en raison de leur taille.

Les boulangeries y sont plus rares qu’en Europe…
…Oui, mais d’un autre côté, il y a beaucoup de points de vente de beignets ! (Rires.) De plus, nous allons lancer à nouveau en Australie cette année.

A-t-on déjà parlé de la possibilité pour les clients privés de proposer également leurs restes sur l’application ?
Nous y avons déjà réfléchi, mais ce n’est pas notre priorité pour le moment.

Qu’en est-il de la facilité d’utilisation ? Aujourd’hui, les clients de Too Good To Go doivent récupérer leur panier dans un délai de 15 à 30 minutes, ce qui n’est pas toujours idéal.
Nous discutons régulièrement avec nos partenaires pour voir s’ils peuvent prolonger la période de reprise. Cependant, de nombreuses entreprises sont confrontées à une pénurie de personnel et cherchent à maximiser leurs marges grâce à des ventes régulières.

“L’équilibre financier reste leur priorité”

Et un service de livraison ?
Un service de livraison coûte très cher. C’est pourquoi nous y renonçons actuellement.

Votre système exclut les personnes qui ne possèdent pas de smartphone. Est-ce que cela va continuer ?
Oui. Nous avions un site Internet depuis un moment, mais il ne fonctionnait pas bien. L’application est la base de notre modèle commercial.

Et quand générera-t-il des bénéfices ?
Ce que je peux vous dire pour l’instant, c’est que notre chiffre d’affaires a augmenté de 42% en 2023. Et l’activité ne sera bientôt plus déficitaire.

Comment lutter contre déchets alimentaires

  • Pas d’achats inutiles : jetez un œil au réfrigérateur avant de faire vos courses.
  • Planifier les achats : établir un menu et une liste de courses.
  • Privilégiez les produits frais : privilégier les produits frais achetés plus souvent et de manière plus ciblée. C’est mieux que de gros achats hebdomadaires qui ne peuvent ensuite être consommés.
  • Mobilisez vos sens : testez les produits périmés avant de les jeter. La plupart du temps, les produits restent comestibles au-delà de la date de péremption.
  • Utiliser des outils pour lutter contre le gaspillage alimentaire : des applications comme Too Good to Go permettent de conserver des aliments et de les consommer à moindre coût.
  • Éliminez correctement les déchets : ne jetez pas les déchets alimentaires avec les eaux usées. L’extraction à la station d’épuration nécessite de l’énergie supplémentaire.

source : WWF

L’actualité en Suisse est ici

(Adaptation française : Valentine Zenker)

 
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