L’histoire ne se répète pas, mais les investisseurs se répètent, surtout récemment. Leur refrain continue, les marchés sont à l’arrêt mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose.
J’ai pris l’habitude de choisir une chanson pour présenter mes chroniques financières. Ce rituel, que je pratique depuis des années, me permet de prendre du recul par rapport aux événements et de les envisager sous un autre angle. La musique adoucit les mœurs, dit-on. Je ne sais pas si cela s’applique à ceux des marchés, mais ce mois-ci, je suis tenté de monter les décibels pour calmer leur humeur interne. Et j’ai choisi le classique « Same Old Song and Dance » d’Aerosmith pour m’accompagner dans cette revue.
Il faudra revenir pour la douceur, je vous l’accorde, mais je n’ai rien trouvé de plus évocateur pour décrire cette sorte de schéma répétitif dans lequel les marchés semblent évoluer depuis deux ans. “Banques centrales, aïe, aïe, aïe, chiffres économiques, rien ne va plus, saison des résultats, c’est reparti.” Les quarts défilent au rythme de ce refrain. Et nous, investisseurs, devons continuer à danser. La soirée se prolonge, il faut le dire, mais les marchés montent.
Du côté des Bourses, le pogo a eu du mal à redémarrer en octobre. Le marché américain, éternellement en mouvement, parvient à arracher quelques points de base, le SMI et le Nikkei suivent le rythme avec lenteur, tandis que l’Eurostoxx trébuche. Au marché chinois, il restait au bar. Alors qu’en septembre elle renaît de ses cendres après un traitement de liquidité, elle semble aujourd’hui retomber dans ses anciennes habitudes (du moins du point de vue de l’investisseur occidental).
Les phases où les marchés errent et où les investisseurs tournent en rond sont tout aussi importantes que celles où la direction est claire.
Il est déjà difficile de trouver des explications lorsque les marchés bougent (les mouvements des indices résultent de millions d’interactions entre acteurs du marché, dont une grande partie sont pilotées par des algorithmes), mais nous trouverons quelques gros titres pour leur donner un sens), mais alors quand rien arrive… eh bien, je réactiverais les décibels pendant un moment.
Plus sérieusement, si les marchés boursiers ont manqué d’actions, c’est parce que l’actualité manquait de nouveauté. Des baisses de taux attendues depuis longtemps sans pénurie de liquidités, des résultats d’entreprises un peu moins flamboyants mais sans surprises, des chiffres économiques qui ne réconfortent ni les prévisionnistes optimistes ni les prophètes de récession. Même en ce qui concerne les élections américaines, les choses deviennent de plus en plus chaudes. Heureusement, les banques américaines, qui ont toutes enregistré des bénéfices au troisième trimestre 2024, ont pimenté l’actualité en prédisant un avenir morose pour la Bourse.
Pour plus d’adrénaline, il a fallu se tourner vers les marchés obligataires (si quelqu’un m’avait dit un jour que j’écrirais cette phrase !). Les tarifs montent, enfin ils baissent, enfin tu me comprends. Le jeu mensonger entre gestionnaires obligataires et banquiers centraux continue. Lorsqu’ils nous ont dit en début d’année qu’ils prendraient leur temps, le marché obligataire tablait sur six baisses de taux. Maintenant que les banques centrales laissent entendre que nous sommes à quelques centaines de points de base au-dessus des taux neutres, le marché se dirige dans l’autre direction. Les « bond justiciers » se sont transformés en syndicalistes, semble-t-il.
Les phases où les marchés errent et où les investisseurs tournent en rond sont tout aussi importantes que celles où la direction est claire. Premièrement, ils sont le symptôme d’une digestion profonde : un écosystème financier qui traite l’information est un bon signe. C’est bien mieux qu’une allocation hâtive de capitaux. Ensuite, cela nous permet, à nous investisseurs, de faire le point sur nos stratégies. Enfin, lorsque les marchés les plus populaires offrent moins de perspectives, notre attention peut se tourner vers d’autres parties de l’écosystème à la recherche d’alpha ou de signaux.
Les marchés des matières premières, reflet de la demande mondiale et baromètre géopolitique, en sont un bon exemple. Le fait qu’ils n’aient pas connu d’excès en octobre est plutôt rassurant. Ou encore la résilience de l’or, qui profite de toutes les incertitudes et surperforme la Bourse depuis le début de l’année. Ou enfin le regain de vitalité des cryptomonnaies qui mérite toute notre attention. En attendant de retrouver Satoshi, on peut compter sur Trump.
Certes, depuis peu, les classes d’actifs ont tendance à se re-corréler, mais les sources de rendement restent abondantes, tout comme les poches de valeur qui peuvent être exploitées pour constituer des portefeuilles structurellement diversifiés. Et c’est une bonne chose pour les investisseurs. La même vieille chanson – celle des marchés ou celle d’Aerosmith, à vous de choisir – nous accompagnera sûrement durant les prochains mois mais au moins on pourra danser sur plusieurs pieds.