Comment la Suisse envisage de lutter contre la pénurie de main-d’œuvre

Comment la Suisse envisage de lutter contre la pénurie de main-d’œuvre
Comment la Suisse envisage de lutter contre la pénurie de main-d’œuvre
>>>>

La pénurie de personnel est particulièrement marquée dans le secteur de la santé.

clé de voûte


Selon diverses études, il manquera plusieurs centaines de milliers de personnes sur le marché du travail suisse d’ici 2040. Comment pouvons-nous garantir que les trains circulent et que les hôpitaux continuent de fonctionner ? Le débat s’est engagé sur le rôle qui incombe à l’État pour anticiper cette pénurie.

Ce contenu a été publié sur

1er mai 2024 – 09h08

C’est une réalité qui frappe le marché du travail depuis la fin de la pandémie de coronavirus. De nombreuses entreprises ont du mal à recruter du personnel pour répondre à une forte demande. Si, ces derniers mois, l’inflation a quelque peu atténué la reprise économique post-Covid, et par conséquent le besoin de main d’œuvre, plus de 110 000 postes de travail étaient encore vacants fin 2023, selon les derniers relevés.Lien externe de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Et le phénomène ne devrait que s’intensifier. Selon les fédérations faîtières de l’économieLien externeil devrait y avoir une pénurie de près de 430 000 personnes sur le marché du travail en 2040, principalement en raison de l’évolution démographique.

L’arrivée des jeunes ne pourra pas compenser les départs à la retraite des travailleurs de la génération dite du « baby-boom ». D’autres études, comme celle de l’association Employés Suisse, dressent un tableau beaucoup plus sombre. On estime qu’en 2035, près de 1,2 million de paires d’armes pourraient manquer sur le marché du travail suisse.

Les autorités suisses admettent que les entreprises vont se faire de plus en plus concurrence pour attirer des travailleurs. Ils appellent toutefois à la prudence avec ces chiffres et à ne pas dramatiser la situation.

« Cet effet démographique a été et sera probablement atténué dans une certaine mesure par l’immigration. D’une manière générale, il n’est pas facile d’extrapoler la situation sur le marché du travail, qui est en constante évolution», souligne Françoise Tschanz, porte-parole du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO).

Une approche libérale

Au niveau mondial, il n’existe pas non plus de statistiques détaillées sur l’ampleur du phénomène et son évolution future. Il n’en reste pas moins que de nombreux pays, et pas seulement occidentaux, devront retrousser leurs manches pour combler les postes laissés vacants par la transition démographique et le vieillissement de la population.

« Jusqu’à présent, ce problème concernait principalement les pays riches. Mais le manque de main d’œuvre commence à devenir un défi pour certains pays émergents, souligne Ekkehard Ernst, chef de la division macroéconomie à l’Organisation internationale du travail (OIT) à Genève. Je pense notamment à la Chine, qui peine à trouver des travailleurs pour son secteur agricole. Avec le vieillissement de la population mondiale, ce phénomène va inévitablement s’aggraver.»

Aux yeux du gouvernement suisse, aucune intervention particulière de l’État n’est nécessaire pour éviter des pénuries dans des secteurs clés de l’économie comme la santé, l’énergie ou les transports.

« Le marché du travail fonctionne très bien. La formation professionnelle en alternance est un atout particulier, car elle s’adapte en permanence aux besoins des entreprises. En outre, le niveau de formation est élevé en Suisse et il a encore augmenté ces dernières années», précise Françoise Tschanz.

Cette approche résolument libérale et optimiste a jusqu’à présent plutôt bien réussi en Suisse. Mais cela n’a pu aboutir que grâce à l’apport massif de main-d’œuvre immigrée, principalement en provenance des pays de l’Union européenne.

Depuis 2002 et l’entrée en vigueur de la libre circulation des personnes, la population du pays a augmenté de 20% pour atteindre 9 millions de personnes. Une croissance démographique fulgurante et sans précédent en Europe.

>> A revoir : notre débat sur la croissance démographique en Suisse et ses conséquences politiques :

Plus

>>
>
>

Plus

«La Suisse devra réfléchir à une politique migratoire moins centrée sur les pays voisins»

Ce contenu a été publié sur

03 juillet 2023

La population suisse croît beaucoup plus vite que partout ailleurs en Europe. Nous en avons discuté avec deux experts de la question.

Lire la suite «La Suisse devra réfléchir à une politique migratoire moins centrée sur les pays voisins»

Aider les familles et mettre les seniors au travail

Toutefois, la plupart des spécialistes s’accordent à dire que la concurrence internationale pour attirer une main-d’œuvre qualifiée va s’accentuer dans les années à venir. Et malgré ses salaires élevés et un cadre de vie apprécié des expatriés, la Suisse n’est pas la mieux placée dans cette course pour attirer les meilleurs bras et cerveaux, estime Rafael Lalive, professeur à l’Université de Lausanne et spécialiste du marché. travail.

« Nous ne sommes pas compétitifs sur la qualité de l’accueil des familles. La France, l’Allemagne et l’Italie disposent de systèmes de garde d’enfants beaucoup plus efficaces. La Suisse se prive ainsi d’un potentiel de main-d’œuvre qui deviendra encore plus important à l’avenir, celui des femmes qualifiées avec enfants», souligne l’experte.

Aux yeux de Rafael Lalive, l’État devrait jouer un rôle bien plus important en soutenant la politique familiale, que certains qualifient aujourd’hui de parent pauvre de la politique sociale en Suisse.

Parallèlement, le spécialiste du marché du travail réclame un relèvement souple de l’âge de la retraite, notamment pour les personnes exerçant des métiers sans contraintes physiques. Bien qu’impopulaire, cette mesure, déjà prise par de nombreux pays, permettrait de combler une grande partie de l’offre manquante sur le marché du travail.

De Google à la transition énergétique

Partisan du non-interventionnisme, le SECO estime pour sa part que le progrès technologique permettra aux entreprises d’atteindre les mêmes performances avec moins de main d’œuvre.

Un postulat qui ne convainc pas Ekkehard Ernst. « C’est un peu l’histoire du serpent qui se mord la queue. Moins nous avons de main d’œuvre disponible, moins nous avons la possibilité d’investir dans des technologies qui améliorent la productivité », souligne l’économiste du BIT.

En période de pénurie, la répartition de la main d’œuvre qualifiée entre les différentes activités économiques devient un enjeu crucial. «Au cours des 15 dernières années, les nouvelles technologies ont été principalement développées dans des domaines où elles n’ont pas d’impact positif important sur les plans économique, social et environnemental», souligne Ekkehard Ernst. Pensez simplement à des applications telles que Facebook, Instagram ou TikTok. A l’inverse, dans la construction par exemple, nous sommes revenus au même niveau de productivité que dans les années 1950.»

L’État devrait-il donc par exemple obliger les ingénieurs zurichois à œuvrer à une meilleure isolation des bâtiments plutôt qu’au développement des algorithmes de Google ?

« La liberté de choisir sa profession est un droit fondamental. L’État ne peut intervenir qu’en dernier recours pour allouer de la main d’œuvre là où elle manque cruellement, comme ce fut le cas pour faire fonctionner les hôpitaux pendant la crise du Covid », note Rafael Lalive.

Agir sur l’attractivité du poste

En revanche, ajoute Ekkehard Ernst, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer en mettant en place des incitations – et des taxes – visant à réorienter les activités marchandes, et donc la main d’œuvre, là où cela est nécessaire.

« Dans des projets d’infrastructures ou de mobilité par exemple, nous pourrions ainsi intégrer davantage et bénéficier de l’expertise des géants de la tech sans que l’État soit contraint de contrôler en détail l’économie et son marché du travail. », souligne l’économiste du BIT.

Et lorsque l’État fixe lui-même les conditions de travail, comme c’est le cas dans les secteurs de la santé ou des transports publics, il peut aussi influencer l’attractivité du poste.

« Nous devons offrir des salaires plus élevés et des conditions de travail plus flexibles, notamment aux femmes. Cela a certainement un coût : personne n’aime payer plus cher son titre de transport ou ses primes d’assurance maladie. Mais ces mesures sont, en fin de compte, les seules qui puissent répondre efficacement à la pénurie de main-d’œuvre dans ces secteurs », note Rafael Lalive.

Texte relu et vérifié par Pauline Turuban

Vous avez aimé cet article et souhaitez recevoir une sélection de nos meilleurs contenus directement dans votre boîte mail ? Abonnez-vous à nos différentes newsletters.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV le tireur ne s’est pas occupé de ses affaires en tirant sur un groupe de jeunes
NEXT Klaus Schwab, le fondateur du Forum économique mondial de Davos, recule