La projection de trois films du 8 au 10 septembre dans le cadre du Festival Shalom Europa a été annulée ce vendredi 6 septembre, une décision confirmée dans un communiqué le jour même par Stéphane Libs, directeur des cinémas Star de Strasbourg.
L'édition prévue en juin avait déjà été reportée pour « raisons de sécurité », par crainte des répercussions en France de la guerre entre Israël et le Hamas ainsi que des tensions provoquées par le sort des victimes civiles et la catastrophe humanitaire à l'œuvre dans la bande de Gaza.
Des menaces directes et anonymes ont été proférées par téléphone jeudi aux cinémas Star. En conséquence, sa direction a décidé d'annuler les projections, a indiqué Stéphane Libs, contacté dans la journée : « Cela a pris des proportions que nous ne pouvons plus contrôler. »
Des groupes ont lancé une campagne en ligne contre le festival
Plusieurs groupes avaient auparavant appelé sur leurs réseaux sociaux à l’annulation des projections. Le Comité Palestine-Unistras, Jeune garde Strasbourg, AE-Alternative Étudiante Strasbourg et Marches Palestine 67 ont partagé le message suivant : « En plein génocide en Palestine, le cinéma Star accueille le festival du film israélien ». Ce message largement partagé était accompagné d’un appel à participer à une campagne de mailing pour exiger son annulation.
« La décision d'annuler a été prise afin de ne pas ajouter de violence au contexte tendu et de protéger les employés et le public », a déclaré les Cinémas Star.
Ils affirment, s’il en était besoin, leur ouverture d’esprit : « Nous offrons un espace protégé pour réfléchir sur le monde. Nous sommes un lieu où l’on peut prendre conscience et dénoncer les inégalités, les injustices, les oppressions et la violence sous toutes ses formes. La ligne éditoriale des cinémas Star a permis jusqu’à présent d’accueillir le Festival du film palestinien et le Festival du film israélien. » Le Festival du film palestinien a lieu en avril.
L’équipe de Shalom Europa s’est dite « découragée » vendredi. Le festival a publié son propre communiqué en fin de journée : « Le cinéma Star subit une montée de tensions désolante du fait de son implication dans l’accueil de cet événement. Acteur culturel local de premier plan, ce même établissement strasbourgeois est pourtant reconnu pour offrir une diversité de points de vue et de sensibilités culturelles. » Et d’ajouter : « En cette veille du 7 septembre, 11 mois jour pour jour après les attentats du Hamas en Israël, le comité Shalom Europa exprime sa profonde tristesse et son désarroi face à cette situation qui empêche tout espace de dialogue artistique et culturel autour du cinéma israélien, et qui met en danger la liberté d’expression artistique. »
L'annulation à son tour dénoncée
Les réactions dénonçant cette annulation se sont multipliées sur les réseaux sociaux. Franck Leroy, président de la Région Grand Est, a réagi officiellement, fustigeant les « quelques associations qui se disent 'pro-palestiniennes' ». Estimant qu'elles ciblent les mauvaises personnes, il a souligné les points suivants : « À l'heure où certains font taire la voix des femmes en Afghanistan, à l'heure où des cinéastes et des artistes sont emprisonnés, torturés et assassinés en Iran, il est inconcevable pour moi qu'en 2024, en France, pays de la liberté d'expression, à Strasbourg, capitale des droits de l'homme, on cède aux extrémistes. »
Un cinéma israélien indépendant qui agit souvent comme un contre-pouvoir
« Shalom », souvent utilisé comme une forme de « salutation », signifie « paix » en hébreu. Depuis 16 ans, le festival Shalom Europa démontre la vitalité d’un cinéma israélien indépendant, pas vraiment complaisant à l’égard du gouvernement et souvent en contre-pouvoir. Il est porté par une équipe de cinéphiles qui entendent montrer à Strasbourg des films pour la plupart inédits et qui font venir des réalisateurs et des acteurs. En 2008, la première édition de Shalom Europa s’est ouverte avec cette première projection, Valse avec Bachir un film d'animation d'Ari Folman, sur le massacre de Sabra et Chatila.
