Camille et Benjamin Allamargot, deux enseignants bayonnais, disent « naviguer à vue ». Depuis sept ans, ce couple d’une trentaine d’années vit et travaille à Mayotte, dans la petite ville de Tsingoni. Il a été affecté au lycée et elle au collège. « Nous ne souhaitions pas débuter notre carrière à Versailles ou à Créteil, explique Camille.
Chaque année, ils ne reviennent en France métropolitaine que deux fois. Ce jeudi 12 décembre, deux jours avant l’arrivée du cyclone Chido, qui a semé la mort et le chaos dans l’archipel d’outre-mer, ils étaient dans l’avion. Direction France.
« Nous avions réservé ce billet depuis longtemps, poursuit Camille. Quand nous sommes partis, nous ne savions pas qu’un tel cyclone allait arriver. Nous avons laissé les tables et les chaises dehors, comme d’habitude. D’autres sont repartis le lendemain, sans plus d’informations. Les phénomènes météorologiques intenses sont fréquents à Mayotte. Nous n’avons jamais connu un cyclone d’une telle intensité. »
Désormais à Bayonne, Camille et Benjamin cherchent chaque jour à découvrir et aider la population mahoraise, dans une « anxiété » et une « incertitude » renforcées par des moyens de communication plus qu’instables.
A la recherche de réseau
« Quand on a 3 minutes de connexion avec quelqu’un, c’est déjà énorme, souffle Camille. Joint ce 17 décembre par « Sud Ouest », le professeur a néanmoins récolté des informations.
« Le directeur adjoint du collège est vivant, tout comme sa femme. Cependant, je ne sais pas dans quel état se trouve l’établissement. Ce collège est l’un des plus récents de l’île, contrairement au lycée de Benjamin qui est très ancien et n’a sans doute pas résisté au cyclone… Du moins, à priori. »
La maison du couple est toujours debout selon un voisin qui a été « rapidement contacté ». “L’eau est peut-être entrée”, suppose néanmoins la Bayonnaise. Elle déplore des « nouvelles épisodiques », rendues possibles par certaines connaissances mahoraises : « Tsingoni est en brousse. Certains ont marché jusqu’à la capitale, Mamoudzou, pour se constituer un petit réseau. »
Dons à la peña
Camille et Benjamin ne savent pourtant rien de la santé de leurs élèves. Et leur sang se glace : « 70 à 80 % d’entre eux vivent dans des bangas (petites maisons en tôle ondulée, NDLR). Et on sait que le bidonville est complètement rasé. Nous n’avons reçu aucune nouvelle des familles, ni aucune communication du rectorat. » Camille fait une pause. Puis continue : « Nos parents ne comprennent pas ça, ils nous disent juste qu’on a eu de la chance, mais qu’on aimerait être là, pour aider les gens. Nous pourrions en accueillir chez nous. L’attente est insupportable. »
Il est donc impossible de rester les bras croisés. Et le couple a transformé la peña de Bayonne Sale el sol – dont Benjamin est membre – en un QG solidaire. De 16 h à 19 h, les membres prévoient d’être disponibles 7 jours sur 7, de 16 h à 19 h, pour collecter le plus de denrées non périssables possible (1). « Nous allons ensuite essayer de les transporter jusqu’à Mayotte grâce à la société d’import-export Hippocampe, mahoraise basée près de Bordeaux, à Tresses. »
Camille reste cependant pessimiste : « Pour le moment, seuls les avions militaires peuvent voler. J’espère que la nourriture n’arrivera pas dans deux mois et que les douanes ne poseront pas de problème. »
« Il ne se passe rien »
« J’ai réussi à parler à un ami de Petite-Terre. Son appartement a explosé : il n’a plus d’eau ni d’électricité. La chaleur y est insupportable. Quand nous sommes partis, la température était de 38°C. Aujourd’hui, la température est montée à 40°C. Tout le monde est mouillé tout le -. Et les conditions sanitaires sont déplorables. Avant le cyclone, nous n’avions accès à l’eau qu’un jour sur deux… Donc je ne peux pas imaginer ce que c’est aujourd’hui. En plus du réchauffement climatique, qui n’arrange rien, le réseau d’eau remonte à Mathusalem, les usines sont laissées dans le flou et la population ne cesse d’augmenter… Sans parler des malversations. »
Les conditions sanitaires sont déplorables. Avant le cyclone, nous n’avions accès à l’eau qu’un jour sur deux… Donc je ne peux pas imaginer ce que c’est aujourd’hui
Heureusement, Camille reçoit aussi une bonne nouvelle, comme en témoigne ce bref contact avec une amie mahoraise : « Elle et son bébé sont sains et saufs. C’est l’essentiel. » Reste l’accessoire, qui n’est pas tant que ça : « En regardant l’information en continu à la télé, on a l’impression que l’État est hyper présent à Mayotte. Mais les gens là-bas nous disent qu’il ne se passe rien là-bas. Certains sont blessés et ne peuvent accéder au dispensaire. D’autres n’ont reçu aucune distribution de nourriture. C’est horrible. »
(1) La peña Sale el sol est située au 25, rue Vieille-Boucherie, à Bayonne. Les dons y sont collectés tous les jours de 16h à 19h. Plus d’informations au 06 66 60 69 99 ou 06 24 53 01 74.