Après avoir passé près d’un quart de siècle à la tête d’un régime liberticide qui dirigeait la Syrie d’une main de fer, le “tyran” Bachar al-Assad a “fui”, ont annoncé les groupes rebelles entrés dimanche dans la capitale Damas.
Le départ de M. Assad vers une destination inconnue s’est déroulé dans la plus grande discrétion.
– Comment Assad a-t-il disparu ?
A bord d’un avion privé qui a décollé de l’aéroport international de Damas, le chef de l’Etat syrien a quitté la capitale samedi à 22 heures (19 heures GMT), selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Dès lors, rien ne pouvait empêcher le retrait de l’armée et des forces de sécurité syriennes de l’aéroport, selon l’OSDH.
Quelques heures ont suffi aux groupes rebelles pour annoncer la chute du « tyran » et la « libération » de Damas, appelant les millions de Syriens réfugiés à l’étranger et jetés sur la route de l’exil à rentrer chez eux dans une « Syrie libre ».
Si une incertitude totale règne sur la destination de M. Assad, trois options s’offrent à lui, selon le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane.
Il pourrait se rendre en Russie, soutien indéfectible qui a engagé son armée de l’air dans la guerre en Syrie pour remettre M. Assad en selle. L’Iran, un autre allié qui a envoyé des conseillers militaires et des factions armées combattre aux côtés du gouvernement syrien. Et enfin les Émirats arabes unis, l’un des premiers pays du Golfe à avoir rétabli ses relations diplomatiques avec Damas en 2018, après les avoir rompues au lendemain du conflit déclenché en 2011.
– Et l’armée syrienne ?
Après l’annonce du départ d’Assad, les soldats de l’armée syrienne présents à Damas ont immédiatement retiré leurs uniformes militaires, selon des témoignages d’habitants recueillis par l’AFP.
Un témoin a déclaré avoir vu dimanche matin des dizaines de véhicules militaires abandonnés dans le quartier Mazzé, abritant les locaux de plusieurs institutions sécuritaires et militaires ainsi que des ambassades.
L’armée syrienne n’a publié aucune déclaration ou commentaire officiel. Des militaires interrogés par l’AFP ont assuré qu’il leur avait été demandé de se retirer de leurs positions et de rentrer chez eux.
Sur la route reliant Homs, la métropole centrale, à la capitale Damas, un correspondant de l’AFP a vu des centaines de soldats rassemblés près des postes de contrôle mis en place par les combattants rebelles.
Au début de leur fulgurante offensive lancée fin novembre, de violents combats ont opposé les rebelles aux forces gouvernementales, notamment durant les deux premiers jours, faisant des dizaines de morts des deux côtés.
Par la suite, les rebelles ont avancé à une vitesse fulgurante, sans rencontrer « aucune résistance notable » de la part des militaires, selon l’OSDH et les insurgés, qui ont ainsi conquis coup sur coup les grandes métropoles d’Alep (nord), Hama et Homs au centre. Jusqu’à l’entrée à Damas dimanche.
Depuis 2011, l’armée syrienne est exsangue par le conflit, perdant la moitié de ses 300 000 soldats d’avant-guerre.
Plusieurs experts ont souligné ces derniers jours la faiblesse des forces armées engagées sur le terrain, en l’absence d’un réel soutien de la part des alliés russes et iraniens.
Dimanche à l’aube, une Source proche du Hezbollah pro-iranien, allié du gouvernement syrien, a rapporté que les combattants du mouvement s’étaient retirés de leurs positions près de Damas et dans une zone frontalière avec le Liban voisin. Ces secteurs abritaient notamment des entrepôts d’armes.
– Qui est désormais au pouvoir ?
Les rebelles ont proclamé une « nouvelle ère » en Syrie. Le chef du gouvernement de Damas, qui a pris ses fonctions de Premier ministre en septembre, s’est déclaré prêt à coopérer avec toute nouvelle « direction » choisie par le peuple syrien pour un « transfert » de pouvoir.
Le commandant en chef de Hayat Tahrir al-Sham, HTS, qui dirige la coalition rebelle à l’offensive en Syrie, a appelé ses combattants à ne pas s’approcher des institutions publiques, précisant qu’elles resteraient sous le contrôle de « l’ancien Premier ministre ». Ministre’ jusqu’à ce que cette passation de pouvoir soit effectuée officiellement.
Avec la déroute de l’armée syrienne, dans un pays déjà fragmenté par la guerre, les autres belligérants aux intérêts divergents, qui bénéficient du soutien international et régional, se retrouvent face à des défis majeurs.
« Le principal défi aujourd’hui est la reconstruction de l’État syrien, et la sortie d’une phase de chaos et de fragmentation », souligne le chercheur au Centre Carnegie pour le Moyen-Orient, Mohanad Hage Ali.
Jusqu’à présent, les rebelles ont été « consciencieux dans leurs relations avec les minorités et leurs prisonniers », admet-il : « Espérons que cela se traduise par la reconstruction des institutions de l’État ».