un photojournaliste breton sur l’île des rescapés de la vague de 2004

un photojournaliste breton sur l’île des rescapés de la vague de 2004
un photojournaliste breton sur l’île des rescapés de la vague de 2004

Quels sont les hommes et les femmes que vous avez rencontrés lors de votre reportage en Asie du Sud-Est, près de 20 ans après le tsunami ?

Il y a un peu plus d’un an, je me suis rendu sur l’île de Koh Phayam, une petite île rattachée à la province de Ranong, en Thaïlande, face à la Birmanie. Environ 500 habitants, Thaïlandais, Birmans et Chaolays peuplent cette île de 20 km². Au bout de l’île, de l’autre côté du fleuve, vit le peuple Moken qui est un groupe nomade originaire des mers d’Asie. Je cherchais cette communauté qui a la mer pour maison. Un indigène qui parlait un peu anglais m’a expliqué où ils habitaient. Dans ce village, j’ai vu environ 150 personnes : 45 familles et 50 enfants de moins de 15 ans y vivent encore.

A l’origine, les Moken sont des vagabonds des mers, des gitans des océans, des « gitans » du large. Ce sont d’excellents pêcheurs. Avant, ils vivaient de nombreux mois sur leurs bateaux kabang (ndlr : bateau traditionnel en bois), débarquant uniquement pour vendre leurs prises, se réapprovisionner et retourner à la mer. Lorsque la mousson commença, ils se réfugièrent sur l’île, le long de la côte, et passèrent ce temps à réparer leurs filets et leurs bateaux. Mais le tsunami a tout changé : la vague a tué près de 5 400 personnes en Thaïlande. Nous ne savons pas combien de Moken sont portés disparus, mais beaucoup sont morts, c’est sûr. Et ils ont aussi perdu leurs bateaux qui étaient leurs maisons.

(Collection de photos jjflach)

Concrètement, qu’ont-ils fait après le passage de la vague du 26 décembre 2004 ?

Il leur a fallu trouver « un gros rocher » pour s’abriter, se réfugier… Le tsunami a donc eu pour effet de les faire s’installer sur cette île de Koh Phayam. Parce qu’ils sont toujours là ! Cette sédentarisation a changé leur vie puisque les jeunes nés depuis ne veulent plus devenir marins. Avant, ils vivaient tout le temps en mer. Alors ils ne se sont pas posé la question. Chez les Moken, nous étions marins de père en fils. J’ai vu des enfants Moken avec des téléphones portables qui, visiblement, ne voient plus leur avenir avec la mer et la pêche. Le tsunami a donc changé le destin de ce peuple qui risque l’extinction. La vague a au moins rompu leur lien avec la pêche.

(Collection de photos jjflach)

Continuent-ils à vivre avec l’océan ?

Ils ne parviennent plus à vivre décemment de la pêche car, depuis le tsunami, ils n’arrivent pas à reconstituer leur flotte. Et là, sur ces mers, la pêche est sous gouvernance chinoise donc, quand ils veulent aller pêcher, ils n’ont que leurs tout petits bateaux face aux grosses unités chinoises qui draguent tout sur leur passage. Dans l’indifférence générale…

Les autorités s’occupent-elles toujours de leur sort ?

Les Moken sont confrontés au manque de statut d’identité nationale thaïlandaise. Ils n’ont pas d’acte de naissance car ils ont toujours été des nomades marins. L’accès aux services sur Koh Payam a toujours été extrêmement difficile. Les enfants doivent traverser l’embouchure du fleuve à marée haute sur un radeau de fortune pour se rendre à l’école. La générosité d’organisations à but non lucratif a permis la construction d’un pont en bambou en avril 2021, mais depuis, une tempête a détruit cette construction. Quant au pont en béton qu’ils espéraient, il n’a jamais été achevé !

20 ans après le tsunami, le peuple Moken pourrait-il disparaître, selon vous ?

Quelques rares touristes viennent au village, ce qui peut apporter un revenu supplémentaire aux familles. Mais le revers de la médaille est dramatique car ce commercialisme détruit leur culture. Le gouvernement thaïlandais assure qu’il fait tout son possible pour protéger leur tradition mais… Je dirais que c’est une affaire à suivre. J’espère que les droits de ces Moken que le tsunami de 2004 y a jetés seront respectés !

Art

 
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