C’est une silhouette qui s’est naturellement imposée dans les rues de Brest. Souvent emmitouflé dans son blouson de cuir, Thierry Richard photographie le temps et les gens qui passent, au jour le jour. Il marche « 12 km par jour, ce n’est pas beaucoup » et participe à toutes les manifestations culturelles et à tous les conflits sociaux. Son truc, ce sont les visages. Des visages d’hommes et de femmes, ici et là, heureux ou fatigués, en difficulté ou en fête. Au travail également. Aussi, « lorsque les travaux de la deuxième ligne de tramway » ont commencé, il s’est immédiatement concentré sur le travail de ces ouvriers, « ceux dont on parle à peine mais qui sont à la base de tout ». Qu’il ait travaillé « quinze ans dans les travaux publics » ne change pas grand chose aux choses. Thierry Richard aime profondément les gens, et ses photos le montrent pour lui.
Une nouvelle image
L’affaire n’a pas été facile. Au fil des mois, il s’est imposé comme un habitué des équipes qui changent le visage de la ville. « J’en avais marre de ne lire que des choses sur Cuillandre et l’argent quand on parle du prochain tramway », se plaint-il encore aujourd’hui. Je voulais juste reconnaître ces personnes dans leur travail. Il s’engage dans « Mon réseau s’agrandit », auprès de la société Colas. Les voyants sont passés très vite au vert, également parce que ce n’est pas une question d’argent.
« Il faut savoir que des équipes arrivent de loin pour construire ce tramway », raconte Thierry Richard, qui a rencontré sur place « des gens d’Amiens, de région parisienne », mais aussi un groupe de Roumains ou d’un Malien. Il multipliait les portraits, sympathisait. « Les gars, ils ne connaissent pas Brest. Alors, je leur demande de trouver le bar où ils pourront regarder le match, par exemple.
De fil en aiguille, Thierry Richard leur a offert leurs portraits, capturés dans la poussière et les soudures. « Il y a des retours inattendus et sympas. La femme de l’un d’eux m’a contacté pour avoir la photo de son mari, elle en était fière. Elle m’a dit que cela lui avait donné l’occasion de voir son partenaire sous un jour qu’elle ne connaissait pas.
Une idée « d’en bas »
Pour le moment, les portraits circulent ici et là, notamment sur ses pages Facebook. « Nous avons eu l’idée de prendre une photo pour une carte de vœux. Nous étions une centaine censés nous rencontrer, mais dehors, c’était orageux. Certains étaient déjà rentrés chez eux, d’autres ont terminé leur travail tardivement avant que le chantier ne soit interrompu pour les vacances.» L’opération, rendue impossible cette fois, sera sans doute réalisée en janvier, “pour remercier et frimer les Brestois”. Pour Thierry Richard, l’essentiel est de faire de cette promesse une réalité, commandée par personne d’autre que tous. Il en est certain : l’idée, la bonne, « vient souvent d’en bas, plus rarement d’en haut ».
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