Un texte stratégique
À cette séquence tirée des scènes « arizoniennes » s’ajoutent des divergences de fond plus larges. Encore plus vaste qu’on aurait pu le penser alors que les discussions s’enlisent depuis six mois. Explications. Ces deux dernières semaines, les négociateurs fédéraux ont examiné en détail leurs projets budgétaires et les trois grands chapitres de la « super-note » socio-économique de Bart De Wever (emploi, fiscalité, retraite). Pour rappel, cette « super-note » est un texte très controversé qui constitue le cœur du futur pacte majoritaire. Le texte de base existe depuis le mois d’août et a été adapté à plusieurs reprises à partir des commentaires des quatre partenaires de la N-VA (MR, Engagés, CD&V, Vooruit).
Négociations fédérales : On est encore loin de l’accord final « Arizona »…
Mardi, le formateur a invité ses interlocuteurs à lui soumettre leurs éventuels commentaires sur la dernière version des grandes lignes socio-économiques et budgétaires, tout en précisant que les propositions sur la table n’avaient pas vocation à être revues en profondeur : «Deux ou trois amendements suffisent ; vers dix heures, ça va être un problème», a prévenu Bart De Wever. Mais dès mercredi, au grand étonnement de plusieurs négociateurs, il est apparu que le Vooruit avait déposé… 500 amendements. Et les CD&V, plusieurs dizaines. “Les partis de gauche sont encore très loin d’accepter un accord final, cette super-note n’est pour eux qu’une base», se plaint un informateur.
mouetteLes partis de gauche sont encore très loin d’accepter un accord final, cette super-note n’est pour eux qu’une base.»
Impossible de revenir sur les nombreux griefs formulés par Conner Rousseau, président des socialistes flamands. Toutefois, deux d’entre eux se démarquent car ils remettent en cause, aux yeux de certains « arizoniens », l’équilibre de la coalition.
Le bilan initial remis en cause
Tout d’abord, Vooruit propose une autre répartition de l’effort budgétaire. Initialement – et cela a été accepté par tous les négociateurs – le cadre d’assainissement des finances publiques reposait sur la clé suivante : les 2/3 de l’effort doivent provenir de réformes structurelles dans des domaines stratégiques comme les retraites et le marché du travail. emploi; 1/3 de l’effort doit venir de «mesures discrétionnaires« . Ces mesures se subdivisent elles-mêmes en épargne pour 2/3 au moins, et en recettes diverses et taxes sur les « épaules plus larges » pour 1/3 au maximum.
Conner Rousseau veut désormais changer cette subtile répartition. Dans les amendements socialistes, l’expression «au maximum» pour l’impôt sur « les épaules les plus larges » a bondi, laissant la porte ouverte, lors de la législature, à une pression fiscale plus sévère que prévu à l’égard des contribuables les plus aisés. De même, les termes «diverses recettes» ont également disparu, ce qui place automatiquement la taxation des épaules les plus larges – trophée politique réclamé par le Vooruit – comme la seule « mesure discrétionnaire » possible en termes de recettes et les gonfle d’autant plus. Dans ce genre de document, l’enfer est toujours dans les détails….
Conner Rousseau hérite du « Black Jack », Bart De Wever est sous pression, mais reste en lice pour le « 16 »
Taxer les dividendes (encore) plus
Autre exemple, également en matière fiscale. Conner Rousseau souhaite augmenter le prélèvement à la source dans certaines situations. Le Vooruit souhaite modifier le mécanisme dit « VVPR » (Verlaagde Voorheffing/Reduced Withholding Tax) qui permet aux entreprises de distribuer leurs bénéfices après impôts à un taux d’imposition avantageux. Ces régimes seront adaptés afin deque la pression fiscale sur une distribution de dividendes est d’au moins 20%», précise l’amendement proposé par les socialistes flamands. Ces derniers souhaitent également durcir la fiscalité suite à un rachat d’actions propres par une entreprise.
En déposant environ 500 amendements, le Vooruit a provoqué un certain découragement autour de la table. “Au fond, Conner Rousseau remet tout en question», s’inquiète une source. Alors que Bart De Wever espérait se rendre à son audience au Palace mardi 7 janvier, avec un accord gouvernemental sous le bras, tout semble de nouveau vaciller. Selon un observateur attentif, l’avènement du gouvernement « Arizona » pourrait être reporté… à Pâques.
Avancer et défendre
Contacté ce jeudi, le porte-parole de Conner Rousseau veut justifier le zèle de son parti : «Nos électeurs attendent de nous que nous veillions à ce que le gouvernement répartisse équitablement l’effort et que les riches ou les personnes disposant de beaucoup d’argent contribuent de manière égale. Nous continuerons à nous battre pour cela. Si l’on entend constamment dire que le Vooruit veut augmenter les impôts, c’est le contraire qui se produit : le Belge ordinaire paie trop d’impôts, les riches y échappent. C’est juste injuste.»