cette série décortique habilement l’hystérie collective et la formation de l’opinion en France

cette série décortique habilement l’hystérie collective et la formation de l’opinion en France
cette série décortique habilement l’hystérie collective et la formation de l’opinion en France

Il suffit d’un coup de tête et d’une insulte pour que la situation dégénère et que la foule s’enflamme. En ce soir où sont célébrés les Trophées du Football, le coup de tête de Fodé Thiam à son entraîneur réactive la bataille identitaire, déchaînant toutes les indignations et tous les slogans. Star du sport automobile et membre de l’équipe de France, le footballeur est appelé à donner l’exemple. Ses détracteurs réclament une sanction immédiate. Pour gérer la crise et sauver la réputation du club, son président François Marens (Benjamin Biolay) fait appel à l’agence Kairos, spécialiste de la gestion de crise. Fièvre retrace l’histoire d’un dérapage, d’un embrasement savamment organisé, d’un enfer alimenté par des phrases meurtrières et des déclarations péremptoires.

La montée des dissensions

La série met en scène deux reines communicatives face à face : Samuelle Berger (Nina Meurisse), pleine d’idéaux et passionnée, fragile elle aussi. Et Marie Kinsky (Ana Girardot), influenceuse et stand-up extrémiste, trop heureuse de pointer du doigt »09/11 du vivre ensemble », la faillite du célèbre « Black, Blanc Beur » français et d’exploiter l’événement pour parvenir à ses fins.

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Si certains n’y voient qu’une histoire de football, aux yeux de Marie, c’est « d’une bombe à fragmentation avec plusieurs sources potentielles de détonation simultanée le long de toute la ligne de faille majeure de la société française. » Clairement, dans ce cas, chacun retrouve des échos de situations qu’il juge inquiétantes ou insupportables. L’affaire Fodé devient le nouveau champ de bataille de la guerre identitaire en France. Et sous l’impulsion de Marie Kinsky, le cycle de polarisation est en marche. Sa recette : simplismes et provocation, un cocktail littéralement explosif.

Xavier Robic (Tristan Javier), Benjamin Biolay (François Marens), Nina Meurisse (Sam Berger), Jade Henot (Justine) : toute l’équipe de l’agence Kairos se met au service du Racing club de Paris dans la série “La Fièvre » d’Eric Benzekri pour Canal+. © Rémy Grandroques/QUAD+TEN/CANAL+

C’est toute la panoplie des débats sociétaux passionnés et enflammés qui se dévoile : vidéos virales, clashs, buzz et sondages. Avec un risque : la fracture irréparable de la société et la guerre civile. Les craintes de Sam, qui semblent clairement exagérées dans les premières minutes qui suivent l’incident, s’avèrent ensuite finalement pas si improbables…

Manifestation implacable

Redoutable. La série d’Eric Benzekri (Baron Noir) se nourrit et joue avec la confusion entre cauchemar et prémonition, réalité et fiction. Ce faisant, elle décortique habilement l’hystérie collective et la formation de l’opinion, observant notamment à quel point les réseaux sociaux la façonnent et corrompent le débat.

Au cœur de cette bataille, deux personnalités s’affrontent. Deux belles intelligences, deux visions de la société. Le premier (Sam) perçoit tous les signes d’une situation explosive et délétère, un basculement qui pourrait entraîner dans son sillage même les plus pacifistes. La seconde (Marie), cynique et sans scrupules, lancée dans une quête de notoriété, mise sur l’exploitation de la panique identitaire, l’instrumentalisation d’une figure sociétale et une cause pour mieux conquérir le pouvoir au risque de fracturer la société. L’histoire est donc celle d’une lente montée en puissance et d’un affrontement. L’empathie et la finesse de l’analyse psychologique comme seules armes contre le cynisme et les calculs politiques. Fièvre, produit par Canal+, permet de décrypter comment les extrêmes exploitent les peurs qui imprègnent nos sociétés.

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La France face à ses fractures

La série a laissé des traces en France et suscité de nombreux commentaires. En mettant en lumière les tensions politiques et communautaires, les réflexes individualistes et radicaux, il aborde directement tous les dangers qui menacent une société démocratique.

Son point fort réside dans sa manière d’analyser les stratégies des deux camps et d’imaginer les débats toxiques qui s’ensuivent rapidement. Jusqu’au point d’ébullition ultime. Considéré comme catastrophique par certains, Fièvre démontre néanmoins avec beaucoup de clarté la manière dont certaines revendications et enjeux populaires peuvent être récupérés en vue du pire. Pourtant, les exemples ne manquent pas d’hommes politiques, de polémistes et de chroniqueurs jouant sciemment avec le feu dans la sphère médiatique.

Dès les premiers épisodes, on est happé et frappé par ce cercle vicieux que Sam et son équipe ont tant de mal à arrêter. La manifestation est d’autant plus convaincante qu’elle s’appuie sur des réalités connues : journaux télévisés, commentateurs et chaînes d’information en roue libre, réseaux sociaux en feu… Une société où «tout est politique, même le football” et où chaque geste, chaque parole est scruté, commenté et potentiellement détourné. Ce qui séduit le plus, c’est le décryptage et la pédagogie du sujet.

La Fondation Jean Jaurès analyse la série Canal+ « La Fièvre »

Au point que la Fondation Jean Jaurès a pris l’initiative de proposer une série de textes analysant les problématiques que la série porte à l’écran. Même s’il peut paraître parfois caricatural, il a le bon goût de nous alerter. L’autre bonne nouvelle ? Sans rien dévoiler : Éric Benzekri promet une saison 2 à la hauteur des ambitions de sa série en déplaçant le débat du domaine de l’info-show vers le domaine politique.

★★★★ Fièvre Thriller psychologique et politique CréationEric Benzekri avec Laure Chichmanov et Anthony Gizel La concrétisationZiad DoueiriAvecNina Meurisse, Ana Girardot, Alassane Diong, Benjamin BiolaySur Be.tv6 x 52 minutes.

 
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