Détenu majoritairement par Pentland Group (Stephen Rubin, 26 anse Fortune britannique), le spécialiste de la sneaker ose défier Decathlon sur son terrain. Mais comment a-t-il réussi à s’imposer si rapidement ? D’abord grâce à un positionnement assumé sur les sportswear, ces vêtements initialement destinés au sport et désormais portés au quotidien. « Decathlon et Intersport vendent des tenues d’athlètes ; Nous vendons ce qu’ils portent avant d’entrer dans le stade. » résume Régis Schultz, ancien dirigeant de Darty et Monoprix, à la tête du distributeur britannique depuis deux ans. “Une marque comme Emporio Armani trouve sa place chez JD Sports, mais ne l’aurait pas chez Intersport”, ajoute Frank Rosenthal, consultant indépendant.
Look de boîte de nuit
Les sneakers – qui représentent plus de la moitié des ventes de chaussures selon l’institut Businesscoot – sont le fer de lance de l’entreprise, représentant 60 % de son chiffre d’affaires européen. Dans le magasin des Champs-Elysées, ils occupent tous les murs du rez-de-chaussée, dans une sélection pléthorique, organisée par marque (adidas, New Balance…). “Ils ont compris que les baskets ne s’adressaient plus aux spécialistes mais au grand public et ont créé leur supermarché”, explique l’expert Max Limol. Les textiles sont confinés à l’étage supérieur.
Ensuite, la marque qui a rendu Foot Locker dépassé sait marquer les esprits avec des promotions vertigineuses lors des soldes : -70% sur des Reebok Flexagon Juniors, des Nike Lunar Roams qui passent de 150 à 60 euros… Mais refuse toujours d’entrer dans une guerre des prix. ce qui nuirait trop à sa rentabilité et à son image. Enfin, JD est implantée dans les centres-villes et les centres commerciaux, alors que ses concurrents sont spécialisés dans les zones commerciales d’entrée de ville. “Ils prennent la place de Go Sport avant son absorption par Intersport en 2023”, explique Frank Rosenthal.
Rayon chaussures chez JD Sports sur les Champs-Elysées. Les baskets, exposées au rez-de-chaussée du magasin, sont le fer de lance de l’entreprise. Ils représentent 60% de son chiffre d’affaires européen.
JD Sports/SP
Conséquence de ces choix, selon Hélène Janicaud, experte mode pour Kantar : « Là où Intersport et Decathlon équipent la famille pour faire du sport, JD habille les jeunes urbains. » La marque mise donc sur des collaborations avec des influenceurs TikTok ou Instagram. Et des magasins aux allures de boîtes de nuit, comme sur les Champs-Elysées, où se mélangent écrans jaunes et noirs éblouissants, étiquettes rouges « Sales » et musique électro assourdissante. “Le reproche que l’on me fait le plus, c’est que la musique est trop forte, Régis Schultz s’amuse. Mais ce choix correspond à notre cible, les 15-24 ans. »
-« Notre chiffre d’affaires continue de croître »
Une clientèle prisée par les grandes marques (Nike, Asics…). « La focalisation sur le jeune public correspond parfaitement à nos objectifs » confirme Franck Denglos, vice-président d’Under Armour. « Les grandes marques de sport ne peuvent plus se passer de JD », soutient Frank Rosenthal. Car avec un tiers de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis, un autre en Grande-Bretagne et un en Europe, la marque a développé un réseau unique.
Ça tombe bien : si Decathlon privilégie ses propres marques (Quechua, Tribord, etc.), JD raffole d’Adidas et des autres, et les cajole. « Chaque saison nous travaillons sur des produits exclusifs, explique Franck Denglos. JD excelle dans leur promotion et leur présentation. » Le numéro un mondial, Nike, est très proche de la marque, ouvrant son programme de fidélité à tous les fans de JD en 2024. Mais cette interdépendance a ses dangers. La lenteur de Nike, en perte de créativité, se répercute sur son client. Le cours de l’action américaine a perdu 30 % sur l’année écoulée, et celui de JD – plus largement touché par un marché des équipements sportifs atone – a perdu 18 %.
“Ils essaient de développer la part des produits de petites marques, mais sont exposés”, estime Monique Pollard, analyste financière chez Citi. “C’est une analyse boursière très limitée, stupide et méchante, demande Régis Schultz. Notre chiffre d’affaires continue de croître. » Le 14 janvier, le groupe a révélé qu’il comptait terminer l’année avec une croissance de 5%. Monique Pollard précise : « Le chiffre d’affaires de JD à périmètre comparable est en légère baisse. Mais il ouvre des magasins et poursuit la croissance externe. »
Acquisitions en série
Car ces dernières années, JD Sports multiplie les acquisitions, de Courir en France à Hibbett aux Etats-Unis. Parfois, la marque absorbée disparaît (comme l’American Finish Line, acquise en 2018). Parfois, il est considéré comme complémentaire (comme Courir, avec sa clientèle plus féminine et moins urbaine), et est préservé.
« Mais, si JD a été porté par l’essor du sport lié à la crise du Covid-19, le contexte s’est apaisé. » prévient un ancien patron de Go Sport. Après avoir excellé dans l’art du sprint, la fusée britannique va devoir trouver son rythme de jogging.