Pierre Roux est le président de l’Association des directeurs des services aux personnes âgées (AD-PA), une structure militante qui représente deux mille directeurs à travers la France, à la fois d’établissement collectif, mais aussi de service à domicile. Son objectif : les aider à accomplir au mieux leurs missions auprès des personnes âgées.
De Fossoyeursle livre choc de Victor Castanet, il y a trois ans presque aujourd’hui, le gouvernement annonçait, à grand renfort de communication, des contrôles dans les EHPAD. Et aujourd’hui ?
Premièrement, il ne faut pas confondre contrôles inaperçus et inspections. Quant à la campagne de contrôle lancée par le gouvernement, elle doit maintenant être achevée et nous attendons un rapport. Il ne doit pas montrer de situations très dégradées au regard des critères qui ont servi à élaborer ces contrôles. Ils ont finalement jeté une stigmatisation sur l’ensemble du secteur. Quand il y a des dysfonctionnements dans un restaurant, on ne contrôle pas tous les établissements, non ? Cette campagne ne semblait pas justifiée, voire inacceptable.
En revanche, il est tout à fait légitime que les inspections soient diligentes. Par exemple si des documents que nous avons le devoir de transmettre aux autorités de tarification et de contrôle révèlent des anomalies. Une inspection peut bien entendu être provoquée par des plaintes de la famille, des résidents, du personnel ou par un conflit social.
Selon la récurrence des faits avérés de maltraitance, celle-ci n’a jamais cessé. Comment l’expliquer ?
Il existe trois formes de maltraitance. La maltraitance ordinaire d’un individu qui travaille dans ce secteur, qui n’y est pour rien et qui doit être mise de côté. La maltraitance institutionnelle, c’est-à-dire un établissement qui dysfonctionne, dont le livre de Victor Castanet démontre l’existence et auquel il faut remédier. Mais, comme le conclura la campagne de contrôle, ceux-ci ne sont pas les plus nombreux : la grande majorité des établissements se portent très bien par rapport aux moyens qui leur sont donnés.
Et c’est là qu’intervient la troisième forme : la maltraitance systémique. Le système dans lequel nous évoluons ne prend pas en compte les moyens nécessaires pour répondre au respect, au droit et à la dignité de l’être humain, dès lors qu’il est âgé, malade et handicapé, qu’il vit à domicile ou en établissement. Le problème est là et tant qu’il n’a pas été traité, ce n’est pas la peine de cacher la forêt avec l’arbre !
-La nomination d’un ministre de l’Autonomie est-elle de nature à vous redonner de l’espoir ?
Un ministre, c’est une bonne chose. Que la question du grand âge soit abordée est une bonne chose. Pourtant, si l’on regarde en arrière, on se souvient qu’à la suite de la canicule de 2003, un grand plan de solidarité avait été mis en place en 2006. Il devait déboucher sur des postes de postes importants et permettre aux établissements de disposer de huit équivalents temps plein pour dix résidents.
Près de vingt ans plus tard, nous sommes toujours six. Et depuis, il y a eu beaucoup de signalements, mais peu de contributions ! Les pouvoirs publics n’ont pas pris en compte les réalités des conditions de vie des personnes handicapées et malades dans notre société.
Aujourd’hui, quel est le quotidien des professionnels du grand âge ?
Nous faisons tous ce que nous pouvons. Mais la réalité est un turnover délétère, de nombreuses démissions de directeurs, 66 % d’établissements en déficit budgétaire. Ainsi, les résidents souffrent du manque de soins et de soutien. Très concrètement, cela veut dire qu’un centenaire épuisé, qui a besoin d’être allongé à 20 heures, ne peut pas l’être avant 21h30 ou 22 heures, faute de personnel… C’est terrible ! Pour la personne, et aussi pour le personnel qui sait très bien quoi faire, mais qui n’a pas les moyens de le faire. Ces réalités de la vie pour certains et du travail pour d’autres sont inacceptables et ne peuvent durer.