Une unité « pour » | Homélie du 19 janvier 2025

La semaine de prière pour l’unité des chrétiens est ouverte !

Mais de quelle unité parle-t-on ? Quelle sorte d’unité les chrétiens peuvent-ils espérer ? S’agirait-il, comme le font les dirigeants, d’appeler à l’unité d’un peuple ? S’agirait-il, à l’instar des chefs d’armée, de reconquérir des territoires soi-disant perdus ?

Dans un monde en transition comme le nôtre, marqué par l’incertitude de son avenir, beaucoup parlent aujourd’hui d’unité… Nous bombardons des pays, nous envahissons des États au nom de l’unité. Nous emprisonnons et expulsons au nom de l’unité culturelle. Nous tuons et violons au nom de l’unité ethnique. Ce sont en effet forces que nous nous mobilisons pour défendre l’unité de telle ou telle nation. Des tribunes politiques aux stades de football, quand, la main sur le cœur, nous crions à l’unisson « tous ensemble ! », il s’agit toujours de s’unir contre des adversaires désignés. Cette unité conquérante, portée par la conviction d’avoir pour soi la vérité absolue et le sens de l’histoire, n’est en réalité qu’un repli identitaire nourri par la peur de l’autre. Cette unité ne nous rassemble pas dans un même corps, elle nous divise en différents camps inconciliables.

Ce n’est pas une unité contre qu’on fête ce matin, c’est une unité verser – une unité hospitalière inconditionnelle à dimension universelle.

Et la composition littéraire que l’évangéliste Jean imagine autour du personnage de Thomas peut nous aider à mieux comprendre. L’histoire commence par une erreur. Thomas a raté la première apparition du Christ ressuscité. Il n’était pas là. Au début de la communauté des disciples du Christ, les Douze n’étaient pas douze. Pas même onze, puisque Judas manquait également. En d’autres termes, dès le début, l’Église a été marquée du sceau de la déficience et de la désunion. La pureté originelle de l’unité des disciples n’existe pas, nous dit Jean. La foi chrétienne n’est pas moins proclamée. Ce petit groupe ecclésial imparfait proclame avec force l’Évangile pascal et l’affirme d’une seule voix : « Nous avons vu le Seigneur ». Thomas est leur premier auditeur. Ses compagnons lui dirent : Celui qui a été crucifié vit. La foi pascale est proclamée, mais on n’y croit pas. Thomas le dissident refuse de s’appuyer sur la parole proclamée par l’Église. Une confession de foi unanime ne suffit pas à convaincre.

Pendant huit jours, Thomas va contester leurs arguments. Et c’est l’Église prise en flagrant délit d’impuissance : l’Église ne peut pas convaincre, elle ne peut pas transmettre la foi. Elle ne peut pas, même unie, faire croire, tout simplement parce qu’elle ne croit pas. L’Église, nos Églises, ne sont pas des conditions nécessaires à la foi chrétienne parce que nous ne possédons pas ce que nous croyons. L’unité que nous célébrons ce matin ne peut donc pas être une démonstration de force ecclésiale. Ce n’est pas d’une Église conquérante dont nous parle Jean, c’est une Église qui, dans l’indifférence des uns et le rejet des autres, proclame inlassablement Celui en qui elle place sa confiance. Cette Église n’a pas pour objectif de construire un modèle d’unité, mais d’être, dans ce monde, un lieu de fidélité au Dieu vivant. En proclamant inlassablement sa foi, l’assemblée des disciples s’ouvre à la présence de Dieu. Notre assemblée de ce matin, dans la diversité de ses cultures et de ses croyances, n’a d’autre ambition que d’être une opportunité donnée aux autres de croire ce que nous ne pouvons pas faire croire.

Thomas pose ses conditions : pour croire, il veut voir et toucher. Notez que Thomas ne refuse pas de croire, il veut croire à sa manièreque sa croyance au Dieu vivant est validée selon les critères du monde. Et Jean nous prévient : ce n’est pas tant le refus de croire qui nous menace, c’est notre prétention à vouloir imposer nos conditions à Dieu. Or, nous dit Jean, croire conditionnellement, c’est toujours ne pas croire, c’est se soumettre au monde et aux idoles qu’il crée. Croire conditionnellement, c’est refuser le don qui vient d’ailleurs, la parole qui nous vient et n’est pas la nôtre.

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Ce jour-là, Thomas devint un homme de foi. Il voit et il croit. Sans rien toucher, l’existence de Thomas s’ouvre à la transcendance qui se manifeste à lui. Renversé intérieurement, il expérimente, dans sa vie, la présence du Dieu vivant : ce ne sont pas les témoignages que nous donnons à Dieu qui nous font vivre, c’est Dieu lui-même. Thomas le sait maintenant pour l’avoir vécu dans lui : il reconnaît son Seigneur et son Dieu. Par Jésus, Thomas reconnaît le Père. Fils et Père en communion, l’unité du Père et du Fils s’offre au disciple.

L’unité des disciples d’hier et d’aujourd’hui procède du Dieu qui nous est révélé par le Fils et de son désir de nous faire participer à la vie qu’il est. L’unité que nous devons expérimenter ne tire pas son origine du monde. Il nous est donné de l’unité du Père et du Fils, de leur parfaite communion, de cet amour du Père pour le Fils et du Fils pour ses disciples – c’est en aimant de cet amour, en vivant de cette communion. -là que nous témoignerons ensemble de la présence du Dieu Vivant.

Frères et sœurs, l’unité que nous célébrons ce matin, nous n’avons pas à la construire mais à l’accueillir. Dieu, source de cette unité, s’approche de chacun de nous – librement, gracieusement, directement – ​​des portes que nos religions s’efforcent de fermer, il les franchit. Il est le premier à avancer vers nous, il s’engage dans sa Création et en s’engageant, il nous engage. En communion avec Lui, nous recevrons en don ce qui nourrit nos efforts de dialogue, de rencontres et de reconnaissance mutuelle – montrant la communauté que Dieu appelle à Lui – une communauté nécessairement inidentifiable, illimitée, hospitalière, plurielle et universelle, à la mesure de l’humanité que Dieu lui-même en est venu à aimer jusqu’à la mort.

Frères et sœurs, la semaine de prière pour l’unité des chrétiens est ouverte, réjouissons-nous de l’unité donnée d’en haut, et qu’à la suite de Thomas, nous devenions des hommes et des femmes de foi en proclamant sans relâche, dans ce monde de mort, la présence du Dieu vivant !

Amen

 
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