L’année 2025 s’ouvre sur un chantier politique majeur : la réforme du Local Government Act, un dossier que le gouvernement mauricien espère boucler d’ici mars pour permettre la tenue d’élections municipales en avril. Cette refonte législative est pilotée par un comité ministériel réunissant le ministre du Gouvernement local, Ranjiv Woochit, celui des Affaires étrangères, Ritish Ramful, et le procureur général, Gavin Glover.
Derrière cette initiative, une vision : redéfinir le rôle des institutions locales dans un contexte où leur légitimité et leur efficacité sont régulièrement remises en question. Les enjeux ne se limitent pas aux élections, mais englobent une transformation profonde de la gouvernance locale, allant des grandes villes aux villages les plus reculés.
« Une réforme est déjà en cours. Nous sommes en train d’augmenter le nombre de réunions. La réforme affectera non seulement les mairies, mais aussi les conseils de village », a déclaré Ranjiv Woochit dans une déclaration téléphonique, confirmant l’intensité du travail en coulisses. Le calendrier est ambitieux : le texte amendé de la loi sur le gouvernement local doit, selon des informateurs très fiables au ministère des Gouvernements locaux, être présenté et adopté avant début mars. Sauf imprévu. La dissolution des conseils municipaux, nécessaire au lancement du processus électoral, devrait avoir lieu immédiatement. Ou vers la mi-mars.
Cette course contre la montre est alimentée par la nécessité de répondre à des attentes pressantes. La dernière édition des élections municipales remonte à plusieurs années, le 15 juin 2015, laissant un vide institutionnel et des frustrations croissantes chez les citoyens. 120-0 aux élections municipales de 2015. La défunte Alliance Lepep (MSM-PMSD-ML) a remporté les 120 sièges. « Les électeurs ont condamné la trahison de Bérenger », avait déclaré Sir Anerood Jugnauth, alors chef de l’alliance, peu avant la proclamation officielle des résultats. Les élections municipales, qui n’ont pas eu lieu depuis 2015, représentent un enjeu stratégique majeur pour l’Alliance pour le changement. Mais l’objectif est clair pour ces conseils municipaux : donner aux habitants des élus capables de répondre à leurs besoins quotidiens.
Les axes de la réforme
Notre interlocuteur très fiable insiste sur le fait que les changements prévus « touchent à des aspects fondamentaux de la gestion locale ». La réforme nécessite également le précieux coup de main de l’Electoral Boundaries Commission (EBC) car il s’agira également de délimitation. Parmi les pistes à l’étude, une redistribution des pouvoirs entre conseils municipaux et administrations villageoises, une clarification des rôles et responsabilités des élus locaux, et une meilleure coordination entre les différentes strates administratives.
Ces ajustements devraient permettre une gouvernance plus efficace et plus proche des citoyens.
Des enjeux au-delà du municipal
« C’est très attendu. Mais il ne suffit pas d’organiser des élections mais de réformer les communautés locales », souligne l’observateur Jocelyn Chan Low. Ce dernier plaide pour une refonte totale de la gestion des mairies et tout commence par le budget alloué par le gouvernement. Cette réforme, souligne-t-il, ne se limite pas à l’organisation des prochaines élections. Elle traduit une volonté de repenser la place des institutions locales dans le paysage politique. Les municipalités, souvent critiquées pour leur inertie et leur déconnexion, devront s’adapter aux nouvelles réalités. « Cette réforme, bien qu’essentielle, constitue un défi. Mais nous sommes convaincus que cela renforcera la démocratie locale et améliorera les services offerts aux citoyens », a souligné Ranjiv Woochit.
Vers un test politique
Les élections municipales d’avril seront aussi un baromètre pour les partis politiques en prélude aux prochaines élections générales ? « Il est très tôt. Mais le baromètre sera le taux de participation électorale. Mais il faut attendre. Nous ne connaissons pas l’opposition. On ne sait même pas si les extra-parlementaires seront candidats. Le gouvernement a promis de restaurer la démocratie. Mais tout commence par les communautés locales. Dans ce contexte, la réforme de la loi sur le gouvernement local, si elle est perçue comme juste et efficace, pourrait influencer la dynamique électorale. De ce fait, le gouvernement donnera à la démocratie sa lettre de noblesse, qui sera confortée par un taux de participation élevé aux élections municipales », explique Jocelyn Chan Low.
Bouleversement
Lorsque le gouvernement a pris le pouvoir en 2014, rappelle l’ancien maire Ananda Rajoo, la scène politique locale a été bouleversée. « Le mandat des conseillers municipaux, élus en 2012, a été brutalement raccourci. Depuis 2015, les mairies sont dirigées par des administrateurs nommés, sous la double égide du PMSD et du MSM », précise-t-il.
Selon lui, il s’agit d’une situation qui reflète une tendance ancienne : la transformation progressive des mairies en simples antennes de l’Unité Nationale de Développement (NDU). « La qualité de la démocratie repose sur ses fondements. Cependant, différents gouvernements ont tenté, au fil des années, de museler les mairies », constate Ananda Rajoo. Ces élections municipales, prévues en 2025, seront assurément les premières depuis une décennie. Un intervalle inédit, qui pose des questions sur l’avenir de la gestion urbaine.
Un enjeu démocratique sous tension
« Les élections municipales auront l’importance que les citoyens veulent leur accorder. Mais au-delà du scrutin, c’est la capacité de l’autorité centrale à accorder une réelle autonomie administrative et financière qui sera déterminante », souligne Ananda Rajoo. Pour l’intervenant, cette autonomie est la clé d’une gouvernance locale efficace. « Il faut redonner du sens à l’administration régionale. Les dirigeants doivent pouvoir financer leurs projets, soit en trouvant des solutions innovantes, soit en présentant des projets structurants pour développer les villes », demande-t-il.