Le facteur humain | Le bambou est-il vraiment plus vert que le plastique ?

« Je vois un peu partout des produits en bambou, soi-disant plus écologiques : brosses à dents, textiles, ustensiles, meubles… Mais est-ce vraiment si « vert » ? », demande Maude.

Disons-le tout de suite : la réponse est complexe.

« Qu’il s’agisse du bambou ou du plastique, il n’y a pas de matière bonne ou mauvaise en soi », rappelle Aurore Courtieux-Boinot, spécialiste de l’économie circulaire et de la gestion des matières résiduelles. « Tout dépend de l’usage que vous en faites et pendant combien de temps. »

Pour y répondre, décomposons, étape par étape, le cycle de vie d’un objet en bambou.

Une culture facile

Cultiver du bambou est plutôt simple : c’est une plante qui a besoin de peu d’eau et d’intrants (engrais, pesticides…) pour pousser.

« Certaines espèces peuvent croître jusqu’à un mètre par jour », souligne Elliot Muller, chercheur au Centre international de référence sur l’analyse du cycle de vie et la transition durable (CIRAIG).

Mais selon les pratiques agricoles, le bambou peut être cultivé de manière intensive, ce qui peut entraîner une déforestation, une perte de biodiversité et une réduction de la qualité des sols.

L’idéal est donc de veiller à ce que le bambou soit cultivé de manière durable.

Le bambou étant principalement cultivé en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, il faut aussi prendre en compte le transport dans son impact sur l’environnement – ​​qui représente souvent 10 à 15 % de l’empreinte de l’objet final, estime le chercheur.

Un produit plus ou moins transformé

Avant de devenir un meuble, du papier toilette, des chaussettes ou une brosse à dents, le bambou doit d’abord être traité et transformé.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE ARCHIVES

Table de salon et parquet en bambou

Or, « il y a souvent peu d’impact au moment de sa production ; mais il y en a bien d’autres au moment de sa transformation », précise Elliot Muller.

Car plus un objet est transformé, plus sa production nécessite des matériaux supplémentaires (plastique, colle, résine…) et de l’énergie. Et moins il est facilement recyclable ou compostable.

Par exemple, fabriquer des textiles à partir de fibres de bambou nécessite l’utilisation de beaucoup de produits chimiques, et bien souvent, le tissu soi-disant fabriqué « à partir de bambou » n’en contiendra finalement qu’une très faible proportion.

« [Les textiles en bambou] ne sont peut-être pas aussi écologiques qu’on voudrait vous le faire croire », rappelait le Bureau de la concurrence Canada dans un communiqué en 2019.

Aussi, les fibres de bambou sont parfois mélangées à un liant à base de mélamine pour fabriquer de la vaisselle, comme des tasses ou des assiettes pour enfants. Cependant, la mélamine est une substance qui peut migrer dans les aliments sous l’effet de la chaleur, et si elle est ingérée en grande quantité, cela peut présenter des risques pour la santé.

Au Canada, la vente de cette vaisselle est cependant toujours autorisée, mais la Commission européenne a récemment rappelé que sur son territoire, elle était interdite pour cette raison.

Le problème de l’usage unique

Selon les deux spécialistes, le problème du bambou est qu’il est souvent présenté comme une alternative verte au plastique à usage unique, alors que d’autres pistes devraient être privilégiées.

Par exemple, les ustensiles compostables en bambou sont certes une solution alternative intéressante, mais ils restent un objet qu’on n’utilise que quelques secondes avant de le jeter, rappelle Aurore Courtieux-Boinot.

[Les ustensiles en bambou]c’est vert, c’est nouveau, c’est compostable… Mais il faut surtout se demander : pourrait-on s’en passer ?

Aurore Courtieux-Boinot, spécialiste de l’économie circulaire et de la gestion des matières résiduelles

Selon elle, pour choisir, le mieux serait d’opter pour des ustensiles réutilisables ; ou autrement, pour des ustensiles en carton, recyclables et fabriqués au Québec.

PHOTO ARMAND TROTTIER, LA PRESSE ARCHIVES

Différents ustensiles en bambou réutilisables

Il en va de même pour les brosses à dents. Certes, celui en bambou peut paraître une meilleure option que celui en plastique, puisqu’il est présenté comme compostable et permet d’éviter de fabriquer et de jeter un objet en plastique.

« Mais ce qui est le plus écologique, c’est de prolonger au maximum la durée de vie de l’objet », rappelle Aurore Courtieux-Boinot. « Alors, pour choisir, une brosse à dents en métal à tête interchangeable est certainement un meilleur choix. »

Verdict ?

« Il faut éviter les raccourcis du genre « c’est en bambou, donc c’est forcément mieux » », estime Aurore Courtieux-Boinot.

L’idéal si vous choisissez d’acheter un objet en bambou est qu’il porte un label certifiant que la plante est cultivée de manière durable, qu’elle est peu transformée, mais surtout qu’elle dure longtemps.

« Pour les objets jetables, c’est vraiment discutable, mais pour les objets faits pour durer, comme les meubles, cela a du sens », résume Elliot Muller.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV En Autriche, l’extrême droite aux portes de la chancellerie
NEXT les nouveaux prix pour chaque marque