Le temps où Nicolas Sarkozy se vantait de ses bons accords économiques ou diplomatiques en Libye est révolu. L’ancien président français, dont le procès s’est ouvert lundi 6 janvier à Paris, est soupçonné d’avoir “noué” avec le dictateur Mouammar Kadhafi “un pacte de corruption” pour financer sa campagne victorieuse de 2007. Et depuis l’intervention militaire de 2011 qui a précipité la chute du dictateur, et dont Paris s’est présenté comme un acteur clé, le déclin de la France en Libye se mesure d’année en année.
« La France, on y pense quand on a du temps en Libye »
« Pour la grande majorité des Français, y compris certains experts, le temps s’est arrêté en 2011 en Libye, mais le temps presse et l’histoire continue, avec une prédominance des nations non occidentales »estime Jalel Harchaoui, politologue associé au Royal United Services Institute For Defence and Security Studies.
Il y a quatorze ans, avant que la Libye ne soit déchirée entre factions rivales, la France était le deuxième importateur d’hydrocarbures derrière l’Italie. En 2022, la France a été rétrogradée à la 8ème place, représentant seulement 3% du commerce libyen. « La France, on y pense quand on a du temps en Libye. Si nous retirons un contrat à la France pour le donner à la Chine ou à la Turquie, nous le ferons sans hésiter, car les autorités savent bien qu’il n’y aura aucune conséquence si la France, éjectée du Sahel et du Tchad, est déçue.» poursuit l’expert.
Après l’élection de François Hollande, Paris s’est officiellement rangé derrière la ligne onusienne, soutenant notamment l’émergence du Gouvernement d’union nationale (GUN) à Tripoli (Ouest). Mais en coulisses, la France prête aussi main-forte à l’autorité ennemie du maréchal Haftar, basée à Benghazi (Est), par l’intermédiaire du ministre de la Défense de l’époque, Jean-Yves Le Drian. « Au début de son mandat, Emmanuel Macron a poursuivi cette politique en l’officialisant »résume Jalel Harchaoui. En juillet 2017, le chef de l’État français avait organisé une rencontre à La Celle-Saint-Cloud (Yvelines) entre le général Khalifa Haftar et le Premier ministre libyen Fisent Al Sarraj. Sans résultats tangibles.
« Dette » envers la Libye
Ce n’est qu’après l’échec, en août 2019, de l’offensive des troupes de Haftar sur Tripoli que Paris a réexaminé sa position. En mars 2021, dix ans après l’intervention militaire, en recevant le nouveau président libyen Mohammed Al Menfi, Emmanuel Macron reconnaissait la responsabilité particulière de la France : «Nous avons une dette très claire envers la Libye : une décennie de désordre.» Une tentative tardive de reprendre pied dans un pays bien occupé par d’autres puissances.
Mais il n’est pas trop tard pour bien faire, estime Jalel Harchaoui. « La France, qui siège au Conseil de sécurité de l’ONU, pourrait jouer un rôle important, à condition qu’elle définisse une ligne directrice avec le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et les Etats-Unis, pourquoi pas en réaction à trois dangers : la corruption généralisée, la crise russe présence et le risque d’un retour à la guerre. »