Quand j’étais enfant, je séjournais fréquemment chez une tante le week-end. Elle m’a gâté en m’offrant des desserts et des boissons gazeuses, en plus de m’apprendre à bien jouer aux cartes, parfois à l’argent.
De temps en temps, ma tante m’envoyait chercher des billets de loterie au magasin d’à côté, ainsi qu’un paquet de King Size du Mauriers. Aujourd’hui, il est plus difficile, voire impossible, pour un enfant de se procurer des cigarettes et des billets de loterie dans un dépanneur.
Ce contact avec la loterie m’a incité à offrir, à Noël ou lors des anniversaires, des tickets de mini-loto, dont j’espérais qu’ils seraient gagnants.1. Ce petit « plaisir coupable » n’a jamais fait de moi un fan des jeux de loterie ou de casino, loin de là. Mon esprit cartésien m’a toujours fait comprendre que la probabilité de gagner est bien trop faible pour compenser le coût d’achat.
Les revenus des loteries en hausse
Ce n’est évidemment pas l’avis de nombreux Québécois. Les loteries traditionnelles (Lotto Max, Lotto 6/49, etc.) continuent d’être très populaires, selon ce que je peux constater dans les états financiers de Loto-Québec.
Au cours du dernier exercice financier, clos le 31 mars 2024, ces loteries ont permis à la société d’État d’engranger des revenus de près d’un milliard de dollars. Les 959 millions, pour être plus précis, représentent une augmentation de 21% sur 10 ans.
L’augmentation est moindre si l’on prend en compte la croissance démographique. En 2024, les Québécois ont dépensé 107 $ par habitant en billets de loterie, comparativement à 98 $ en 2014, soit une augmentation de 9,5 % sur 10 ans. Ces revenus, nets des dotations versées aux gagnants, incluent les achats de billets en ligne.
Le secteur des loteries représente environ le tiers des revenus totaux de Loto-Québec. Les deux tiers restants proviennent des casinos et des salles de jeux, d’une part, et des bars et établissements de jeux disposant d’appareils de loterie vidéo, d’autre part.
Explosion des revenus des casinos en ligne
Les revenus de ces deux derniers segments stagnent ou diminuent ces dernières années, à l’exclusion d’un segment en explosion : les casinos en ligne.
Entre 2018 et 2023, revenus des casinos en ligne Loto-Québec – Espacejeux. com – ont été multipliés par 4, passant de 64 millions à 270 millions. Les jeux en ligne ont explosé pendant la pandémie et n’ont pas reculé depuis.
Loto-Québec répète que ses jeux en ligne sont les seuls à être exploités en toute légalité au Québec. Une disposition du Code criminel interdit l’exploitation de jeux de hasard par des sociétés privées. Cependant, la loi est difficile à appliquer et les gouvernements provinciaux font preuve d’un certain laxisme.
Loto-Québec n’a pas réussi à faire interdire les sites privés par les tribunaux en 2018 et 2021. Pour contrer leur progression, elle s’est depuis assurée d’avoir l’exclusivité de la publicité sur les réseaux de télévision francophones, notamment lors des matchs. hockey, mais il ne contrôle pas l’offre sur les réseaux anglophones, diffusés principalement à l’extérieur du Québec.
L’Ontario a agi différemment. Elle propose des licences aux opérateurs privés de casinos virtuels, ce qui lui permettrait de garantir des pratiques responsables.
Loto-Québec, pour sa part, concurrence directement les sites privés, qui continuent d’avoir des activités au Québec. L’entreprise a également choisi de ne plus publier les revenus qu’elle tire de ses jeux, casinos et loteries en ligne, depuis la publication de ses derniers états financiers (2023-2024).
«Nous ne publions plus ces données, car ce sont des informations concurrentielles qui pourraient être utilisées contre nous», m’explique le porte-parole Renaud Dugas.
Seule mention dans le rapport annuel : « Le casino en ligne n’a cessé de gagner en popularité, notamment grâce à l’amélioration de l’expérience client et aux efforts de lutte contre les jeux illégaux. »
Bref, les Québécois ne pourront plus connaître la direction que prendra le jeu en ligne au Québec au cours des prochaines années, et c’est bien dommage.
Quoi qu’il en soit, les revenus totaux de Loto-Québec ont frôlé la barre des 3 milliards de dollars au cours des deux dernières années. Et le bénéfice net a dépassé 1,5 milliard pour une marge bénéficiaire nette supérieure à 50 %. Les profits sont presque entièrement reversés au gouvernement du Québec.
Malgré cette apparente bonne performance, les résultats de Loto-Québec sont tout à fait comparables à ceux des sociétés de loterie de l’Ontario (OLG) et des provinces de l’Atlantique (ALC), une fois calculés par habitant.
Loto-Québec gagne 327 $ de revenus par habitant et génère 169 $ de profits. Les chiffres comparables sont de 294 $ et 158 $ en Ontario.
BCLC en Colombie-Britannique est nettement plus rentable et WCLC (Prairies) beaucoup moins, mais les modèles commerciaux ne sont pas entièrement comparables. En Colombie-Britannique, par exemple, on compte 36 casinos, comparativement à 6 au Québec (incluant les 2 salles de jeux).
Avant de creuser, j’aurais parié que les Québécois investissaient moins d’argent dans les jeux de hasard que par le passé, avec l’augmentation du niveau d’éducation. Heureusement je n’ai pas parié, j’aurais perdu…
1. Le livre de 10 s’est vendu 5 $ et le jackpot était de 50 000 $. Le prix et le jackpot sont les mêmes aujourd’hui, étonnamment.