Après sa visite à Moscou, le chef du gouvernement slovaque, Robert Fico, a durci le ton à l’égard de l’Ukraine. Il s’agit de gaz naturel et de beaucoup d’argent.
Paul Flückiger, Varsovie/Bratislava / ch media
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Même Viktor Orbán, le dirigeant hongrois controversé souvent considéré comme pro-Kremlin, n’est pas allé aussi loin dans son discours. “Si l’Ukraine interrompt le transit du gaz russe, alors nous nous vengerons”, a lancé Robert Fico, menaçant directement Kiev. Et de préciser :
« Si nous n’avons pas le choix, nous couperons l’électricité dont l’Ukraine a désespérément besoin en raison des coupures de courant »
La suspension des livraisons depuis la Slovaquie est prévue pour le 1er janvier, date à laquelle expire le contrat de transit de gaz entre l’Ukraine et la Russie, signé en 2020. Au printemps, Kiev a annoncé qu’il n’était pas question de renouveler cet accord avec un pays en guerre contre elle.
Le gaz russe qui transite par la Slovaquie pour approvisionner l’Europe occidentale contribue néanmoins à financer les centaines de drones et de missiles que Moscou envoie chaque nuit en Ukraine. Ces attaques visent des infrastructures énergétiques civiles dans le but de plonger le pays dans le noir et de briser le moral des Ukrainiens, obligeant la population à céder.
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“Poutine a évidemment demandé à Fico d’ouvrir un deuxième front énergétique contre l’Ukraine”, a commenté amèrement le président Zelensky dans la nuit de samedi à dimanche. Il accuse également le chef du gouvernement slovaque d’agir au détriment de son propre peuple. Selon lui, La Slovaquie gagne 200 millions d’euros chaque année grâce à l’électricité qu’elle exporte vers l’Ukraine, un voisin clé. En effet, après la Hongrie et la Roumanie, la Slovaquie est le troisième fournisseur d’électricité de Kiev, représentant 19 % de ses importations.
Une visite controversée et des manifestations
Selon Zelensky, la menace du Premier ministre slovaque pro-russe et populiste de gauche n’est pas seulement un service amical rendu à Vladimir Poutine : il s’intéresse principalement à l’argent. Jusqu’à présent, la Slovaquie a gagné environ un demi-milliard d’euros par an grâce au transport du gaz naturel russe vers l’Europe occidentale.
Mais si le gaz ne transite plus par l’Ukraine faute de renouvellement du contrat avec Gazprom, le géant russe de l’énergie, La Slovaquie se retrouvera sans gaz bon marché à transporter. Même si cette situation est connue depuis plusieurs mois, Bratislava semblait miser sur un compromis de dernière minute. Fico aurait proposé à Zelensky une alternative à la mi-décembre : transporter du gaz depuis l’Azerbaïdjan via les infrastructures ukrainiennes pour approvisionner la Slovaquie.
Une autre option évoquée consisterait pour des intermédiaires européens à acheter du gaz russe à la frontière entre l’Ukraine et la Russie, avant de le transporter en Slovaquie. Kiev a cependant rejeté les deux propositions, même si elles auraient pu générer des revenus supplémentaires pour un pays économiquement affaibli par la guerre. Mais le pays reste ferme : « Pas de commerce avec notre agresseur ! »
Moscou, grand gagnant de la situation
Le Kremlin, de son côté, se réjouit de cette situation. En refusant le transit du gaz, l’Ukraine ne fait que renforcer les liens entre Moscou, la Slovaquie et la Hongrie. Ces deux membres de l’UE n’ont pas diversifié leurs sources d’approvisionnement énergétique depuis le début de l’invasion russe.
Si la Hongrie peut encore importer du gaz via le gazoduc TurkStream, qui traverse la Turquie, la Slovaquie n’a d’autre choix que de se tourner vers le gaz norvégien, nettement plus cher.
Face à cette crise, Fico s’est rendu à Moscou la semaine dernière. Là, il a demandé l’aide de Vladimir Poutine pour assurer les livraisons de gaz, a critiqué les aspirations de l’Ukraine à rejoindre l’OTAN et a proposé Bratislava comme lieu des futures négociations de paix entre Moscou et Kiev. “Nous voulons la paix, rien d’autre”, a-t-il tweeté aux Slovaques.
Mais ce voyage n’a pas été bien accueilli par tout le monde. De nombreux citoyens se sont rassemblés devant le siège du gouvernement pour exprimer leur mécontentement. Si les prix du gaz augmentent fortement en 2025 et que Fico perd la confiance du public, des élections anticipées pourraient bien être à l’ordre du jour.
Traduit et adapté de l’allemand par Léa Krejci
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