Le jour de Noël, un câble électrique sous-marin reliant la Finlande et l’Estonie est tombé en panne. La cause ? Samedi, les autorités finlandaises ont saisi un pétrolier russe battant pavillon des Îles Cook, qu’elles soupçonnent d’être à l’origine d’un sabotage.
Quelle est l’importance de la connexion EstLink 2, ce câble électrique en panne le 25 décembre dernier ?
C’est d’une grande importance, même si sa panne n’a pas affecté l’approvisionnement en électricité des Finlandais, a déclaré mercredi le Premier ministre finlandais, Petteri Orpo. Sa réparation pourrait prendre sept mois, selon l’opérateur national Fingrid. Le câble fait partie d’un réseau extrêmement sophistiqué d’interconnexions sous-marines en Europe, selon le site Internet de Nexans, l’un des plus grands sociétés de fils et câbles au monde.
Parmi les avantages apportés par ces artères : sécuriser et équilibrer les réseaux, transporter l’énergie excédentaire produite, mais aussi réduire le prix de l’électricité. Cette baisse des prix s’explique notamment par la diversification des sources d’énergie, qui augmente l’offre, et par une sécurité d’approvisionnement accrue.
Selon l’ancien diplomate canadien Ferry de Kerckhove, aujourd’hui professeur au Centre d’études de politiques internationales de l’Université d’Ottawa, la rupture délibérée de ces interconnexions constitue une nouvelle manifestation d’une forme de guerre. « Ces câbles sont d’une grande importance en termes de transmission de données et [leur rupture] peut vous empêcher de vivre correctement », se souvient-il.
L’Estonie a également envoyé des patrouilles en mer pour protéger son autre connexion électrique avec la Finlande, la liaison EstLink 1, afin d’éviter que cela ne se produise.
Pourquoi soupçonne-t-on un sabotage de la part de la Russie ?
Car cet événement pourrait être le dernier dans la guerre « hybride » que mènent la Russie et les pays de l’Otan depuis le début de la guerre en Ukraine, explique Ferry de Kerckhove. « C’est une intensification de la guerre qui vise l’Ukraine, mais qui vise désormais aussi le monde occidental », observe-t-il.
Ce n’est d’ailleurs pas le premier événement de cette nature à se produire ces dernières années. Il y a un peu plus d’un mois, deux câbles de télécommunications ont été sectionnés dans les eaux territoriales suédoises dans des circonstances similaires, et les soupçons se sont portés sur un navire chinois qui se trouvait dans la zone au moment de la rupture.
Cette fois c’est le navire pétrolier Aigle Sd’origine russe, qui est soupçonné d’être à l’origine de l’incident et qui appartiendrait à la « flotte fantôme » russe. “C’est certainement quelque chose qui peut être délibéré de la part de la Russie”, a déclaré M. de Kerckhove. Au lendemain de la rupture du câble, le 26 décembre, le bateau a été arraisonné et transporté sous escorte vers une ville proche d’Helsinki, avant d’être saisi dans la journée de samedi.
Qu’entend-on par « flotte fantôme » ?
Une flotte de navires russes qui exportent illégalement du pétrole est qualifiée de « flotte fantôme » car ils contournent les sanctions imposées par certains pays occidentaux en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, explique M. de Kerckhove. Selon le gouvernement britannique, cette flotte comptait environ 600 navires russes en juillet, et ce phénomène ne cesse de s’accentuer.
Cela signifie que la puissance maritime reste essentielle, souligne M. de Kerckhove. “Il est essentiel de protéger les câbles, mais aussi simplement d’assurer une surveillance supplémentaire à ceux qui, au fond, tentent d’échapper aux sanctions qui sont imposées notamment sur le pétrole et le gaz”, ajoute-t-il.
L’Aigle S comprend également toutes les caractéristiques de ces bateaux. S’il est confirmé, ce serait le premier cas connu d’utilisation d’un navire de la Shadow Fleet pour saboter intentionnellement des infrastructures critiques en Europe.
Quelles sont les conséquences géopolitiques possibles ?
Si la sécurisation du câble EstLink 1 sera assurée par l’Estonie, l’Otan a annoncé vendredi qu’elle renforcerait également sa présence militaire en mer Baltique. Ferry de Kerckhove souligne que les membres de l’OTAN pourraient également être tentés de renforcer les sanctions qu’ils ont déjà imposées à la Russie. C’est ce que compte faire l’Union européenne, a-t-elle annoncé jeudi.
Elle a également condamné toute destruction délibérée des infrastructures essentielles de l’Europe. D’après une analyse de New York Timessi le sabotage était confirmé, cela constituerait une nette escalade de la part de la Russie dans le conflit.
Avec l’Agence - et le New York Times