Pour certaines joueuses, s’engager dans un club européen après avoir passé une saison entière dans la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) peut ressembler à un aveu d’échec.
Pas pour Maude Poulin-Labelle. D’une part, parce qu’elle a elle-même choisi de s’exiler, après avoir refusé une offre de contrat à Boston. Et d’autre part, parce qu’avec Brynäs IF, dans le championnat suédois, elle a l’opportunité de faire ce qu’elle a très peu fait l’année dernière : jouer.
À l’autre bout du fil, le ton est frénétique. Et notre interlocuteur, volubile. La Sherbrookoise plaisante sur la difficulté qu’elle a à trouver « des heures normales de sommeil ». Sa vie a radicalement changé il y a quelques semaines, et elle est loin de s’en plaindre. Elle se voit faire un pas de côté – de 5 700 km, tout de même – mais pas un pas en arrière.
Même si la Québécoise a disputé la saison inaugurale du LPHF à Toronto, elle a dû se contenter, en novembre dernier, d’une invitation sans contrat au camp Fleet de Boston. À la fin du camp, on lui a demandé de rester, mais comme joueuse de réserve. Ce qu’elle a refusé. En acceptant, elle aurait participé à un entraînement en équipe, mais sans aucune garantie, en attendant qu’un joueur régulier se blesse. Quant à s’éloigner de chez soi, ce n’était pas très attrayant.
Le 26 novembre, elle rejette poliment la proposition de la Flotte. Le même jour, elle s’est entretenue avec le directeur général de Brynäs IF. Une semaine plus tard, elle est arrivée à Gävle, en Suède, où sa nouvelle organisation participe à ses jeux locaux. Et après deux matches, elle avait déjà engrangé cinq points.
Au sein du deuxième duo défensif, elle obtient rapidement de belles responsabilités. Cependant, malgré l’euphorie du début, elle n’a pu s’empêcher de faire un constat sévère.
«Quand je suis arrivé sur la glace, j’ai réalisé que j’avais perdu confiance plus que je ne le pensais. »
En soutien à Toronto
Cette dernière remarque mérite un peu de contexte. Car même si la Québécoise insiste pour parler positivement de son expérience au sein du LPHF, les 12 derniers mois lui ont demandé beaucoup d’humilité. Et surtout de la patience.
Après une carrière universitaire réussie aux États-Unis, elle est sélectionnée pour le 10e tournée à travers Montréal (55e au total) dans le projet inaugural du circuit. C’est pourtant à Toronto qu’elle a signé un contrat juste avant le début de la campagne 2023-2024.
Dans la Ville Reine, on lui confie un pâle second rôle. Puisque la ligue permet aux équipes d’insérer sept gardes dans l’alignement lors d’un match, elle jouait parfois quelques minutes, voire quelques secondes, dans certains matchs. Au final, elle a participé à 11 matches sans récolter de points. Ce n’est pas exactement ce à quoi s’attendait ce défenseur offensif qui totalisait 106 points en 155 matchs dans la NCAA.
Ce retrait lui a permis de voir à quel point elle avait « des choses à travailler pour jouer dans ce championnat ». Sur le plan défensif, notamment. À Toronto, entourée des joueurs et des membres du staff de l’équipe nationale, elle s’est mise à la tâche.
En territoire défensif, je pensais sortir de la zone plutôt que bien défendre, même si je n’avais pas la rondelle. Je n’aurais jamais cru que j’apprendrais autant en un an. C’était super positif, même si je n’ai pas beaucoup joué.
Maude Poulin-Labelle, à sa première saison professionnelle à Toronto
Sa déception, elle ne le cache pas, a été de ne pas pouvoir montrer le fruit de ses efforts comme elle l’aurait souhaité. Au camp Fleet, avec un seul poste disponible en défense, elle a bénéficié d’une visibilité limitée, y compris lors des deux matchs hors-concours du club.
C’est également à Boston qu’elle a remarqué que sa confiance vacillait en possession du disque, pourtant l’une des situations dans lesquelles elle se sent habituellement le plus à l’aise. « Je n’ai pas été aussi patient que d’habitude, je sais que j’aurais pu faire de meilleurs jeux. »
À bras ouverts en Suède
Dans ces circonstances, ce n’était pas une décision difficile à prendre lorsqu’on lui a proposé un poste de réserviste. « J’ai senti à ce moment-là qu’il valait mieux refuser. »
D’anciens coéquipiers lui avaient parlé de Brynäs et la PDG Erika Grahm avait entendu parler d’elle. L’accord n’a pas été difficile à mettre en place.
À son arrivée, elle a été accueillie à bras ouverts, raconte-t-elle, même si rejoindre un groupe établi en pleine saison n’est pas forcément évident.
“Ces filles ont joué une demi-saison et cela faisait longtemps que je n’avais pas joué un vrai match”, se souvient-elle. Alors je prends les choses lentement. »
Même si noircir rapidement la feuille de match lui a procuré un certain « soulagement », elle entame ce nouveau défi avec une vision plus mature de son sport et de son poste. Alors, elle ne se laisse pas tromper par son excellent départ sur le plan offensif.
«Quand j’étais plus jeune, j’abordais un match en me disant que si je récoltais des points, on allait gagner», raconte-t-elle. Aujourd’hui, je me rends compte qu’en jouant jeu plus défensivement et en saisissant les bonnes opportunités lorsqu’elles se présentent, sans les forcer, le reste viendra tout seul. Si nous gagnons 1-0, mais j’ai bien joué, je serai content. »
Finalement, même si les rumeurs persistent concernant un agrandissement du LPHF, Maude Poulin-Labelle garde les yeux tournés vers la Suède, et vers rien d’autre.
“Mon objectif est de remporter un championnat ici, et l’année prochaine, quoi qu’il arrive, il arrivera”, a-t-elle conclu. Je veux m’amuser et avoir un impact. Je suis vraiment dans le moment présent. Je suis juste heureux d’être ici. »