Et voici la motion de censure. Ce mercredi 4 décembre, moins de trois mois après sa prise de fonction (il a été nommé le 5 septembre), Michel Barnier devrait vivre son dernier jour en tant que Premier ministre.
En effet, après avoir voté le budget de la sécurité sociale à travers l’article 49-3 de la Constitution (qui permet d’éviter un vote des députés), le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national ont déposé des motions de censure contre le Gouvernement.
C’est à partir de 16 heures que ces deux textes seront examinés à l’Assemblée et, selon les dernières déclarations, le texte de gauche devrait obtenir la majorité des voix (puisque le bloc RN devrait également voter pour ce texte). Ce qui serait une première depuis 1962.
Somme : Un 5/5 pour la motion de censure ?
Dans la Somme, les deux députés de gauche, François Ruffin et Zahia Hamdane, se sont officiellement positionnés pour la censure du Gouvernement.
Le leader de Picardie Debout juge la situation : « Aller choisir un homme de LR alors que les Républicains sont si faibles est une contradiction dans les termes. Nous avons besoin d’un gouvernement avec une orientation différente. Mais nous ne sortirons pas de cette situation grâce aux institutions, nous avons besoin d’un retour au peuple.»
En effet, François Ruffin appelle à la démission d’Emmanuel Macron : « Il devrait penser à démissionner. Cette situation me rappelle 1788 avec un blocage politique et budgétaire. A l’époque, on s’en est sorti grâce aux États généraux. Pensons-y.
Zahia Hamdane, députée LFI de la Somme, rencontre également aujourd’hui Michel Barnier pour voter la censure : « Il aurait pu faire preuve d’une certaine dignité. Au lieu de cela, il choisit la plainte et l’incohérence. » commente-t-elle après l’interview donnée par le Premier ministre sur TF1 et France 2 à 20 heures
Restent ensuite les trois députés du Rassemblement national, Mathias Renault, Jean-Philippe Tanguy et Yaël Ménache.
Ce mercredi matin, ils votent encore la motion de censure déposée par le Nouveau Front populaire.
Des doutes chez le RN ?
Trois raisons selon Matthias Renault : « 1. Peur du changement. 2. Le poids concret du RN dans la vie politique, bien supérieur au sien. 3. Le fait que nous ne nous laissons pas acheter, comme des amateurs, par les vanités du pouvoir.»
Quant à Yaël Ménache (députée de la cinquième circonscription de la Somme), elle appelle à la responsabilité.
Invité ce mercredi matin sur BFM TV, Jean-Philippe Tanguy a été interrogé sur la possibilité de ne pas voter le texte de LFI qui présente le RN comme un parti d’extrême droite aux « viles obsessions ».
Le député a balayé cet argument : « Nous n’allons pas voter pour cela. Le règlement de l’Assemblée nationale dit qu’une motion de censure n’a pas besoin de texte. Nous ne votons pas pour le texte de LFI mais pour la censure du Gouvernement. Je me fiche de la façon dont ils parlent de nous.
Mais Marine Le Pen a également évoqué ce doute hier soir.
Oise : Eric Woerth se distingue
Avec six députés Rassemblement national (sur les 7 circonscriptions du département de l’Oise), le vote devrait donc recevoir la même adhésion dans le département. Claire Marais-Beuil, Philippe Ballard, Alexandre Sabatou, Frédéric-Pierre Vos, Michel Guiniot et David Magnier devraient donc voter. « Nous voulons bloquer ce budget qui augmente les impôts et frappe les plus vulnérables. Cela n’a absolument rien à voir avec une alliance avec le NFP.» commente par exemple Philippe Ballard.
Seul Eric Woerth (député du bloc gouvernemental) devrait s’opposer à la censure du gouvernement. “Ceux qui décideront de voter pour décideront, au fond, d’envoyer notre pays dans un endroit qu’on ne connaît pas”, assure-t-il ce dimanche matin au micro d’Europe 1.
Le précédent de 1962
20 septembre : Dans une allocution télévisée, le général de Gaulle annonce vouloir instaurer l’élection du Président de la République au suffrage universel direct et non plus par les parlementaires. La gauche et le centre s’y opposent.
4 octobre : Une motion de censure est déposée contre le gouvernement Pompidou. “C’est la République qui répond à votre projet car le vote d’aujourd’hui comptera dans l’histoire” a lancé Paul Reynaud, député de la centrale nationale des indépendants et des paysans, dans l’hémicycle. La censure est votée.
Georges Pompidou est renversé et présente sa démission au Président. Ce dernier a dissous l’Assemblée nationale et a demandé qu’elle reste en place pendant la campagne.
Aux élections législatives anticipées, les gaullistes arrivent largement en tête et le général de Gaulle nomme Pompidou à Matignon. Il y restera jusqu’en 1968.
Budget sécurité
Edito de Jean-Pierre de Kerraoul
Alors qu’on se demande si on finira l’année avec un gouvernement, la tectonique géostratégique des plaques fait son œuvre, sous la double pression de l’élection de Donald Trump et de la guerre en Ukraine. Le retour du premier n’a pas tardé à inquiéter en Europe, ni à saisir un moteur franco-allemand déjà toussant.
Sur l’attitude à adopter avec la Chine, la Russie ou sur le Mercosur, Berlin privilégie l’angle commercial, sans trop se soucier des conséquences politiques ; C’est ainsi que le chancelier Scholz a renoué avec Vladimir Poutine, cherchant une issue à la crise, ce que refusent ses homologues européens. Sous la pression d’une guerre commerciale très dure, promise par Trump, l’Allemagne semble jouer seule, inquiète des mesures de représailles chinoises ou américaines contre son industrie automobile en difficulté.
L’instabilité politique en France comme outre-Rhin ne facilite pas les choses et le déficit budgétaire français n’incite pas nos voisins à cofinancer par un emprunt européen le gros effort de compétitivité nécessaire pour rattraper les Etats-Unis.
A l’inverse, un rapprochement avec le Royaume-Uni est en cours. Pragmatique, le nouveau Premier ministre britannique Keir Starmer a renoncé aux rêves de grandeur impériale retrouvée et ne compte pas sur la générosité trumpienne. Elle cherche donc à établir de bons accords avec ses voisins de l’UE, notamment la France.
Paris et Londres partagent également la même position ferme à l’égard de l’Ukraine, convaincus qu’une victoire de facto de Poutine serait une catastrophe pour l’ensemble de l’Europe. Les deux capitales ont convenu d’utiliser leurs missiles à longue portée vers l’intérieur de la Russie et seraient prêtes à envoyer des troupes en Ukraine, dans les conditions internationales, au moins comme force d’interposition.
L’Europe de la défense, plus nécessaire que jamais, sera d’abord celle des deux meilleures armées, française et britannique, capables d’en entraîner d’autres avec elles et d’opposer ainsi une puissance suffisante à Moscou. C’est évidemment un choix politique majeur, c’est aussi un problème financier à suivre en matière de gestion. Pour notre sécurité, il vaudrait mieux avoir un budget.