La décision des États-Unis de fournir des mines antipersonnel à l’Ukraine est “injustifiable”, ont dénoncé mercredi des ONG, soulignant les conséquences à long terme pour les civils de ces armes interdites au niveau international, même si elles visent à ralentir l’avancée du pays. Russe sur le territoire ukrainien.
• Lisez également : « Décision désastreuse » : mines antipersonnel fournies par les États-Unis à l’Ukraine
• Lisez également : L’Ukraine critique la fermeture des ambassades : la menace russe est « quotidienne »
Enfouies ou cachées au sol, les mines antipersonnel explosent lorsqu’une personne s’en approche ou entre en contact avec elles, provoquant souvent des mutilations, voire la mort.
Ils “ne savent pas faire la différence entre militaires et civils” et continuent d’exploser longtemps après leur installation au contact d’agriculteurs voire d’enfants, déplore Alma Taslidzan, de l’ONG Handicap international, interrogée par l’AFP.
Ces armes ne sont « pas éthiques », regrette cette experte de Bosnie-Herzégovine, pays où, dit-elle, « la contamination (par les mines) reste massive 30 ans après la guerre », malgré les millions d’euros dépensés pour le déminage. .
Quelque 164 États et territoires, dont l’Ukraine, ont signé la Convention d’Ottawa de 1997 sur l’interdiction et l’élimination des mines antipersonnel. Mais ni la Russie ni les Etats-Unis n’ont ratifié ce texte.
L’armée russe a également utilisé “largement” ces explosifs sur le territoire ukrainien depuis l’invasion à grande échelle de février 2022, avec “au moins 13 types de mines antipersonnel déployées”, souligne un rapport mondial publié mercredi par l’Observatoire des mines.
Des « informations crédibles » indiquent également que les forces ukrainiennes les ont utilisées, note cette branche de recherche de la Campagne internationale pour interdire les mines terrestres (ICBL), un réseau d’organisations non gouvernementales.
Morts et blessés
Selon ce bilan, au moins 580 Ukrainiens ont été tués ou blessés par des mines antipersonnel ou des restes explosifs en 2023, faisant de l’Ukraine le quatrième pays au monde le plus touché par ce fléau.
Alors que l’armée ukrainienne semble en déclin face aux forces de Moscou, les partisans de ces mines « pourraient faire valoir qu’elles servent d’outil de défense pour ralentir ou bloquer les forces d’invasion », estime Alma Taslidzan.
Mais les « conséquences à long terme (…) l’emportent sur les bénéfices militaires à court terme », estime-t-elle, et il est donc « injustifiable » d’utiliser ces armes qui continueront à frapper des civils « pendant des années et des années ». des décennies après le conflit.
Selon Washington, ceux envoyés à Kiev seront « non persistants », c’est-à-dire équipés d’un dispositif d’autodestruction ou d’auto-désactivation censé limiter les pertes civiles sur le long terme.
Cependant, ces « mécanismes d’autodestruction ou d’autodésactivation ne sont pas fiables à 100 % » et n’offrent aucune garantie absolue qu’ils n’exploseront pas au passage de civils ou, plus tard, en présence de démineurs. travail, estime Mme Taslidzan.
D’autant que les Etats-Unis ont cessé d’utiliser des mines antipersonnel en 1991, ont cessé de les exporter en 1992 et d’en produire en 1997, souligne Mary Wareham, de l’ONG Human Rights Watch.
Des mines « obsolètes » ?
Les explosifs destinés à l’Ukraine sont donc des “mines antipersonnel obsolètes encore dans les stocks américains”, âgées d’au moins 27 ans, dont les “batteries se détériorent avec l’âge”, explique à l’AFP l’experte, qui se dit “même pas sûre qu’elles le seront”. fonctionne comme prévu ».
Sous Barack Obama, les Etats-Unis avaient décidé « de ne pas prolonger ni modifier la durée de vie des batteries » de ces mines qui devaient « expirer au début des années 2030 », rappelle-t-elle.
L’administration Biden avait alors annoncé en juin 2022 renoncer à leur utilisation en dehors de la péninsule coréenne, s’engageant à ne plus les développer, les produire ou les exporter.
Et Mary Wareham a trouvé « stupéfiant que la Maison Blanche semble désormais revenir sur sa propre politique d’élimination des mines antipersonnel pour les transférer en Ukraine, qui est elle-même membre du traité les interdisant ».
Même si ces armes étaient efficaces pour empêcher les troupes russes d’avancer, les armes « chimiques » ou « nucléaires » seraient également efficaces « et pourtant nous ne suivons pas cette voie », insiste-t-elle.
Le soutien financier et militaire des Etats-Unis à l’Ukraine, “indispensable”, selon l’expert de HRW, ne doit pas la libérer “des règles de la guerre”.
« Certaines armes ont été jugées inacceptables aux yeux du monde et au regard du droit international humanitaire, et les mines terrestres antipersonnel en font partie », dit-elle.
Si Washington les remettait en pratique, cela « affaiblirait réellement » la Convention d’Ottawa et « donnerait une excuse à d’autres États pour violer également le traité », craint Alma Taslidzan de Handicap International.
La décision américaine est « désastreuse », a écrit la Campagne internationale pour interdire les mines terrestres (ICBL) dans un communiqué transmis à l’AFP. « L’Ukraine doit faire clairement savoir qu’elle ne peut pas et n’acceptera pas ces armes. »