Une plongée au cœur des arcanes du PSG, avec François Vignolle

Comment vous est venue l’idée de travailler au PSG ?

François Vignolle : Avec Laurent Valdiguié, mon co-auteur, nous avions déjà écrit un livre intitulé « Gérald Darmanin, le baron noir du président ». Nous réfléchissions à un autre projet, et nous observions cette actualité quotidienne du Paris Saint-Germain. On s’est dit : «Mais c’est bien plus que le football, le PSG« C’est de la géopolitique, de la politique, c’est une marque mondiale, c’est aussi du business. Nous sommes donc partis de cette idée.

Pourquoi avoir choisi ce terme « barbouzeries » en sous-titre, qu’on entend quasi exclusivement lié au PSG ? Que définit-il ?

VM : Les barbouzeries sont des affaires occultes, menées par des personnes pas forcément amicales. Au cours de notre enquête, nous avons tout de même rencontré trois personnes condamnées à mort par le Qatar, pour des crimes présumés : c’était la première fois que Laurent et moi prenions rendez-vous avec des personnes condamnées à mort. Pourtant, nous avions déjà travaillé sur des sujets sensibles. Pour nous, voir ces trois hommes a demandé beaucoup de précautions, ils ne partent plus à l’étranger car ils ont peur d’être ramenés au Qatar et de se faire tirer dessus.

Le parcours de Nasser Al-Khelaïfi jusqu’à son arrivée à la tête du PSG fait partie des chapitres de « PSG Confidentiel ».

Crédit : Getty Images

C’était la première fois que nous prenions rendez-vous avec des condamnés à mort

Il y a l’ancien majordome et homme à tout faire de Nasser Al-Khelaïfi, qui affirme qu’il n’a pas été payé à la hauteur de ce qu’il a fait. Il y a un consultant français, soupçonné par les Qataris d’avoir utilisé une clé USB contenant des vidéos intimes de Nasser. Il est soupçonné par Doha d’avoir voulu monétiser des vidéos intimes de Nasser aux Émirats arabes unis. Ce qu’il nie catégoriquement, se disant victime d’une cabale. Et c’est ainsi qu’on passe d’un conte des mille et une nuits, au moment où le Qatar arrive au PSG, à un roman d’espionnage de John Le Carré, avec trois personnages dont la vie est en sursis.

A l’heure où nous parlons (le 7 juin, ndlr), la dernière nouvelle concernant tout ce qui concerne le PSG est l’audition par l’Inspection générale de la police nationale comme témoin libre d’Hugues Renson, ex-adjoint, dans le cadre de l’enquête. enquête sur le transfert de Neymar en 2017. Pouvez-vous nous résumer cette affaire ?

VM : Nous sommes à l’été 2017, le PSG veut faire un grand pas. Il veut le meilleur joueur, ou du moins l’un des meilleurs joueurs du monde au FC Barcelone : Neymar. Les Qataris en ont fait leur objectif. Neymar dispose toutefois d’une clause libératoire très élevée, pour dissuader d’autres clubs de l’acheter : 222 millions d’euros. Pour lever cette clause, en principe, c’est le joueur qui doit en premier payer. En effet, c’est le club acheteur qui reverse cette somme à son futur joueur afin qu’il règle sa clause libératoire.

Mais fiscalement, en France, cela pose problème car on peut considérer qu’il s’agit d’une avance sur salaire, qui est donc soumise à l’impôt et aux cotisations sociales. Là, ça s’agite au PSG : 222 millions d’euros, c’est déjà beaucoup, mais s’il faut dépenser, selon leurs estimations, 70 à 200 millions d’euros de plus, ce n’est tout simplement pas possible pour eux.

Commence un travail de lobbying. Jean-Martial Ribes, alors directeur de la communication du PSG, a contacté un proche qui s’appelle Hugues Renson, alors député de La République en marche et vice-président de l’Assemblée nationale. C’est un fan du PSG, il adore le club. Par SMS, Hugues Renson a déjà dit à plusieurs reprises à Ribes : «Si un jour il y a du boulot au PSG, je viendrai tout de suite, je quitterai mon poste d’adjoint.» Le PSG n’a plus de temps à perdre : Ribes lui demande de voir avec Bercy (le ministère de l’Économie et des Finances, ndlr) pour savoir s’il est possible d’avoir un accord avec le fisc, afin de ne pas payer de charges sur le transfert Renson a contacté Gérald Darmanin, alors ministre des Comptes publics.finalement, le club n’a pas payé d’impôts sur ces 222 millions d’euros. Aujourd’hui, la justice tente de déterminer si le club a bénéficié légalement de cet avantage fiscal sans trafic d’influence.

Si l’on aborde l’aspect sportif, cette saison 2023-2024 a marqué un tournant dans la mesure où l’objectif de la Ligue des Champions n’était pas affiché par la direction en début de saison. Pensez-vous qu’il s’agit d’un changement majeur dans la stratégie du club ?

VM : J’ai l’habitude de dire qu’il n’y a pas d’amour, seulement des preuves d’amour, alors nous verrons ce qui se passera ensuite. Mais quand j’ai rencontré Victoriano Melero (membre du directoire du PSG, ndlr) en janvier, il m’a vite dit : «Nous voulons construire un groupe. La Ligue des champions n’est plus une obsession.“David Sugden (le bras droit de Nasser Al-Khelaïfi, ndlr) nous a répété la même chose :”Nous voulons évidemment gagner la Ligue des champions. Mais tel n’est pas notre objectif ultime. Il s’agit davantage de la façon dont nous jouons au football, de la façon dont les supporters sont engagés, de la façon dont les jeunes nous suivent. C’est une nouvelle philosophie

Selon moi, le Qatar a cependant connu une petite humiliation – même s’il ne nous le dit pas – concernant la victoire de Guardiola en Ligue des champions (en 2022-2023) avec Manchester City sous pavillon des Émirats arabes unis, grand rival du Qatar. Et ils se sont peut-être rendu compte qu’il y avait eu un gros turnover chez eux : 8 entraîneurs en 13 ans. Avec, selon moi, une faute originale dans la gestion de Carlo Ancelotti, qui vient de remporter une nouvelle Ligue des champions avec le Real cette année.

Le Qatar a connu une petite humiliation avec la victoire de Manchester City en Ligue des Champions

VM : Carlo Ancelotti arrive de Chelsea à l’hiver 2011-2012. Nous lui avons vendu un projet d’envergure, avec du temps, un budget peut-être pas illimité mais très ambitieux… Tout cela lui va très bien. Et en mars 2013, il y a eu ce match au stade Auguste-Delaune, pour la 27e journée de championnat. Ce jour-là, le PSG s’incline face à Reims, réduit à 10 hommes. Lavezzi a raté un face-à-face, Ibrahimovic a marqué un but puis a refusé pour un hors-jeu contesté… Les amateurs de football le savent bien : quand on ne veut pas, on ne veut pas.

Nasser Al-Khelaïfi et Carlo Ancelotti célèbrent le titre de la saison 2012-2013. L’épisode rémois aura terni leur relation en début de saison.

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Pourquoi le PSG aurait-il compris ça maintenant ?

VM : Ils me donnent l’impression de vouloir apporter de la stabilité, de vouloir privilégier un modèle axé sur l’Île-de-France avec leur superbe centre de Poissy. Ils ont une nouvelle figure qui a la tête sur les épaules : Warren Zaïre-Emery. Ils veulent s’appuyer sur le vivier de joueurs représenté par la région et sur des recrues internationales prêtes à se fondre dans un collectif. Les marchés de transfert sont un peu plus intelligents, pas forcément pour se développer d’un point de vue marketing. Ils l’ont déjà gagnée, la Marketing Champions League, et cela aurait pu leur être préjudiciable. Je pense à Vitinha, moins bling-bling mais qui a un bon état d’esprit, un sentiment de cohésion. Et puis, ils ont un super coach avec un gros caractère qu’ils espèrent installer sur le long terme (Luis Enrique, ndlr). L’année prochaine, c’est la première saison sans une « mégastar » du calibre de Zlatan Ibrahimovic, Lionel Messi, Neymar ou Kylian Mbappé. Un peu comme s’ils avaient en quelque sorte appuyé sur le bouton « reset ».

Les marchés de transfert sont un peu plus intelligents, pas forcément pour se développer d’un point de vue marketing. Ils l’ont déjà gagnée, la Marketing Champions League

Kylian Mbappé, en effet, est parti au Real Madrid, après plusieurs années d’un feuilleton inédit qui a ridiculisé le PSG à plusieurs reprises. Son cas n’illustre-t-il pas toute la problématique d’un club au sein duquel on ne savait plus très bien qui détenait réellement le pouvoir ?

VM : Bien sûr. Paris est un grand club, mais n’est pas une institution, comme le Bayern Munich, le Real Madrid ou le Barça. C’est désormais ce qu’ils visent. Être une institution dont l’autorité ne peut plus être érodée. C’est, parfois aussi, Nasser qui a outrepassé l’autorité de l’entraîneur. Mbappé, avec d’autres, illustre le fait qu’à un moment donné, il était au-dessus de tout. Mais pourquoi ? Parce qu’il a reçu les pleins pouvoirs. L’émir du Qatar s’est dit : le Barça avait son Messi, le Real son Ronaldo, nous aurons notre Mbappé. Quelques mois avant la Coupe du monde au Qatar, en avril 2022, l’émir avait proposé à la mère de Mbappé un contrat en or, et Mbappé l’avait prolongé en mai 2022 pour deux ans, plus un en option. Et le fait de ne plus pouvoir aujourd’hui se centrer autour de Mbappé les oblige à changer de stratégie sportive puisque l’équipe avait été construite pour lui, autour de lui, ce qui les oblige aussi à changer de stratégie globale, au niveau du club.

Est-ce que ça a été difficile de travailler au PSG ? Vous attendiez-vous, au début de votre enquête, à travailler sur autant de dossiers en même temps ?

VM : Avec Laurent, nous ne sommes pas des journalistes sportifs même si j’adore le football. On s’est rendu compte que c’était difficile de travailler comme journaliste sportif au PSG, car tout est cadenassé. Pour avoir des informations, c’est compliqué, il faut un match à chroniquer. C’est toujours la même chose, à Paris comme ailleurs : « Si vous nous dérangez, vous n’aurez plus d’informations. » Pour nous, c’était un avantage et un inconvénient. Inconvénient, car il a fallu chercher des sources : agents, joueurs, staff, on ne les connaissait pas. Mais c’était aussi un avantage, car nous avons pu poser toutes les questions et aller jusqu’au bout.

Warren Zaïre-Emery, nouvelle figure de proue du PSG, est sous contrat jusqu’en 2029.

Crédit : Getty Images

 
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