LLa Charente-Maritime prendra-t-elle un jour des allures de Provence ou d’Espagne avec des champs d’oliviers en fleurs au printemps ? Le changement climatique en cours, avec une hausse des températures moyennes, pourrait le suggérer. Et c’est qu’à l’instar de leurs confrères girondins, pour la Nouvelle-Aquitaine, de plus en plus d’agriculteurs s’intéressent à la production d’un fruit riche en lipides souvent associé, dans l’esprit de consommateur, au climat méditerranéen.
« L’année dernière, j’ai reçu une quinzaine d’appels à projets ou d’informations, dont deux ou trois demandes charentaises mais limitrophes du département », explique Julia Crombez, conseillère arboriculture à la Chambre de commerce. agriculture de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres. Il s’agit le plus souvent de viticulteurs, maraîchers et céréaliers qui souhaitent ou viennent de planter des oliviers pour diversifier ou remplacer une production. »
L’urgence de faire face à la crise du vin dans le Bordelais donne à la Chambre d’Agriculture de Gironde une longueur d’avance dans la région. Des techniciens ont été formés aux subtilités de l’olivier cultivé. Depuis 2023, ils sont heureux d’accueillir des Charentais-Maritimes pour des stages de deux jours sur les bases techniques et économiques de l’oléiculture. Mais l’année dernière, une première réunion s’est tenue à Saintes, autour de l’arrivée d’un élu varois. Un signe de prise en compte des attentes locales.
Agriculteur ouvert aux nouvelles pratiques et cultures à Dompierre-sur-Mer, Eric Boulerne était là. En 2021, l’exploitant de la ferme de la Moinerie a commencé à planter des oliviers sur une parcelle de 7,5 hectares auparavant dédiée aux plantes aromatiques en agriculture biologique. Aujourd’hui, 6,5 hectares sont plantés, avec différentes variétés françaises et espagnoles, et « s’il faut aller à 20 ou 30 hectares supplémentaires, c’est possible ». Les premières récoltes, sur environ 200 pieds, n’auront lieu que dans deux ans. Donc pour l’instant, « c’est encore une expérience et j’apprends ».
Attention à l’humidité
Certaines données de base sont encourageantes. D’abord, un niveau d’ensoleillement dans la région rochelaise proche, statistiquement, de ceux de Toulon et de Montpellier, dans un contexte général de hausse des températures moyennes. Ensuite, la douceur du climat océanique qui limite les risques de fortes gelées. Enfin, la présence d’un sol filtrant, plutôt calcaire. « Les oliviers n’aiment pas avoir leurs racines dans l’eau stagnante. »
-Des pluies régulières empêchent l’arrosage. Mais trop de pluie, comme cela a pu être le cas en 2024, favorise les maladies sur un arbre propice à la production biologique car il nécessite généralement peu de traitement. En termes d’humidité, le brouillard constitue un autre danger. Au printemps, cela ralentit effectivement la pollinisation par le vent. Cependant, l’agriculteur constate que le brouillard s’infiltre de plus en plus souvent dans le paysage.
Quelles variétés privilégier (arbéquine, arbosane, aglandau, bouteillan…) ? Faut-il cultiver comme en Provence, avec des arbres bien espacés, ou créer des haies fruitières plus productives où la cueillette peut se faire mécanisée ? De nombreuses questions se posent bien au nord de la zone de production habituelle. Avec des prévisions de récolte difficiles à établir donc.
Les débuts d’un secteur
Arthur Constancin, créateur de L’Oliv’Ré en 2020, en fait l’expérience. Le jeune homme, qui possède aujourd’hui 5 hectares à Sainte-Marie-de-Ré, La Flotte et Le Bois-Plage, pour une douzaine de cépages différents, a réalisé sa première récolte à l’automne dernier. Il ne précise pas le résultat. Mais « avec les pluies torrentielles que nous avons eues durant l’année, c’est un peu moins que ce que j’espérais… » Les olives sont conservées ou transformées (huile et tapenade), en association avec celles du domaine La Niña qu’il possède en Espagne. Pyrénées.
Des pionniers ont défriché les terres dans les années 2000 et 2010, dont Pascal Lemoine à Loix et Marie-Madeleine Giribaldi à Saint-Sorlin-de-Conac. Et depuis trois ans, « une dizaine d’agriculteurs ont planté », constate Julia Crombez pour la Chambre d’agriculture. La Charente-Maritime commence ainsi à se doter de la culture de l’oléiculture, et les prémices d’une filière régionale apparaissent. Une association de promotion et de professionnalisation de la culture et de la transformation des olives appelée Oléiculteurs Nouvelle-Aquitaine a été créée, en Gironde, en août 2024.