Un alignement planétaire rare aura lieu au printemps. Résultat : les anneaux de Saturne seront quasiment invisibles depuis la Terre. C’est l’occasion de faire le point sur l’origine de ces anneaux, qui devraient réellement disparaître d’ici environ… 100 millions d’années.
Des anneaux presque invisibles
Tous les 13 à 15 ans, Saturne présente ses anneaux latéraux à la Terre. Comme ils sont très fins, ils sont pratiquement impossibles à voir. Cela aura lieu le 23 mars.
«Voir Saturne avec ses anneaux est l’un des spectacles les plus impressionnants de l’astronomie amateur», explique Robert Saint-Jean, de la Société d’astronomie de la Montérégie (SAMO). « Alors ne plus les voir, c’est frappant. »
Les anneaux les plus épais font moins de 40 mètres, et les plus fins, quelques mètres seulement, note Olivier Hernandez, directeur du Planétarium de Montréal.
« Voir l’évolution des planètes est l’un des grands plaisirs de l’astronomie amateur », explique M. Hernandez. On peut par exemple observer les mouvements de la tache rouge de Jupiter. Ou voyez Saturne changer d’apparence en fonction de la position de ses anneaux par rapport à la Terre. »
Uranus et Neptune ont également des anneaux, mais ils sont beaucoup moins visibles depuis la Terre.
Le défilé des sept planètes
Un alignement plus fréquent (le dernier remonte à avril dernier) permettra, le 28 février, d’apercevoir sept planètes dans le ciel.
«Actuellement, nous pouvons voir six planètes, et dans un mois, nous pourrons aussi voir Mercure», précise M. Saint-Jean.
Vénus, Jupiter, Mars et Saturne sont actuellement visibles à l’œil nu. Neptune et Uranus sont également visibles, mais avec “un petit télescope”, souligne M. Hernandez. De son côté, Mercure sera visible à l’oeil nu dans un mois. “Mais il faut être prudent, car Mercure est très proche du Soleil”, prévient-il.
Regardez les orbites des quatre planètes les plus proches du Soleil entre 2020 et 2030 (en anglais)
Une origine récente
Jusqu’à récemment, on considérait que l’apparition des anneaux de Saturne remontait au début du système solaire, il y a 4,6 milliards d’années. L’enquête américaine Cassiniqui a séjourné près de Saturne de 2004 à 2017, a découvert que l’évolution de la quantité de matière dans les anneaux est incompatible avec un tel âge.
Une partie de la matière des anneaux tombe continuellement sur Saturne. Ils perdent des dizaines de millions de tonnes par an, ce qui signifie qu’ils disparaîtront d’ici 100 à 150 millions d’années, selon Jack Wisdom, astrophysicien au Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui a publié en 2022, dans la revue Scienceune nouvelle thèse sur la création des anneaux de Saturne.
Depuis Cassininous savons que les anneaux de Saturne ont été créés il y a au plus 400 millions d’années. Sinon, ils auraient été trop massifs au départ.
Jack Wisdom, astrophysicien au MIT
Collision ou désintégration
Pour expliquer la création des anneaux de Saturne, M. Wisdom défend la thèse selon laquelle une lune de taille moyenne, qu’il a appelée Crysalis, s’est progressivement rapprochée de Saturne avec une orbite de plus en plus elliptique, et a fini par se désintégrer par trop de proximité avec la planète géante. , il y a 100 à 200 millions d’années.
M. Wisdom est arrivé à cette conclusion un peu par hasard. Il s’est intéressé à l’un des nombreux mystères de Saturne : la distance entre Titan, une lune, et Saturne, à raison de 10 cm par an. En 2005, Titan a reçu la visite de Huygensune sonde qui portait Cassini.
Cette distance « rapide » ne pourrait pas être expliquée par les modèles actuels sur Saturne. Grâce à des calculs complexes, faisant notamment intervenir la force d’inertie de Saturne et la direction de son axe de rotation par rapport au Soleil, il a fini par expliquer cet éloignement de Titan par la disparition de Crysalide.
“Crysalis a juste la masse idéale pour expliquer la création des anneaux, et elle aurait disparu au moment où ils ont été créés”, explique Wisdom. Environ 1% de la masse de Crysalis s’est retrouvée dans les anneaux, le reste est retombé sur Saturne. »
Une autre hypothèse a été proposée en 2023, dans leJournal d’astrophysiquepar des chercheurs de l’Université de Durham, en Angleterre : une collision entre deux lunes glacées de Saturne, semblables aux lunes actuelles, Dioné et Rhéa, survenue il y a 200 millions d’années.
Saturne possède un système de lunes particulièrement complexe. Il y en a 146, c’est le record dans notre Système Solaire. Nous avons étudié l’évolution possible de ce système de lunes et nous avons découvert que les collisions devaient y être fréquentes.
Jacob Kegerreis, chercheur de l’Université de Durham et auteur principal de l’étude publiée dansJournal d’astrophysique
À titre de comparaison, Jupiter a 95 lunes, Uranus en a 28 et Neptune en a 14.
“Il se pourrait aussi que les anneaux existent depuis plus longtemps et qu’ils soient régulièrement renforcés par une nouvelle collision de lunes”, ajoute Jacob Kegerreis.
La dynamo solaire
Le défilé des sept planètes dans le ciel terrestre est parfois appelé « alignement ». Les astronomes amateurs n’aiment pas ce terme car les planètes ne sont pas sur la même ligne.
Cependant, les alignements des planètes ont fait l’objet de recherches. En 2019, un astrophysicien allemand, Frank Stefani, du Centre Helmholtz de Dresde (HZDR), formulait l’hypothèse que le cycle solaire d’environ 11 ans était dû à un alignement, au même intervalle, de Vénus, de la Terre et de Jupiter.
“Si ces trois planètes sont du même côté du Soleil, cela peut générer une force suffisante pour provoquer de petites rotations à l’intérieur du Soleil”, explique M. Stefani.
Mais l’existence de cette « dynamo solaire », basée sur l’alignement des planètes, est une théorie très mineure, selon M. Hernández du Planétarium.
Robert Cameron, astrophysicien de l’Institut Max Planck pour la recherche sur le système solaire à Göttingen, en Allemagne, publié en 2023 dans la revue Astronomie et astrophysiqueune analyse statistique montrant que la durée du cycle solaire varie trop pour être compatible avec un alignement de planètes se produisant à intervalle fixe.
La masse des planètes proches du Soleil est trop faible et les planètes géantes sont trop éloignées pour avoir un impact sur le Soleil. Il faudrait un « Jupiter chaud », très proche du Soleil comme dans plusieurs systèmes solaires, pour que cela soit possible.
Robert Cameron, astrophysicien à l’Institut Max Planck pour la recherche sur le système solaire à Göttingen
L’idée selon laquelle l’alignement des planètes explique la relative régularité des cycles solaires existe depuis leur découverte au milieu du XIXe siècle.e siècle, dit M. Cameron.
L’absence de modèle robuste expliquant ces cycles favorise la résurgence régulière de propositions de « dynamo solaire » due à un alignement des planètes. « On pense que les cycles solaires sont liés aux flux de matière près de la surface du Soleil. Mais ces flux sont difficiles à mesurer, car très lents, 2 à 3 mètres par seconde, et toujours situés à 200 000 km sous la surface. »
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