Le phytoplancton, essentiel à nos vies, mais impacté par le changement climatique

Le phytoplancton est invisible à nos yeux, mais essentiel à l’équilibre marin. Il nous fournit également une grande partie de l’oxygène que nous respirons. Mais le réchauffement climatique entraîne une diminution de la masse globale de ces algues microscopiques. Cela pourrait conduire à une réduction du CO2 séquestrés par les mers et les océans, et perturbent considérablement la chaîne alimentaire du milieu marin.


Respirez profondément. Que vous soyez chez vous, dans les transports en commun ou dans un jardin public au cœur de la , peu importe : au moins 45 % de l’oxygène que vous respirez provient du phytoplancton marin. Ce même phytoplancton est également à la base de la chaîne alimentaire des écosystèmes marins et océaniques, influençant les poissons que vous pouvez consommer. Vous l’aurez compris, le phytoplancton est souvent invisible à l’œil nu, mais il est essentiel à nos vies. Mais ce groupe de microalgues n’est pas épargné par le changement climatique.

Le changement climatique, outre la pression humaine, influence le fonctionnement des océans et impacte la biodiversité, notamment celle du phytoplancton. L’augmentation de la température, la modification de la chimie des océans ou encore les courants auront également une influence considérable sur la répartition du phytoplancton marin dans les océans mais aussi sur sa composition et son évolution.

Pourquoi le phytoplancton est essentiel à nos vies

Comment est-ce possible ? Pour comprendre cela, revenons sur le rôle du phytoplancton dans les écosystèmes marins. Le phytoplancton est donc un groupe de microalgues unicellulaires (pour la plupart invisibles à l’œil nu) très diversifiées par leur taille, leur forme ou les fonctions qu’elles assurent dans les écosystèmes marins. Comme les plantes terrestres, elle capte l’énergie solaire grâce à ses pigments et va la convertir en énergie chimique pour transformer le CO2 biomasse atmosphérique via le phénomène de photosynthèse, et produire du dioxygène. Avec près de 100 millions de tonnes de dioxyde de carbone captées par jour, elle constitue un maillon majeur dans la réduction des gaz à effet de serre et la régulation du climat.

De plus, le phytoplancton constitue la base de l’alimentation des océans et soutient ainsi directement les niveaux trophiques supérieurs de la chaîne alimentaire comme le zooplancton, les mollusques filtreurs, les poissons comme les sardines et, indirectement, tous les consommateurs. de ces organismes, y compris les humains.

Microphotographies de certaines espèces de phytoplancton marin de tailles comprises entre 5 et 100 µm observées en Manche Est à l’aide d’un cytomètre en flux imageur.
(CytoSense), Fourni par l’auteur

Des nutriments de plus en plus difficiles à trouver pour le phytoplancton

Et qu’en est-il du changement climatique dans tout cela ? Principalement due à l’augmentation des gaz à effet de serre, elle a entraîné une augmentation des températures atmosphériques et océaniques de +0,88 °C depuis le début du XXe siècle (de 1850-1900 à 2011-2020) et les modèles prédisent que ces augmentations se poursuivront, entre +0,86 et +2,89 °C, selon les scénarios à l’horizon 2100.

L’augmentation de la température de l’eau a des effets sur de nombreux autres phénomènes physico-chimiques tels que la modification des masses d’eau (stratification), les modifications des courants ou encore de la circulation océanique globale, l’augmentation du niveau d’eau de la mer, l’acidification des océans, la modification de les précipitations et les apports terrigènes (rivières, eaux de ruissellement) ainsi que l’augmentation des événements extrêmes (canicules, ouragans/typhons, pluies torrentielles).

Pour le phytoplancton, cela se traduirait par des difficultés d’accès aux nutriments dont il a besoin pour sa croissance, favorisant ainsi les cellules plus petites et plus compétitives dans ces conditions. Ces petites cellules phytoplanctoniques peuvent alors être moins productives pour l’écosystème. En revanche, l’augmentation de la température augmente l’activité de prédation du zooplancton sur le phytoplancton, amplifiant la diminution des cellules plus grosses qui seront principalement consommées.

Globalement, cela pourrait donc avoir des conséquences sur l’ensemble des réseaux trophiques marins avec des répercussions prévisibles sur les espèces marines pêchées et commerciales.

Comment étudier ce phytoplancton invisible à l’œil nu ?

Pour évaluer ces effets globaux qui émergent en cascade, ce n’est un secret pour personne, il faut tenter de surveiller scrupuleusement la manière dont le réchauffement climatique impacte le phytoplancton. Cependant, la découverte de l’importance du phytoplancton est relativement récente dans l’histoire des sciences, et depuis, les méthodes d’étude de ces organismes invisibles à l’œil nu ont considérablement évolué.


Fourni par l’auteur

La nécessité d’acquérir davantage de données a en effet conduit à une multiplication des campagnes et des observations, avec une volonté d’adapter les méthodes et approches d’observation en les rendant plus rapides et plus robustes, tant lors des mesures que lors des analyses a posteriori. Pour cela, des méthodes automatisées d’analyse du phytoplancton ont été mises en place afin de pouvoir analyser le plus régulièrement possible l’ensemble de ce compartiment.

Ces instruments s’appuient notamment sur des mesures optiques basées sur la fluorescence des pigments de microalgues (fluorimètres mono- et multispectraux), l’imagerie (imageur automatisé similaire au microscope optique) et la mesure de paramètres optiques cellulaires (cytométrie en flux). La véritable force de ces méthodes est qu’elles peuvent être déployées sans intervention humaine majeure pendant plusieurs jours, voire semaines, et permettent donc d’acquérir des données à des résolutions jamais obtenues auparavant à bord d’un navire de recherche, de bouées ou de navire de mesure. routine.

En parallèle et de manière complémentaire, la diversité phytoplanctonique peut également être étudiée de manière quasi exhaustive grâce aux outils de biologie moléculaire et aux nouvelles technologies de séquençage de l’ADN. C’est avec ces méthodes que le Laboratoire d’Océanologie et Géosciences de Wimereux (Pas-de-Calais) a acquis une pléthore de données concernant le phytoplancton en Manche et plus particulièrement dans le Détroit du Pas-de-Calais (campagnes DYPHYRAD).

Bouteille Niskin avec un plomb pour la fermer, rosace contenant une sonde CTD (température et conductivité/salinité) ainsi que plusieurs bouteilles Niskin et filet à phytoplancton.
Fourni par l’auteur

L’analyse de ces données collectées chaque semaine depuis plus de dix ans a permis de mettre en évidence les changements locaux, notamment dans les écosystèmes côtiers. C’est particulièrement le cas de la température de l’eau de mer qui, au cours des dix dernières années, est passée de +0,9 à +1,2 °C avec un réchauffement plus important des eaux les plus proches des côtes. Des modifications des concentrations en sels nutritifs (nitrite, nitrate, phosphate, silicate) nécessaires à la croissance et au développement du phytoplancton ont également été mises en évidence.

Mesures en continu à bord du Sépia II (navire de la Flotte Océanographique Française) à l’aide d’un cytomètre en flux automatisé.
Fourni par l’auteur

Pendant de nombreuses années, les engrais azotés ont été utilisés en agriculture pour fertiliser les terres, ce qui entraînait, en cas de rejet excessif dans l’eau, d’importantes proliférations d’algues, parfois toxiques, et une dégradation de la qualité. eau. Dans notre zone d’étude, cependant, les concentrations de nitrites et de nitrates, corrélées à l’utilisation d’engrais agricoles, ont tendance à diminuer récemment près des côtes, alors qu’elles étaient encore excessives il y a une dizaine d’années. ‘années. En revanche, les phosphates, provenant principalement des eaux de ruissellement des eaux usées, ont montré une tendance à la hausse au cours des dix dernières années. Les silicates, quant à eux, semblent augmenter davantage au large, provenant principalement de l’altération des roches. Or, la silice joue un rôle clé, notamment chez les diatomées (un type de phytoplancton), dans la formation de leurs parois cellulaires.


Lire la suite : Ce que la couleur des océans révèle sur le changement climatique


Une diminution de la masse globale du phytoplancton

Toutes ces modifications environnementales semblent avoir influencé le phytoplancton marin, entraînant une diminution de sa masse totale mais une augmentation du nombre de cellules phytoplanctoniques présentes (comptage par cytométrie en flux automatisée).

Ceci s’explique principalement par la croissance de très petites cellules phytoplanctoniques, invisibles même au microscope traditionnel (cyanobactéries et picophytoplancton de moins de 3 µm de diamètre), alors que les cellules plus grosses (notamment le microphytoplancton, > 10 µm) ont tendance à diminuer, notamment près des côtes. . Ce changement de taille au sein des communautés phytoplanctoniques a déjà été observé dans des contextes de température élevée ou de conditions environnementales pauvres en nutriments, où ces petites cellules sont généralement plus compétitives.


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Bien que plus nombreuses, ces cellules phytoplanctoniques plus petites ont tendance à moins bien soutenir la productivité des réseaux trophiques marins. Une réduction de 16 % de la masse totale de phytoplancton pourrait ainsi entraîner une réduction de 38 % de la masse des poissons, avec des conséquences potentielles sur les stocks halieutiques et les rendements de la pêche. De plus, ces cellules plus petites auraient également une capacité inférieure à séquestrer le carbone organique par rapport aux cellules plus grandes.

Par ailleurs, nous ne serions pas à l’abri d’un déséquilibre qui pourrait accroître l’incidence de l’apparition d’espèces non indigènes et/ou formant des blooms de microalgues nuisibles (Harmful Algal Blooms-HABs) pour les communautés animales et/ou humaines.



Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science (qui a lieu du 4 au 14 octobre 2024), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur le thème « océan de connaissances ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.

 
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