Comment le manteau de la Lune s’est complètement retourné – rts.ch

Pour résoudre un mystère de longue date sur la géologie « déséquilibrée » de la Lune, des scientifiques de l’Université d’Arizona ont combiné des simulations informatiques et des données provenant de vaisseaux spatiaux. Le manteau de notre satellite se serait complètement inversé il y a 4,22 milliards d’années.

La Lune s’est formée il y a 4,5 milliards d’années, lorsqu’une petite planète appelée Theia – un impacteur de la taille de Mars – s’est écrasée sur notre jeune Terre, envoyant des roches en fusion dans l’espace. Petit à petit, ces débris répartis sur un anneau se sont rassemblés, refroidis et solidifiés pour former ce qui est aujourd’hui notre Lune. Bien que cette explication soit unanime parmi la plupart des scientifiques, les détails de cette genèse cataclysmique sont mal connus.

Peu de temps après, il y a 4,22 milliards d’années, le manteau lunaire se serait complètement renversé. Des roches denses et en fusion sous la croûte lunaire, près de la surface, auraient coulé plus profondément dans le noyau. Ces roches seraient alors remontées pour se retrouver à nouveau à la surface de notre satellite.

Une équipe de recherche explique que des vestiges de ce renversement ont été retrouvés, cachés, sous la croûte : leur conclusions ont été publiés dans la revue Nature Geosciences. Ce phénomène expliquerait notamment l’asymétrie de la Lune ainsi que les anomalies gravitationnelles qui y sont liées.

Il y a plus de 50 ans, les astronautes d’Apollo rapportaient de la Lune des roches basaltiques contenant des concentrations étonnamment élevées de titane. Des observations satellite ultérieures ont montré que ces roches volcaniques riches en titane se trouvaient principalement sur la face cachée de la Lune, mais comment et pourquoi elles y sont arrivées est restée un mystère – jusqu’à aujourd’hui. [NASA – Apollo 17]

L’équipe de recherche a compris qu’il y avait eu un renversement du manteau en analysant la composition de la surface lunaire à partir d’échantillons rapportés par les missions Apollo des années 1970 et en examinant les données fournies par deux vaisseaux spatiaux de la NASA, lancés en 2011 pour la mission. GRAAL (Laboratoire de récupération par gravité et d’intérieur). En orbite, ce duo de sondes a dressé une carte du champ gravitationnel de la Lune qui, combinée à des relevés topographiques, a permis de mieux comprendre sa structure interne, sa composition et son évolution.

C’est ainsi qu’une roche plus dense à l’intérieur de la planète a été découverte – provoquant des anomalies gravitationnelles – à environ 340 kilomètres de profondeur. Vestiges du gigantesque impact avec Théia : « A cette époque, la Lune était recouverte de lave : c’est ce qu’on appelle un océan de magma », raconte Adrien Broquet, co-auteur de l’étude réalisée à l’Université d’Arizona à Tucson.

Un minéral lourd coule vers le noyau

Illustration schématique avec une carte de gradient de gravité (motif hexagonal bleu) de la face cachée de la Lune et une coupe transversale montrant deux puits d’accumulation contenant de l’ilménite provenant du renversement du manteau lunaire. [Adrien Broquet/University of Arizona – Audrey Lasbordes]

Lorsque l’océan de magma se refroidit, il se solidifie et les premières roches qui vont cristalliser sont celles de la croûte : “Ce sont les roches légères que l’on peut voir quand on regarde la surface de la Lune la nuit”, précise le chercheur à Micro CQFD. « Ensuite, le manteau qui va cristalliser sous la surface. Ce qui est très intéressant dans cette hypothèse de l’océan magmatique, c’est que les derniers magmas qui vont se solidifier sont pris en sandwich entre la croûte et le manteau ». Ces magmas sont riches en ilménite, un minéral lourd composé d’oxyde de fer et de titane.

« Lorsque l’ilménite commencera à cristalliser, elle coulera sous forme de cascade dans le manteau, car elle, en dessous, est plus légère. Ce minéral se rapprochera du noyau de la Lune, à plus de 1 000 kilomètres de profondeur. Avec les cartes gravitationnelles établies par GRAIL, Adrien Broquet et ses collègues ont donc montré qu’il existe aujourd’hui des vestiges de ce flux qui s’est cristallisé dans le manteau tandis que la Lune se refroidissait, sans doute sur un millénaire : « On voit très très clairement sur les cartes GRAIL des endroits où le champ de gravité de la Lune – donc sa force d’attraction – est plus fort que d’autres : ce seraient les cascades d’ilménite qui sont très denses et très lourdes ».

La face cachée de la Lune, avec ses régions sombres, ou « bassins », couvertes de coulées volcaniques riches en titane (au centre), constitue la vue familière de la Lune depuis la Terre (à gauche). La région du spot est entourée d’un réseau polygonal d’anomalies de gravité linéaires (en bleu sur l’image de droite), interprétées comme les restes de matière dense qui se sont enfoncés à l’intérieur de la Lune. Leur présence constitue la première preuve physique de la nature du renversement du manteau global il y a plus de 4 milliards d’années. [University of Arizona – Adrien Broquet]

Une hypothèse à consolider

Le spécialiste en géophysique planétaire imagine désormais d’autres indices pour consolider cette hypothèse : “On pourrait aussi imaginer l’implantation d’un réseau de stations sismiques autour de ces grosses anomalies gravitationnelles pour mieux caractériser la structure des cascades d’ilménite”.

Adrien Broquet compte également sur les missions Artemis de la NASA qui se poseront à côté du bassin Pôle Sud-Aitken, un immense cratère situé de l’autre côté de notre satellite : « L’un des scénarios d’évolution de ces cascades d’ilménite est « lié à la formation de cet impact géant près du pôle sud. Ce bassin se serait formé au moment où la Lune se solidifiait et où l’océan magmatique se cristallisait. Le Graal serait d’obtenir des roches ramenées des profondeurs par la gigantesque collision pour les analyser.

Sujet radio : Sarah Dirren

Article Web : Stéphanie Jaquet

 
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