La Coupe du Monde Esports : des millions, des ambitions et des questions

La Coupe du Monde Esports : des millions, des ambitions et des questions
La Coupe du Monde Esports : des millions, des ambitions et des questions

En préparation depuis un moment, successeur d’un éphémère « Gamers8 » qui servait de crash test à son pays hôte, la Coupe du monde d’Esports verra le jour cette année en Arabie Saoudite. Un immense chantier aux ambitions gigantesques pour le royaume, qui voit l’esport comme un nouvel outil de diversification et de soft power, il se tiendra de début juillet à fin août. Pendant deux mois, 20 compétitions se dérouleront dans presque autant de jeux. Avec plusieurs dizaines de millions de dollars répartis entre les différentes dotations – cinq millions pour DOTA 2un million pour Counter-Strike 2, League of Legends Ou Combattant de rue 6

Mais ce qui fait la particularité de cette rencontre XXL, c’est son classement par clubs. Des points seront attribués aux structures des équipes ou joueurs les plus performants (1 000 pour le vainqueur, 600 pour le deuxième, 350 pour le troisième, etc.) de chaque tournoi et à l’issue de cet EWC, un classement général récompensera les meilleurs clubs. : 7 millions de dollars pour le premier, 4 millions pour le deuxième, 2 millions pour le troisième… Evidemment, les organisations présentes dans un maximum de matchs partiront avec un net avantage.

Pour inciter les clubs à engager leurs meilleurs éléments dans cette course aux millions, l’Arabie Saoudite a également créé un programme spécial pour soutenir les structures : une trentaine des plus populaires au monde – dont Vitality et Karmine Corp pour la France, mais aussi G2 (Europe), FaZe Clan (Amériques), GenG ou T1 (Corée du Sud) – en font partie et bénéficient ainsi d’aides financières en fonction du nombre de jeux auxquels ils se livrent. Résultat ? De nombreux clubs multiplient les annonces ces dernières semaines, recrutant des joueurs pour remplir le programme CEE… sans vraiment risquer, grâce à cet argent saoudien injecté par voie intraveineuse, de se mettre en danger économique.

« La plus grande compétition mondiale d’esport » ?

Au total, ce sont 60 millions de dollars qui composent la cagnotte de la Coupe du Monde Esports pour cette première année d’existence. Une somme colossale, partagée gratuitement depuis des mois et qui constitue la base du plan de communication du royaume. “La Coupe du Monde Esports tentera d’amener les clubs à un nouveau niveau, avec des avantages financiers qui devraient rendre la compétition incontournable, aussi bien pour les fans que pour les équipes qui souhaitent être plus stables.explique Ralf Reichert, ancien de l’ESL et l’un des principaux penseurs du tournoi. Ce qui devrait contribuer à faire avancer l’écosystème. L’idée est que l’industrie s’unisse pour grandir ensemble. »

Oui, mais voilà : malgré ces ambitions qui accompagnent ce projet pharaonique tel que l’Arabie Saoudite sait produire, au-delà des millions investis, l’intérêt compétitif, le prestige de la rencontre et par extension son potentiel de développement posent question. Même si certains prédisent déjà que le CEE deviendra à terme “la plus grande compétition mondiale d’esports »le chemin est long.

D’abord parce que ce n’est pas une grande nouveauté en soi. Ce format de « Jeux Olympiques d’esports » (par clubs, non par nations, comme le réclamaient de nombreux adeptes) existe depuis une vingtaine d’années : on peut citer les World Cyber ​​​​Games, les ESWC – dont Esports World Cup a également racheté la marque. – ou plus récemment le WESG, en Chine… Moins monumentales que ce que propose l’Arabie Saoudite, ces compétitions ont vécu, avec plus ou moins d’enthousiasme et d’intensité, à différentes époques. Tous se sont heurtés à l’émergence d’un esport plus contrôlé par les éditeurs de jeux populaires dans la discipline.

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C’est, en millions de dollars, le montant engagé par l’Arabie Saoudite dans les différentes subventions et aides financières du CEE.

Pour l’instant la Coupe du Monde Esports risque de se heurter à un problème comparable : quand on regarde le programme complet, les tournois sont pour la majorité d’entre eux assez loin d’être « le » grand rendez-vous de la saison, quel que soit le match. Sur League of Legendscela ressemble à une compétition internationale amicale insérée en plein milieu de la longue ligne droite vers les Mondiaux.

Sur Counter-Strike 2, les Majors (un label qui change de destination chaque année, qui pourrait aussi un jour être attribué au CEE) mais aussi les IEM de Katowice ou de Cologne sont par ailleurs prestigieux. Sur Ligue de fusée le tournoi se tiendra peu après les Mondiaux, objectif principal des joueurs professionnels… Et Valorant est totalement absent.

Globalement, il faut plutôt se tourner vers les jeux mobiles, très populaires en Asie, ou vers des titres secondaires pour trouver des événements dont le prestige ne repose pas uniquement sur le prix en espèces. Le CEE apparaît donc comme une juteuse opportunité commerciale – mais avec un modèle économique assez peu pérenne, qui ne semble pas faire reculer l’esport ces dernières années, bien au contraire – qu’un véritable objectif concurrentiel.

Un pari « gagnant-gagnant » ?

« Les joueurs et les équipes veulent plus d’événements internationauxassure toutefois Alban Dechelotte, directeur général de G2 Esports. Ce qui nous fait brûler, c’est de lutter contre les meilleures équipes du monde. » Nicolas Maurer, PDG de Vitality, ajoute : « Nous veillons, dans les tournois auxquels nous participons, à ce qu’il y ait un modèle économique qui rémunère les clubs, et le modèle CEE nous met en avant. Dans un contexte « esports hiver », c’est une opportunité importante. Maintenant, il va évidemment falloir être performant. Notre ADN a toujours été la compétition et la victoire dans les grands tournois. »

Il y a presque toutes les conditions réunies : sportives, professionnelles, personnelles pour nos joueursrésume de son côté Arthur Perticoz, directeur général de Karmine Corp. C’est une opportunité à bien des égards. Nous parlons d’un événement où les 30 clubs sont presque les meilleurs du monde. Cela va attirer un public phénoménal. Pour une structure qui veut se développer à l’international, qui veut être présente dans les tournois qui comptent, je dirais que participer à cette compétition n’est pas loin d’être accepté en VCT. (l’élite sur Valorant). Ou réussir à trouver une solution pour entrer en LEC (l’élite continentale sur League of Legends). »

La réussite de l’EWC repose donc sur un pari qui se veut « gagnant-gagnant » avec les clubs : financés pour se développer sur de nouveaux jeux et participer au meilleur de leur potentiel, ils apportent de la visibilité par leur présence et celle de leurs stars, pour légitimer une compétition qui espère gagner en prestige au fil du temps. Mais, là aussi, deux objections se posent : peu de structures suscitent l’intérêt à travers tous les jeux dans lesquels elles sont présentes… et l’Arabie Saoudite attire encore les regards méfiants.

Malgré tout, avant son démarrage, il faut reconnaître que l’EWC a le potentiel pour devenir un événement incontournable : même s’il ne s’agit que d’une première édition, il bouleverse déjà le monde de l’esport dans tous les sens. A terme, cela pourrait changer beaucoup de choses dans la discipline… voire rien du tout.

 
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