« Pour accueillir les sportifs, on commence par expulser les étudiants » – Libération – .

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Avec RétroActualitésle site de presse de la BNF, retour sur les Jeux de Paris de 1924 tels que les rapportait la presse de l’époque.

La photo montre des rangées de pavillons en bois identiques, entassés sur un sol boueux entourés d’une clôture branlante. La proximité entre deux immeubles constituerait une invitation aux querelles de voisinage si les occupants de ces casernes n’étaient pas animés de l’esprit chevaleresque et des qualités athlétiques qui les réunissaient en ces lieux. Bienvenue au village olympique des Jeux de Paris 1924. Le premier de l’histoire, implanté à Colombes (Hauts-de-Seine) à proximité du stade qui accueillera les compétitions. Un an plus tôt, le Congrès olympique avait confié aux pays organisateurs l’hébergement des participants. Désormais, « Le comité d’organisation des Jeux Olympiques est tenu de fournir aux athlètes l’hébergement, la literie et la nourriture, à un prix forfaitaire qui doit être fixé à l’avance par personne et par jour ».

Ah Colombes, objet épique du ressentiment de la presse de l’époque qui jugeait la ville de la banlieue ouest de Paris aussi facilement accessible pour les spectateurs que le sommet de l’Everest pour les marcheurs en espadrilles. Quant à y loger les athlètes… Le 20 janvier 1924, l’homme libre s’étouffe à l’idée. « Le grand dommage des Jeux Olympiques. Et on se demande désormais où loger les sportifs – si on installe un camp à Colombes, que ce soit au bord du lac à cause des inondations ! titre le journal qui critique l’incompétence des organisateurs. Nous avons tout prévu, tout sauf l’hébergement des sportifs […] Ce n’est d’ailleurs pas la moindre difficulté que le Comité des Jeux Olympiques aurait eu à résoudre s’il avait eu le temps d’y réfléchir.

Des lignes qui feront monter les larmes aux yeux du plus optimiste des prophètes de l’Olympisme. « Parlons des athlètes, des pauvres athlètes qui ne sauront pas où loger. Ce n’est pas qu’ils manquaient de projets de logement. Nous avons tout offert, un peu, du confortable, du rudimentaire, du pratique et du peu pratique. […] Il existe bien un village provisoire en construction à Colombes, pour abriter les cinq mille chevaliers du muscle qui viendront honorer la France de leur présence. Mais ce village est trop petit ! railleries l’homme libre. Vraiment, c’est pas de chance. […] Un village sur pilotis, non ? Ville lacustre ? […] Le Stade de Colombes, en effet, s’élève là où la Seine, si elle déborde, s’étend ; où nous ne pourrons plus accéder de sitôt jusqu’à ce que le Zouave du Pont de l’Alma ait les chevilles dans l’eau… »

Le jour d’avant, l’Excelsior s’alarmait déjà, soulignant qu’avant même de commencer sa construction, la localisation du village s’avérait très incertaine. « Nous avions prévu de construire un village olympique à Colombes. Il est douteux que cette organisation se déroulera comme prévu. Le comité des Jeux Olympiques doit donc en informer le plus tôt possible. Il existe des plans B, C, D, précise le journal. Ledit comité a demandé « à la ville de Paris pour louer un terrain pouvant accueillir des casernes. Des suggestions ont été proposées : le Parc des princes, le camp de Saint-Maur ou Gennevilliers. Et la tâche quotidienne de peser et de comparer les avantages des trois lieux : « Il semble que le Parc des Princes offrirait certains avantages. Gennevilliers, quoique admirablement situé dans le voisinage de Colombes, obligerait les athlètes à un isolement qui leur paraîtrait sévère. Saint-Maur, proche de l’Ecole de Joinville [une unité militaire de l’armée française accueillant des appelés sportifs plus connue sous le nom de bataillon de Joinville]fournirait des ressources précieuses pour la formation.

Certains pays ont prévu. « L’importance de la concurrence internationale a amené certains pays à s’inquiéter du logement de leurs nationaux, signaux l’Excelsior du 19 janvier 1924. Il y a des hôtels qui ont été réservés pour le mois d’avril, date à laquelle les athlètes arriveront, les Jeux devant débuter en mai. Héberger les sportifs, c’est bien beau, mais les spectateurs ? Le comité d’organisation “avait des locaux spéciaux aménagés pour accueillir les athlètes”, souviens-toi la presse du 19 février 1924. Et « il demande aux particuliers et aux hôteliers de lui communiquer les chambres qu’ils peuvent mettre à disposition des visiteurs. Ceux-ci, on peut déjà le dire, sont quasiment certains de ne pas dormir sous les ponts et s’ils en paient le prix pour avoir des chambres confortables.

Mettez-y le prix. C’est ce qui scandalise l’homme libre. Le 22 février 1924, le quotidien fondé par Georges Clemenceau s’indigne : “Pour accueillir les sportifs, on commence par expulser les étudiants.” Ces impécunieux qui séjournent dans des établissements low-cost sont les premiers exposés aux hausses de prix indécentes pratiquées par les hôteliers. : « Les victimes de cette manœuvre malhonnête (car le sens aigu du commerce ne doit pas forcément faire disparaître celui de la conscience professionnelle) sont tous les locataires les moins habiles à se défendre, les moins capables d’engager des poursuites judiciaires, les moins susceptibles de savoir pour parcourir les labyrinthes de la chicane : j’ai nommé les élèves.

Les Thénardiers de la nuit s’en donnent à cœur joie. Spécialement depuis « Les étrangers paient bien. Les Américains et les Néerlandais ont des bourses admirablement garnies. Les prix les plus extravagants les laissent froids comme la glace. Dans ces conditions, les hôteliers pensaient que louer des chambres à un prix normal serait insensé. dénonce l’homme libre.

Des hôteliers qui remplissent leurs rêves de dollars. Parce que les Américains vont arriver. « Déjà plus d’un demi-million de locations ont été souscrites rien qu’en Amérique »s’enthousiasme l’Écho National. Les sportifs d’outre-Atlantique préféreront le château de Rocquencourt, dans les Yvelines, au village olympique finalement construit à Colombes avec une annexe au Parc des princes, comme l’explique le journal : « Pour les athlètes, certaines nations riches ont déjà loué des hôtels et des maisons entières pour accueillir leurs représentants. Pour les moins fortunés, un camp olympique a été installé au Parc des Princes.

Le « vrai » village est enfin installé à Colombes : une soixantaine de casernes en bois, qui, selon les journaux, évoquent «Chalets anglais» ou vulgaire “cagnas”. Moyennant un tarif journalier pour l’hébergement et la pension, les participants pourront séjourners «des villas de cinq pièces, chacune pouvant accueillir deux ou trois sportifs», détaille l’Echo National. Les Champions ont à leur disposition un bureau de change, un salon de coiffure, un bureau de poste et télégraphe, un kiosque à journaux, un service de blanchisserie et un service de garde d’objets de valeur. Les lavabos et douches sont communs ainsi que les réfectoires où leur sont proposés le petit-déjeuner et deux repas chauds par jour avec de l’eau. « eau minérale, bière ou une demi-bouteille de vin ». Si les villages olympiques contemporains ont la réputation d’être le lieu de nombreux roucoulements, ce n’était pas le cas du premier d’entre eux, exclusivement masculin (1).

Pour se rapprocher de la piscine des Tourelles, des nageurs américains, dont Johnny Weissmuller, gigastar des Jeux de 1924, finirent par s’y installer. Les Britanniques, de leur côté, ne font pas la fine bouche sur ces cabanes installées à la hâte sur des terrains non aménagés. Mais à une condition : venir avec leur nourriture et leur cuisinier. Un subterfuge pour avaler les épreuves comme des affamés ?

(1) Bien que quelques femmes se soient alignées à Paris en 1924, elles ne furent officiellement acceptées aux Jeux qu’en 1928 à Amsterdam.
 
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