Pour jouer dans la LNH, il faut naître au bon moment

Pour jouer dans la LNH, il faut naître au bon moment
Pour jouer dans la LNH, il faut naître au bon moment

Si vous excelliez autrefois dans un sport et rêviez d’atteindre le plus haut niveau mais n’avez pas atteint cet objectif, vous avez peut-être été trahi le jour de votre anniversaire.

La semaine dernière, en préparation d’une prochaine chronique, j’ai passé en revue les carrières individuelles des 40 hockeyeurs québécois occupant des postes réguliers dans la LNH. Et rien qu’à l’oeil, un nombre anormalement élevé d’entre eux semblaient naître en fin d’année, après le 15 septembre, ou en tout début d’année, durant les mois de janvier et février.

Après vérification, c’est bien le cas. Et c’est absolument fascinant.

Les chiffres démontrent que 25 des 40 joueurs québécois de la LNH (62,5 %) sont nés soit après le 15 septembre, soit en janvier ou février. Comme ces périodes ne couvrent que 167 des 365 jours de l’année, cela signifie que les joueurs nés en fin ou en début d’année ont 36,6 % plus de chances d’atteindre la LNH qu’ils ne devraient l’être. Ce n’est pas anodin !

Parmi ces 25 joueurs nés en fin ou début d’année :

  • 14 sont nés entre le 15 septembre et le 31 décembre. Dans le langage du hockey, on dit que ces joueurs sont nés tardivement. Ils sont souvent désignés par l’anglicisme « en retard « . Les joueurs nés tardivement ont donc 19,4 % de chances en plus de jouer dans la LNH que si les sélections étaient réparties proportionnellement aux dates de naissance enregistrées au sein de la population.
  • 11 des 40 Québécois évoluant dans la LNH sont nés au cours des 59 jours que constituent les mois de janvier et février. Cela signifie, comprenez bien, que les joueurs nés au cours de ces deux mois ont 73,2% plus de chances qu’ils ne le devraient d’atteindre le plus haut niveau.
  • Par contre, il n’y a qu’un seul joueur québécois né dans la LNH en juillet et août. Les joueurs nés à cette époque de l’année semblent donc avoir 85,3% de chances en moins d’atteindre le plus haut niveau.

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Comment cela peut-il être expliqué?

Premièrement, il faut savoir que la date de séparation des catégories dans le hockey mineur canadien et québécois est le 1er janvier. Et que chaque catégorie couvre une période de deux ans.

Par exemple, un enfant évoluant dans la catégorie M13 (pee-wee) y jouera à 11 et 12 ans. Toutefois, si cet enfant est né un 2 janvier, il bénéficiera d’un avantage considérable. Pour sa deuxième année U13, il aura presque deux ans de plus que les joueurs de première année nés en décembre.

On comprend aisément que, de l’enfance jusqu’au début de l’âge adulte, deux années d’expérience et de maturité physique constituent un immense fossé entre deux athlètes. Et que les entraîneurs ont naturellement tendance à retenir au sein de leur formation des joueurs plus forts et plus développés. Parce que ces joueurs leur sautent dessus immédiatement.

Ce phénomène, appeléeffet de l’âge relatif a fait l’objet de nombreuses études au cours des quatre dernières décennies. Elle a été observée à travers le monde dans plusieurs sports, notamment dans des disciplines où la dimension physique est prédominante comme le football, le rugby ou le hockey (Lames et al., 2008 ; Till et al, 2010 ; Helsen et al., 2012).

Très récemment, en mars 2021, le laboratoire de recherche sur le hockey de l’UQTR a publié deux études (Lemoyne et al.) sur le sujet. La première a démontré que l’effet de l’âge relatif est prédominant dans toutes les catégories et à tous les niveaux du hockey mineur québécois. La seconde a démontré que même si le phénomène de l’effet de l’âge relatif est connu depuis 40 ans, il est toujours fortement présent dans le hockey junior majeur canadien.

L’étude du hockey junior majeur canadien a montré un effet relatif de l’âge identique dans les ligues juniors majeures de l’Ouest, de l’Ontario et du Québec. Pour l’ensemble du Canada, les statistiques révèlent que :

  • 41,6 % des joueurs qui y évoluent sont nés au cours du premier trimestre de l’année (janvier-février-mars) malgré le fait que 24 % des naissances enregistrées au Canada au début des années 2000 ont eu lieu durant cette période.
  • 28,7 % des joueurs sont nés au cours du deuxième trimestre (avril-mai-juin) alors que 26 % des naissances déclarées au Canada ont eu lieu durant cette période.
  • 18,5% des joueurs sont nés au troisième trimestre (juillet-août-septembre) contre 26% des naissances survenues dans le pays au cours de ces trois mois.
  • Finalement, seulement 11,2 % des joueurs de calibre junior majeur sont nés au cours du dernier trimestre, soit entre octobre et décembre, même si 24 % des naissances au Canada ont eu lieu durant cette période.

Bref, le hockey junior majeur est l’aboutissement logique d’un système de hockey mineur qui favorise systématiquement les joueurs les plus âgés de chaque catégorie.

Il n’est donc pas difficile d’imaginer que les joueurs plus âgés bénéficient systématiquement d’un meilleur encadrement et d’un renforcement plus positif, car ils sont plus souvent recrutés dans des programmes de haut niveau. Et que les plus jeunes joueurs de chaque cohorte ont tendance à vivre l’expérience inverse.

Ces hypothèses sont avancées dans l’étude (de Lemoyne et al.) sur l’effet relatif de l’âge au sein du hockey mineur québécois.

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De plus, si vous suivez l’histoire de près, vous vous demandez probablement pourquoi il y a autant de joueurs nés tardivement dans la LNH alors qu’ils ne représentent que 11,2 % de l’effectif junior et sont les plus défavorisés. dans le système du hockey mineur.

C’est une excellente question.

Professeur, chercheur et chef du département des sciences de l’activité physique à l’UQTR, Jean Lemoyne soulève des hypothèses extrêmement intéressantes.

Les chiffres démontrent qu’il est extrêmement difficile pour les joueurs nés tardivement de passer entre les mailles du filet pendant les années difficiles du hockey mineur. Deux hypothèses se posent : l’une est biologique et l’autre psychologique.

Pour « survivre » au processus de sélection, il faut une composante athlétique et une composante psychologique qui sont vraiment fortes. Si vous êtes moins fort physiquement et un peu plus lent que les autres, vous devez développer d’autres compétences pour compenser ces déficiences. Et ces autres compétences permettent d’être sélectionné auprès des plus anciens. Quelques années plus tard, lorsque ces joueurs tardifs rattrapent les joueurs plus âgés en termes d’effectif, ils ne sont plus désavantagés et peuvent aller jusqu’à dépasser le groupe de tête. explique M. Lemoyne.

En ce qui concerne les joueurs nés tardivement, il convient également de noter que la date limite de la LNH pour déterminer l’admissibilité au repêchage est le 15 septembre. De toute évidence, vous devez être né au plus tard le 15 septembre pour être admissible au repêchage.

Le repêchage 2023 de la LNH aura lieu au Bridgestone Arena de Nashville.

Photo : Getty Images/Bruce Bennett

Si vous êtes né après cette date, disons le 17 septembre, vous devrez attendre l’année suivante. Vous bénéficiez donc d’une année supplémentaire de développement. Cela signifie également qu’à la fin de votre parcours amateur, aux fins du repêchage, vous devenez soudainement l’un des joueurs les plus âgés de votre tranche d’âge.

Bref, après avoir été défavorisés par le système tout au long de leur carrière au hockey mineur, les joueurs nés tardivement et qui ont réussi à survivre jusqu’au hockey junior bénéficient finalement également d’une date limite avantageuse avant d’être repêchés.

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Finalement, ce phénomène d’âge relatif soulève de nombreuses questions. Étant donné que les talents sont répartis de manière égale dans la société, le système actuel garantit qu’une proportion considérable de talents est tout simplement oubliée.

Dans ce cas, que pourrait-on faire pour éliminer les problèmes causés par l’effet de l’âge relatif ?

J’ai récemment rencontré des personnes intéressées par ces questions en Belgique. Ils m’ont dit qu’ils étaient confrontés à la même situation au football, c’est-à-dire qu’ils avaient toujours un groupe de joueurs plus âgés au centre de chaque tranche d’âge. D’un autre côté, ils se sont rendu compte qu’il y avait toujours un sous-groupe qui finissait par rattraper son retard à un moment donné et que ces joueurs avaient des caractéristiques différentes.

Les Belges ont accumulé tellement de données qu’ils sont désormais capables d’identifier ceux qui ont de bonnes chances de rattraper les joueurs dominants. Une partie des budgets de leurs équipes nationales est donc réservée pour continuer à suivre ces joueurs qui émergeront plus tard. il explique.

Pour corriger la situation sans perturber l’ensemble du système québécois, Jean Lemoyne estime qu’il faut faire preuve de créativité dans l’identification des talents oubliés.

D’un point de vue de chercheur, je me dis qu’il faut récolter les données qui permettraient d’identifier, comme les Belges, ceux qui seraient susceptibles de rattraper leur retard.

Et d’un point de vue pratique, je pense que nous pourrions rendre notre entonnoir plus flexible. Par exemple, permettre aux joueurs nés vers la fin de l’année d’échanger des catégories à certains moments pourrait s’avérer bénéfique. Prenons l’exemple de la Coupe Bélair, où s’affrontent chaque printemps les meilleurs espoirs québécois de la catégorie M14. Si l’on incluait dans ce tournoi une équipe de joueurs U15 (nés dans le dernier tiers de l’année précédente), cela leur donnerait une chance de figurer parmi les joueurs dominants et de bénéficier d’une meilleure visibilité. Et cela donnerait probablement encore plus de mal aux joueurs plus âgés du M14 qui dominent tout le temps. suggère Jean Lemoyne.

De plus, le système actuel assure que la catégorie midget s’étale sur trois ans. Mais cette option est-elle obligatoire uniquement pour les nains ? Pourquoi ne le ferions-nous pas au moment le plus opportun dans la progression du joueur ? Par exemple, on pourrait permettre à un enfant dont la maturité physique est tardive de jouer trois saisons en U13, quitte à limiter son séjour midget à deux saisons à son arrivée dans cette catégorie.

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À l’heure où le hockey québécois cherche à se moderniser, il vaut certainement la peine de se pencher sur cette inefficacité flagrante d’un système dont certains aspects semblent assez faciles à améliorer.

L’effet de l’âge relatif a été identifié il y a 40 ans. Et jusqu’à présent, personne dans le monde du hockey mineur ne semble y avoir sérieusement réfléchi.

En attendant, le profil des 40 joueurs québécois de la LNH nous dit que c’est fantastique pour un joueur de hockey de naître en début d’année, que c’est vraiment moche de naître au milieu et que c’est une bataille constante. quand on naît à la fin.

 
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